> Red flags : ces offres d’emploi qui font fuir les candidats (et spécialement les femmes)

samedi 6 novembre 2021

Red flags : ces offres d’emploi qui font fuir les candidats (et spécialement les femmes)

 

Récemment, j’ai été interviewée au sujet des red flags en recherche d’emploi, ces petits drapeaux rouges que l’on repère lors des entretiens et dans les annonces et qui crient en nous « Fuyons ! » (vous pouvez me lire à ce sujet chez Maddyness et dans le numéro d’octobre de Néon magazine).

 

On a tous ses propres signaux d’alerte, en fonction de son âge, de son genre, de ses valeurs et de ses besoins.

 

Voici les miens :

- Le tutoiement : c’est sans doute une question de génération mais le tutoiement dans une annonce a le don de me faire hérisser le poil, je l’interprète vraiment comme une marque de fausse connivence. D’autant que sous ses dehors cools et sympathiques, le tutoiement n’en est pas moins le reflet d’un certain rapport de pouvoir. Maëlle Le Corre l’explique ainsi très bien dans son article « Recrutement : ce que cache le tutoiement » : « Tutoyer quelqu’un sans son assentiment revient en effet à l’inférioriser, à signifier l’absence de toute déférence à son égard. » souligne le sociologue Alex Alber dans son travail de recherches sur la pratique du tutoiement dans les rapports hiérarchiques en entreprise. Il s’appuie notamment sur l’enquête de l’ethnographe Denis Guigo pour montrer que la pratique du tutoiement en entreprise reste conditionnée par le genre (les hommes tutoient davantage que les femmes), l’âge (on tutoie plus facilement les personnes qu’on identifie comme étant de la même génération) et la position hiérarchique (on s’autorise plus à tutoyer quand on est soi-même élevé dans la hiérarchie) »

- Le nombre d’expressions en anglais par ligne : même si certains métiers l’exigent, le recours trop fréquent à l’anglais dans une annonce a le don de faire s’allumer mon radar à bullshit. Faites attention: à abuser de l’anglais, on tombe très vite dans le pipotron et on devient malgré soi un même sur Twitter:


 - Les expressions type hacker/ninja/rockstar/barbus : clairement, je n’imagine pas une femme quand je lis ces mots, ne vous étonnez donc pas de ne pas arriver à recruter de talents féminins si vous les utilisez dans une annonce

- Couteau suisse : souvent utilisée dans les petites structures, cette expression est un point d’attention. De la compta au community management, elle sous-entend que l’on va sans doute être amené.e à faire toutes sortes de tâches sans beaucoup de moyens à disposition

- On est une grande famille : le travail c’est avant tout un contrat dans lequel on cède sa force de travail contre rémunération alors que cette expression brouille les limites et introduit une part d’affectif qui n’a pas lieu d’être. L’amour inconditionnel que l’on porte à sa famille n’est pas transposable au monde de l’entreprise.

- Baby-foot et afterworks à gogo : arguments souvent utilisés pour contrebalancer une charge de travail excessive, ils trahissent également une grande porosité entre la vie pro et perso et peuvent incarner une « bro culture » où les femmes auront du mal à trouver leur place.

- Bonne résistance au stress, capacité à travailler sous pression, grande disponibilité demandée : autoroute directe vers le burn-out, ces expressions peuvent être également des repoussoirs pour les femmes qui ne souhaitent pas sacrifier leur vie de famille. D’après une étude Indeed 2019, les femmes priorisent davantage que les hommes les questions d’horaires (69% contre 59% pour les hommes).

- Les demandes exagérées : à l’image de cette annonce : questionnaire, vidéo, appel entretien culture, appel entretien technique, appel entretien final, 3 appels de référence. Et pourquoi pas un mars et le plan stratégique de l’entreprise à 5 ans ?


Bon, là c’est pas un red flag mais carrément le grand pavois !

Les mots utilisés dans les annonces sont loin d’être anodins et peuvent même constituer de véritables repoussoirs pour les femmes. Pour contrer cela, les recruteurs chez Slack utilisent une plateforme appelée Textio, capable de détecter les biais inconscients d’une offre d’emploi.

Car même avec la meilleure volonté du monde, on n’est pas à l’abri de stéréotypes de genre.

Ainsi, vendredi dernier, j’ai relayé cette annonce tweetée par Jade Le Maître :

Au programme du processus de recrutement : 4 entretiens avec des hommes puis comité d’accueil avec bière et partie de FIFA. On a vu plus inclusif ! 

Sans tomber dans ce genre d’annonce caricaturale, les stéréotypes de genre peuvent se nicher là où on ne les attend pas et dissuader indirectement les femmes de postuler. Cet article explique ainsi que Textio, l’entreprise américaine évoquée plus haut, a analysé plusieurs centaines de millions d’offres d’emploi . « Les résultats sont éloquents : si une annonce contient le verbe « diriger », alors les femmes postulent moins que les hommes. Changez ce verbe par « construire », et les profils seront bien différents ! Des chercheurs américains s’étaient déjà penchés sur le sujet en étudiant la portée des mots « leaders », « compétitifs », qui réfèrent plus volontiers à la gent masculine. Les femmes étant plus sensibles aux vocables tels que « relations interpersonnelles », « soutien » ».

Et puisqu’une image vaut mieux qu’un grand discours, je ne peux que vous inviter à vous pencher sur cette illustration de @PeemaMin avant de rédiger vos annonces !

 


 

 


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