> novembre 2011

dimanche 27 novembre 2011

Revue de lecture: "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan et "Limonov" d'Emmanuel Carrère

Il y a quelques mois, je suis allée rendre visite à ma librairie de quartier préférée. Bien que fille de libraire, je me sens toujours mal à l’aise dans ce genre d’endroit : impression de déranger les vendeurs quand je demande un renseignement, sentiment de ne pas être vraiment à ma place.

En butinant de piles en piles, je me suis arrêtée sur « Rien ne s’oppose à la nuit » de Delphine de Vigan. A l’époque, peu de gens en avaient parlé, c’était surtout la photo et la quatrième de couverture qui m’avaient attirée. Mon livre sous le bras, j’errais de rayon en rayon quand un vendeur à l’accent indéfini m’a demandé avec un grand sourire si j’avais besoin d’aide. « Oui, je cherche un livre » ai-je répondu. Réalisant la vacuité de ma réponse je me suis empressée d'ajouter :« forcément, dans une librairie… ». Il a jeté un coup d ‘œil sur mon roman avec une petite moue puis m’a entrainée vers un autre rayon en brandissant d’un air triomphant « Limonov » d’Emmanuel Carrère. Son pitch était tellement enthousiasmant que je l’ai acheté bien qu’a priori rien ne m’emballait vraiment.

Mon pressentiment était le bon : je n’ai pas accroché au portrait bâtard entre fiction et réalité de cet écrivain underground russe, j’ai même peiné à le terminer. Je n’ai ressenti aucune empathie pour Limonov ou pour le narrateur, ne sachant vraiment jamais si j’avais affaire à un héros ou à un salaud. Et puis les longues pages sur l’histoire de l’ex URSS m’ont assommée il faut l’avouer.

En revanche, j’ai été bouleversée par le dernier ouvrage de Delphine de Vigan, « Rien ne s’oppose à la nuit », qui raconte l’histoire de sa mère. On ne le sait pas avant de commencer mais c’est elle qui illustre la couverture de l’ouvrage : solaire, belle comme une héroïne de Claude Sautet, la cigarette à la main mais le regard ailleurs, elle a de faux airs de Romy Schneider. Un peu de sa solitude aussi.

En 2008, Lucile, cette lumineuse femme de 61 s’est donnée la mort. Sa fille, Delphine de Vigan, a mené l’enquête à travers ce roman pour tenter de retracer l’histoire de sa mère et de sa famille. En interviewant ses proches, en lisant ses lettres, en visionnant les films familiaux, elle a tenté de retracer le portrait le plus distancié et le plus juste possible de cette mère atypique. Issue d’une fratrie de 7 enfants, dont 2 se sont donnés la mort, elle n’a eu de cesse de se battre toute sa vie contre elle-même. Diagnostiquée bipolaire, sa vie a constamment oscillé entre exaltation et dépression, détachement et délire. En remontant le fil d’une histoire familiale lourde de non dits, l’auteure tente de trouver une explication, sans jamais juger.

Le roman retrace cette quête mais aussi les questionnements et les douleurs liés à l’acte d’écrire. Car cette plongée dans l’histoire ne se fait pas sans heurts.

Ce roman m’a bouleversée car il est à la fois universel et unique : chaque famille traine ses non-dits et sa drames, ses bonheurs et ses personnalités cabossées et l’on peut sans peine s’identifier à cette saga douce-amère. Le livre, en dépit de certains passages très noirs, reste une formidable leçon de courage et d’amour. Il questionne sur les rapports mère-fille et sur la place de chacun au sein de la fratrie ou de la famille. Il met également en évidence avec une implacable lucidité le poids terrifiant du non-dit sur la destinée d’une descendance.

Un récit bouleversant, à la fois lumineux et sombre, qui parlera à la mère, à la fille ou à l’enfant que chacun porte en lui.

"Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts et le retentissement du désastre. Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence."

vendredi 25 novembre 2011

La bonne nouvelle du jour : mon article sur "Slate" est en ligne!

Le blog est un peu suspens ces derniers jours pour cause de laryngite suivie d'une gastro foudroyante.
C'est donc du fond de mon lit que je vous envoie la bonne nouvelle du jour : mon 1er article sur "Slate" est en ligne et j'en suis très fière!
Si vous souhaitez le lire c'est ici, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
Bon week end à tous!

lundi 21 novembre 2011

Sexistes, scatos ou inutiles: mon bêtisier des pires jouets de Noel

Tous les ans, j’ai le "bonheur" de me plonger dans les catalogues de jouets de Noël plus tôt que la moyenne car mon fils est né le 29 novembre.
Et cette année, j’ai décidé de vous faire partager mon florilège des pires jouets de Noël!Allez, cadeau!
Toutourista
On commence par un jeu de société qui a remporté le grand prix du jeu 2011 j’ai nommé…"Toutou rista" ! Rien que le nom est un poème à lui tout seul ! Le concept : nourrir Toutou rista, puis le sortir en promenade et être le plus rapide à ramasser ses crottes ! Avec les bruit évocateurs de digestion et de régurgitation qui vont avec (et pas encore l’odeur heureusement !). Scatologique ce jeu de société ? Pas du tout se défend Goliath, la marque créatrice, il s’agit d’un jeu éducatif voire citoyen car le but est d’ « Aider Toutou Rista à remporter la médaille du chien le plus propre ! ». Ouf, l’honneur est sauf !
Zhu Zhu pets princesses

Si vous êtes parents, vous n’avez pas pu échapper au phénomène « Zhu Zhu pets » l’année dernière. J’explique pour les nullipares : il s’agit de petits hamsters à pile qui se déplacent partout en émettant des petits couinements assez insupportables. Vous croyiez y échapper cette année ? Pas question, le hamster faisant partie des jouets les plus vendus l’année dernière, Giochi Preziosi rentabilise le concept en nous vendant cette année les « Zhu Zhu pets princesses ». Vive les hamsters à traine et à couronnes, les robes meringues roses et le prince qui vient danser le menuet ! Si même le mythe du prince charmant fait rêver les animaux à poil, où va-t-on ?
« Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », une phrase célèbre toujours d’actualité chez ces rongeurs qui se reproduisent plus vite que leur ombre !
Artemia salina
Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, le temps de Pif Gadget et ces cadeaux qui me faisaient attendre le mardi avec impatience ! L’un des plus connus, après les pois sauteurs, était appelé « la poudre de vie » Derrière ce nom mystérieux se cachaient en réalité des « artemias salinas », petits crustacés que l’on pouvait voir éclore et grandir. Comme beaucoup d’enfants de l’époque, effrayée et dégoutée par la prolifération des bestioles, j’ai commis une hécatombe en jetant mes bébés crustacés dans les toilettes. Si comme moi vous avez été traumatisé par ce génocide, vous pouvez vous rattraper en achetant « Artemia Salina » développé en collaboration avec la cité des Sciences. En revanche, pour les pois sauteurs, je ne peux rien pour vous…
Playmobil femme au foyer
Bien sûr il ne s’agit pas du nom officiel, l’appellation inscrite sur la boîte est beaucoup plus politiquement correcte : « La Buanderie ». En d’autres mots, le placard ! Et qu’y trouve-t-on ? "Dans la buanderie Playmobil il y a tout ce qu'il faut pour bien s'occuper de la maison, des produits d'entretien, un aspirateur, une table à repasser, une machine à laver le linge et même un étendoir... Avec 1 personnage, un aspirateur, une table à repasser, une machine à laver le linge, un étendoir, une étagère et de nombreux accessoires. L'étendoir pivote et la table à repasser se plie."
Waouh ça fait rêver , un vrai kit de desperate housewife !
Je connais malheureusement bien ce jeu car ma mère l’a acheté à ma fille qui l’aime beaucoup (soupirs). Ma solution : remplacer la ménagère par le policier ou le chevalier. Très drôle de les voir repasser ou passer l’aspirateur !
Ken parole de rêves

On continue dans les jouets sexistes mais cette fois-ci ce sont les hommes qui en font les frais ! Mattel a sorti cette année un Ken en t shirt moulant sérigraphié d’un gros cœur rose et imprimé de l’inscription « the ultimate boyfriend ». A première vue, on se dit que l’inventeur de la Barbie veut faire passer un message aux petites filles : le mec idéal est gay. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas ça du tout, comme nous l’explique Mattel « Ken est le petit ami idéal. Pourquoi ? Parce qu'il a toujours les mots qu'on attend ! En effet, il suffit d'enregistrer ce qu'on veut qu'il dise (jusqu'à 5 secondes) en appuyant sur sa poitrine et ensuite en appuyant 3 boutons différents on entendra soit Ken redire ces mots avec sa voix , soit sa propre voix ou encore une voix aigue, selon ses envies ! ».
Donc d’après Mattel, le petit copain idéal est un perroquet bien discipliné qui répète tout ce que dit sa petite amie sans aucun esprit de contradiction ! Le comble de l’homme objet ! Je n’ose imaginer le tollé si une version similaire de la femme idéale avait été développée. Pourtant comme il s’agit d’un homme, ça passe. Et c’est bien dommage…
L’aspirateur par Toys R Us

Cette année, il faut saluer l’effort de parité de l’enseigne Toys R Us qui fait passer l’aspirateur à un petit garçon ! Si cela pouvait faire bouger les mentalités, ça serait une très bonne chose ! (pour mémoire, les tâches ménagères sont effectuées par les femmes à 80%)
Les jouets que l’on ne verra pas cette année en France (et tant mieux !)
Le kit de Pole Dance

Ce kit a destination des petites filles contient tout ce qu’il faut : une barre de pole dancing en chrome extensible jusque 2m60, une jarretelle supra sexy et un DVD de démonstration pour apprendre à réaliser de jolis mouvements suggestifs.
 Le « jouet » a été retiré de la vente cette année par la chaîne Tesco suite à la pression des parents. En revanche, les soutien-gorge rembourrés taille 6 ans sont toujours en vente dans tous les hypermarchés français…
Bébé allaitement

Après la poupée qui pleure ou qui fait pipi voici la poupée qui tête le sein! « The breast milk baby » est un bébé que les petites filles peuvent allaiter : grâce à un vêtement spécial avec des tétons en forme de fleurs, elles peuvent entendre leur nourrisson téter. Une vraie propagande menée des le plus jeune âge par le fabricant de jouets espagnol“ Les petites filles ont besoin d’apprendre à allaiter, dit-on. L’allaitement n’est pas seulement une pratique merveilleuse pour la santé du bébé. Les femmes qui allaitent retrouvent plus facilement leur silhouette d’avant grossesse et ont moins de risque de développer un cancer du sein ou de l’ostéoporose. The Breast Milk Baby aide donc les mères et les enfants à profiter de la vie, en économisant du temps et de l’argent en visite chez le médecin. »
Le fabricant veut véritablement agir sur les mentalités et “révolutionner les comportements concernant la santé des nouveaux nés tout en permettant aux petites filles de découvrir la magie de la maternité». Ca fait froid dans le dos…A quand un kit « épisiotomie » avec fil, aiguille et bouée pour préparer les petites filles à la magie de l’accouchement ?
Barbie burqa

En 2009, 500 exemplaires de ce modèle de poupées Barbie portant une burqa ont été mis aux enchères dans les Salons du Cinquecento à Florence, lors d'une vente de charité, pour le fond Save the Children, organisée par la maison de ventes aux enchères Sotheby. Eliana Lorena, la designer de ce produit, souhaite passer ce message aux femmes :"Vous êtes libres d’être tout ce que vous souhaitez être". Elle ajoute: "Il y a tout juste six semaines, j'ai même crée une Barbie en fauteuil roulant."
En fouillant sur internet, j'ai finalement réussi à trouver un jouet qui réconcilie petits et grands, geeks et "old schools" : le Playmobil Apple Store.

J'avoue que je l'aurais bien piqué à mes enfants celui-là! Mauvaise nouvelle, il s'agit d'un poisson d'avril!



mardi 15 novembre 2011

De la fraude sociale et autres inepties

Décidément, plus la présidentielle approche et plus mes sujets d’agacement se multiplient.

D’abord il y a eu ce projet d’évaluation d’élèves de maternelle afin de détecter les enfants « à haut risque ». Plus récemment, l’ «expérimentation» du retour de l’uniforme à l’école.

Aujourd’hui, c’est Xavier Bertrand qui entre en guerre contre les arrêts maladie abusifs (dans la droite ligne des propos tenus par Laurent Wauquiez qui déclarait que l ‘assistanat était le cancer de la société française).

La traque aux malades et aux « assistés » serait donc le nouveau cheval de bataille du gouvernement dans le but de combler le déficit de la sécurité sociale (et de rafler quelques voix au passage) : "Les fraudeurs, c'est un sujet qui monte. C'est normal en cas de crise, et on va mettre le paquet là-dessus", a ainsi indiqué un responsable de l'UMP.

La fraude sociale, c’était d’ailleurs un des thèmes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, qu’il recycle aujourd’hui allègrement.

Mais qu’en est-il exactement dans les faits?

  • Selon la Cour des comptes, les fraudes à la Sécurité sociale en 2010, n'ont représenté que 1% du montant total des allocations versées aux assurés sociaux pendant l'année, soit seulement 6% de l'ensemble des fraudes sociales constatées dans le pays
  • Contrairement à ce que l'on pourrait croire les entreprises fraudent plus que les particuliers: la fraude aux prestations (indemnités d'arrêts maladie, allocations familiales, RSA etc..) représenterait des dépenses pour l'Etat de 2 à 3 milliards d'euros tandis que le travail au noir représenterait un manque à gagner de l'ordre de 8 à 15,8 milliards d'euros.
  • La fraude fiscale évaluée à 2,4 milliards d’euros pèse bien plus lourd dans la balance que les 266 millions d'euros des fraudes détectées aux prestations de la Sécurité sociale

Ce qu’oublie de nous dire le gouvernement, c’est qu’en France les plus « assistés » ce sont les entreprises! Le CPO, l’instance rattachée à la cour des comptes a ainsi évalué en 2009 à plus de 172 milliards d’euros le montant des aides accordées aux entreprises (niches fiscales, sociales et «mesures particulières») soit… 9% du PIB !

Pour rappel, une personne seule, sans emploi, bénéficiaire du RSA touche 467 euros par mois. Soit 15 euros par jour pour se nourrir, se déplacer… Les assistés ne sont pas ceux qu’on croit ! Les fraudeurs non plus !