> Ni larbin, ni manipulée : ma réponse aux réactions suite à mon billet sur les auto-entrepreneurs

dimanche 30 septembre 2012

Ni larbin, ni manipulée : ma réponse aux réactions suite à mon billet sur les auto-entrepreneurs


Suite à mon dernier billet, j’ai a peu près lu tout et n’importe quoi à mon sujet.

On m’a affublée du très valorisant qualificatif de « lumpenentrepreneur », on m’a traitée de « larbin qui se prend pour Steve Jobs » de « manipulée », de « libertarée ».

En gros, j’étais soit une idiote à la botte des libéraux, soit une prolétaire en haillons.

Remettons juste les choses en perspective :

Ni vous ni moi ne savons réellement ce qu’il va advenir des auto-entrepreneurs. Il est certain que le régime ne sera pas supprimé, pour autant que veut dire cet « alignement des cotisations des auto-entrepreneurs sur celles des autres travailleurs indépendants » prévu dans le projet de loi de finances ? Le gouvernement, qui a vraisemblablement fait une erreur de comm’, a précisé depuis qu’il n’y aurait pas de charges forfaitaires : 0 chiffre d’affaire voudrait toujours dire 0 charges. Pour autant, nous ne savons toujours pas, à l’heure qu’il est à quelle sauce nous serons mangés demain.

Au-delà de cette problématique dont nous ne connaissons pas le dénouement, j’ai été soufflée par la violence disproportionnée de certains commentaires, basés pour la plupart sur une méconnaissance totale du régime.

On me dit que ce statut est le mal. Je n’ai jamais affirmé que l’auto-entreprenariat était la solution idéale pour tous. Il correspond en revanche parfaitement à mes besoins : il me permet de tester la viabilité d’un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps tout en conservant mon allocation de retour à l’emploi. A la fin de mon indemnisation, si je réalise que mon activité n’est pas viable financièrement, je fermerai alors mon auto-entreprise et reprendrai une activité salariée, sans aucune charge financière.  En revanche, si je dépasse le plafond fixé (ce que je me souhaite), je basculerai alors vers un autre type de société. Ce régime n’est rien d’autre qu’une rampe de lancement pour moi. Ca ne fait de moi ni une affreuse libertarée ni une idiote manipulée par le système. Ca peut paraître fou à certains mais j’y trouve mon compte et il s’agit d’un choix raisonné et éclairé.

On me dit qu’avec ce statut « je n’ai rien ». C’est faux. En étant au chômage, je cotise pour ma retraite. En cas de chiffre d’affaire nul, je toucherai mes allocations plein pot. Et je bénéficie d’une couverture sociale et d’une mutuelle au tarif avantageux (grâce à mon ancien employeur).

On me dit que certains employeurs abusent du système : c’est vrai, ça s’appelle du salariat déguisé. Pour autant, pourquoi jeter le bébé avec l’eau du bain ? Et pourquoi faire payer aux auto-entrepreneurs le prix de cette fraude ? Certains employeurs abusent du travail au noir car embaucher un salarié coûte cher, pour autant faudrait-il supprimer le CDD ?

On me dit que je suis une précaire. Je le suis, comme tout créateur d’entreprise, qui n’a pas encore beaucoup de visibilité sur son activité mais cela n’a rien à voir avec le statut d’auto-entrepreneur. Lorsque j’étais demandeuse d’emploi, à la merci d’un conseiller qui ne comprenait même pas quel était mon métier et m’avouait n’avoir aucune offre à me proposer, je l’étais bien plus.  J’ai en revanche la tranquillité de n’avoir plus à répondre à aucune offre d’emploi tout en touchant mes allocations.

On me dit que les auto-entrepreneurs sont tous des précaires. Il est vrai que le salaire médian annuel peut, à lui seul, décourager quelqu’un qui voudrait se lancer. Mais combien d’auto-entrepreneurs ont une activité salariée en parallèle ? Combien d’entre eux touchent le chômage ? Combien d’entre eux testent « pour le plaisir » une idée folle, un projet qui n’aurait jamais vu le jour autrement? Nous ne saurons jamais combien de désillusions se cachent derrière ces chiffres, ni combien de rêves accomplis, de renaissances ou de projets fous. Les statistiques ne disent pas tout cela.

Je connais le salariat pour l’avoir expérimenté pendant 15 ans. J’ai vécu la pression, le manque d’évolution, de reconnaissance. J’ai vécu la souffrance au travail, à titre personnel et en tant que déléguée du personnel. Je ne veux plus de cette vie pour l’instant. Etre free lance n’est pas simple, ce n’est pas la panacée mais cette expérience me permet de travailler autrement, en conciliant davantage vie personnelle et professionnelle. Je crois que ça n’a pas remisé à la poubelle mon humanisme pour autant. Ca ne fait pas non plus de moi une affreuse libérale dénuée de morale, un exploiteur sans vergogne ou autre qualificatif peu gratifiant dont on m’a affublée.

Désolée de décevoir les utopistes mais il n’existe pas le monde rose des bisounours du salariat et celui perverti des entrepreneurs. Les exploiteurs et les exploités se retrouvent des 2 côtés de la barrière.

Plutôt que diviser pour régner, il serait plutôt temps de resserrer les rangs, vous ne trouvez pas ?

9 commentaires:

  1. Et oui Ma Soso, mais pour resserrer les rangs il faudrait des neurones, éléments vraisemblablement manquants à ceux qui t'ont envoyé ces commentaires comme à une majorité de cette population qui sombre incontestablement dans l'ignorance et la bêtise.
    Retournez regarder l'Amour et dans le pré et ne nous lisez plus, on ne s'en portera que mieux ...

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  2. Ma Soso! j'ai pensé à toi en écrivant "monde des Bisounours", spéciale dédicace!

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  3. "Plutôt que diviser pour régner, il serait plutôt temps de resserrer les rangs, vous ne trouvez pas ?"

    C'est exactement de cette façon là que j'ai terminé mon article de blog tout à l'heure : http://mecadyn.over-blog.com/article-thunderstruck-110713856.html

    Comme quoi, on peut ne pas être d'accord sur la forme mais se retrouver sur le fond ;-)



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    1. Absolument! c'est moi le tweet "rageur" que vous mentionnez?

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    2. Je ne sais plus. Il y en a eu plein des tweets rageurs depuis hier.

      Mais au moins ça m'a permis de connaître votre - excellent - blog. Un soupçon de vigilance en plus et je le mets dans mes favoris ! :-)

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  4. Bonjour Sophie.
    il n'y avait rien d'insultant dans le "lumpen prolétariat", qui n'était pas une invective mais un hashtag sur un tweet qui ne vous était pas spécialement destiné. Souvent, j'utilise ce terme de "lumpen" pour moi et d'autres "camarades entrepreneurs" tant je sens une différence entre notre richesse supposée et cette vie de passion, certes, mais sans commune mesure avec l'image qu'on *nous* donne des entrepreneurs.
    Pour le reste, je ne suis pas d'accord avec vous, mais je ne suis pas auto-entrepreneur, justement, d'où mon tweet initial : https://twitter.com/fano/status/252106217227427840. J'entends votre besoin de flexibilité, vos accomplissements. Maintenant, pour la Société, je trouve difficile de se réjouir d'un statut dont on sait que la très grande majorité de ceux qui en profitent gagne aux alentours de 1000 euros par mois. J'habite Paris, et je sais qu'à 1000 euros par mois dans un foyer, je doute que la vie soit plus heureuse que chez Brecht... Et ce n'est pas de la condescendance.
    Bon courage pour la suite et vos développements d'entrepreneuse parce que oui, soyons solidaires, et ne créons pas de sous-catégorie ou des problèmes là où ils n'existent pas.

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  5. Bonjour Stéphane, l'invective ne venait pas de vous. Ces 1000 € ne nous disent pas combien touchent le chômage, combien travaillent en parallèle, combien reprendront le salariat ensuite. Mais je suis d'accord avec vous, ces chiffres sont très loin d'être satisfaisants.

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  6. Bonjour Sophie,
    Moi je travaille en profession libérale, et j'adore ma liberté, bosser chez moi, seule dans un environnement que j'ai choisi, dire non si ça me chante (je le fais parfois), être là pour mes enfants. Le prix à payer est la précarité, mais ça s'apprivoise, et les charges monstrueuses, mais ça se gère.
    En revanche, une chose est sûre : aucun salarié ne lèvera le petit doigts pour des capitalistes comme nous. Et certains de nos clients déclencheraient des grèves si quelqu'un osait les traiter comme eux-mêmes nous traitent.
    IL faudrait qu'on crée un syndicat "transversal" d'indépendants pour nous défendre contre les gouvernements, parce que personne d'autre ne le fera.
    Une autre Sophie :-)

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  7. je n'ai pas encore pris le temps de lire l'article qui a causé ce déferlement...Mais je peux donner mon témoignage: je suis auto-entrepreneur et je trouve ce système plutôt avantageux quand on démarre une activité. Je crois que les gens qui critiquent n'ont jamais essayé de monter une entreprise. Alors je vais essayer de vous décrire un peu comment ça marche : quand on crée une entreprise, pendant 2 ans on paie des charges qui sont basées sur une moyenne (décidé par la loi) en attendant de voir combien vous allez éventuellement gagné. Je ne me souviens plus des chiffres mais je crois qu'il faut débourser plusieurs milliers d'euros (genre 5 ou 6 000 euros) pour la première année. Et cela même si vous ne faites aucun chiffre d'affaire...Vous ne paierais ce que vous devez réellement que la troisième année.
    Pas toujours facile de démarrer donc si on n'a pas des économies...et puis c'est sans parler des complexités de l'administration française. Franchement, pour y avoir mis le nez et pourtant j'ai fait des études, c'est très compliqué. Même les fonctionnaires impliqués vous disent tout et son contraire et ne savent pas toujours vous renseigner.
    Et puis comme tu dis, cela permet de tester une idée sans prendre trop de risque.
    Aussi, beaucoup d'auto-entrepreneurs ont une autre activité. Combien de salariés auraient pris le risque de créer une entreprise qui rapporte peut-être que quelques milliers d'euros pas an dans le contexte précédent la création de ce régime?
    Au moins, cela permet que certaines activités qui auraient été réalisé au noir soit légalisées.

    Tout n'est pas parfait mais le succès de ce régime montre qu'il répond à une demande. Je pense que si j'avais dû créer directement mon entreprise, cela aurait été beaucoup plus compliqué et je ne sais pas si j'aurais persévéré. Bien sûr, j'espère moi aussi dépasser bientôt le plafond et passer à un autre statut.
    Pour finir, je ne pense pas que les critiques de ce régime viennent des gens qui l'utilisent mais de râleurs professionnels, qui n'ont rien d'autre à faire et bien souvent ne propose que l'immobilisme...
    En tous cas, merci pour ton post que j'apprécie!

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