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mardi 6 mars 2018

#Balancetonloup : pourquoi la dernière campagne de lutte contre le harcèlement dans les transports est à côté de la plaque





Hier, la région Ile-de-France, la RATP et la SNCF ont lancé une grande campagne de lutte contre le harcèlement dans les transports.

Une campagne très attendue mais qui a suscité bien des déceptions en raison, notamment, de la représentation très édulcorée des agresseurs sous forme d’ours, de loup ou de requin.




Ce n’est pourtant pas la première fois que la RATP utilise la métaphore animalière pour faire passer ses messages. En 2011, elle avait déjà fait appel à la poule, à la grenouille, au buffle ou au paresseux pour représenter les incivilités courantes sous forme de fable. Un procédé qui, pour le coup, marchait assez bien même si on pouvait regretter le cliché sexiste de la poule pour représenter une femme parlant trop fort.




Pourquoi alors, cela ne fonctionne-t-il pas avec le harcèlement dans les transports ?

Parce qu’ici, le sujet, le harcèlement sexuel dans l’espace public, est loin d’être nouveau. Il a été même mis en lumière depuis 2012 grâce au reportage “Femme de la rue” de Sofie Peeters et a déjà fait l’objet d’une campagne gouvernementale en 2015. Plus récemment, les femmes ont, elles aussi, témoigné publiquement et de manière très crue des violences sexistes et sexuelles subies au quotidien via l’hashtag #balancetonporc. L’opinion publique était donc prête.

On aurait donc été en droit d’attendre une campagne à la hauteur de cette prise de conscience, avec des images fortes et une identification précise des agresseurs et des modalités de l’agression.
C’est tout le contraire qui est mis en image ici.

Alors que le message clé est « ne minimisons jamais le harcèlement sexuel », la campagne utilise justement une métaphore animalière qui l’édulcore. Quel agresseur se reconnaitra dans le loup, l’ours ou le requin, d’autant qu’il s’agit d’animaux plutôt valorisants en termes de représentation de la virilité (contrairement au cochon par exemple) ? Quelle victime reconnaitra la violence de ce qu’elle a subie dans l’image d’un loup ou d’un requin figés en arrière-plan ?

Alors que la campagne de 2011 mettait en scène les animaux pris « sur le vif » lors d’incivilités (poule au téléphone, grenouille qui saute le tourniquet), celle d’aujourd’hui ne représente les animaux que pour ce qu’ils sont, figés dans leurs positions d’attente, ce qui rend le message encore plus inaudible. 

Par ailleurs, elle sous-entend que les agresseurs seraient des animaux aux pulsions incontrôlables, contribuant ainsi à les excuser indirectement. 

Déshumaniser l’agresseur est d’ailleurs un travers propre à de nombreuses communications. La récente campagne de Tisséo contre le harcèlement sexuel dans les transports toulousains n’y échappe malheureusement pas en le représentant sous les traits d’un monstre grimaçant.


Le spot de l’application « Handsaway » destiné à sensibiliser aux violences sexistes et sexuelles avait pris lui aussi le parti de représenter les hommes sont forme de sexes sur pattes.


Il est pourtant nécessaire de rappeler que les agresseurs ne sont ni des monstres, ni des animaux soumis à des pulsions incontrôlables mais des hommes, de tout âge, de toute catégorie socio-professionnelle et de toute origine. C’est cette diversité qu’il aurait fallu représenter pour faire avancer les mentalités. Mais Valérie Pecresse a estimé que cela stigmatiserait les hommes…
Une frilosité que n’a pas eue ONU Femmes Mexique. L’organisation a ainsi installé en 2017 dans l’un de ses métros un siège reproduisant les contours du corps d’un homme et de son pénis.



"Il est ennuyeux de voyager ici mais cela n'est rien comparé à la violence sexuelle que les femmes subissent dans leurs trajets quotidiens", indiquait un écriteau en face du siège.

Une audace à des années lumière de #balancetonloup…