> avril 2014

mercredi 30 avril 2014

Soutiens-gorge rembourrés : nos seins victimes de la mondialisation?



L’autre jour, après avoir récupéré une énième baleine dans le tambour de ma machine à laver, je me suis dit qu’il était grand temps de renouveler mon stock de soutien-gorge.

Qu’elle n’a pas été ma surprise en découvrant qu’il était quasi impossible de trouver un soutien-gorge qui ne soit pas rembourré. Même en 90D.

Désormais, les rayons des magasins, de H&M à Etam regorgent tous de ces sous-vêtements aux coques moulées ampliformes, de la plus petite à la plus grande taille (on peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt de la chose pour les fortes poitrines).

Exemple trouvé sur le site d’Etam quand on tape bonnet D et E : pratiquement que des ampliformes, même pour la forme « triangle ».



Le choix est plus vaste pour les marques plus luxueuses, type Aubade, mais pas question pour moi de mettre 100€ dans un soutien-gorge.

Plus grave, le phénomène du rembourrage touche même les enfants, comme l’a démontré une enquête menée par le site OWNI: « Dans les supermarchés low-cost (de type Babou), les rayons lingerie enfants ne proposent généralement que des soutiens-gorge type Wonderbra. Dans les hypermarchés classiques (Auchan, Carrefour, Super U…), les soutiens-gorge “ampliformes” représentent généralement la moitié du marché, et certaines grandes marques, comme DIM, KIABI, Les 3 Suisses ou La Redoute, proposent eux aussi des modèles rembourrés, à partir de 8 ans (70A). »



Pour Sandrine Pannetier, directrice de la stratégie pour le bureau de tendance Martine Leherpeur interrogée à cette occasion, l’explication serait à peut-être à chercher du côté de la culture et du marché asiatique :

« Le savoir-faire de corsetterie est extrêmement difficile à maîtriser, et il est beaucoup plus facile de fabriquer des soutiens-gorge rembourrés, ou à partir d’une coque moulée, que non rembourrés.
De plus, quand vous avez une toute petite poitrine, et que vous voulez masquer le téton, il faut le rembourrer, ce qui fait que le marché asiatique est envahi de soutiens gorge rembourrés pour masquer les tétons, et éviter toute érotisation. ».

Cet article sur le site Kanpai l’explique bien : « Il reste un sujet principal sur lequel les Japonaises complexent assez invariablement : leur poitrine qu’elles jugent trop petite. Alors, si en Europe on trouve de plus en plus de soutiens-gorge rembourrés ces dernières années, au Japon ça fait bien longtemps qu’il est impossible d’en trouver qui ne le soient pas ! Même ceux qui sont dotés de coussins amovibles conservent une couche rembourrée sur les bonnets. » « En réalité, les Japonaises ont détourné l’objet originel du soutien-gorge : de pièce qui épouse la forme du sein pour le soutenir, elles en ont fait un accessoire de mode censé dessiner la silhouette. Plus qu’ampliforme, le soutien-gorge japonais impose souvent lui-même sa courbe et son volume. Tout ceci est généralement dicté par une peur et un rejet à tout prix du décolleté plat. Chez Uniqlo, on va encore plus loin en proposant le « bra-top » : un « haut / soutien-gorge » qui comme son nom l’indique, inclut un soutien-gorge directement dans le débardeur. Plus exactement, il inclut du rembourrage afin de donner une forme au vêtement quelque soit la taille de la poitrine»



La journaliste Hélène Crié-Wiesner expliquait dans un truculent billet que cette tendance était également arrivée aux Etats-Unis :

« Quand on veut acheter un soutien-gorge normal aux Etats-Unis, c’est presque impossible. Par normal, j’entends non-rembourré, juste une coque légère en dentelle ou en lycra. Non seulement les soutifs ici sont presque tous noirs, blancs ou beiges, ils sont aussi doublés d’une mousse épaisse qui fait des seins tout ronds, uniformes. »

Le but n’est pas ici d’augmenter le tour de poitrine mais plutôt de cacher les bouts des tétons, jugés inconvenants. Pour pouvoir aller à la piscine de manière « décente », il est donc recommandé d’habiller ses seins de cache-tétons en silicone « qui se collent sur les tétons et dissimulent tout bourgeonnement intempestif, même sous un T-shirt ou un maillot mouillé » comme l’explique Hélène Crié-Wiesner.


Crédit : Hélène Crié-Wiesner

Et si ça ne suffisait pas, les Japonais ont inventé le « cache décolleté », sorte de string en tissu se clipsant sur le soutien-gorge afin de masquer le creux des seins et ainsi « préserver la pudeur de sa poitrine ».



Après l’invasion des soutiens-gorge rembourrés made in Asia, doit-on se préparer à celle des cache-tétons ? Si la mondialisation s’attaque à nos décolletés, on ne sait plus à quel sein se vouer !


mardi 29 avril 2014

"Quand le ménage devient tendance" : après le it bag, la it serpillère?



Quand on se déclare féministe, les gens pensent souvent à vous.

Mais pas pour vous envoyer des fleurs, plutôt pour vous faire part des horreurs sur lesquelles ils sont tombés.

Sur Twitter, on m’écrit ainsi très régulièrement ce genre de message : « Tiens, j’ai vu ce truc, tu vas hurler » ou « J’ai pensé à toi en voyant cette horreur ». Ou encore « Ce matin, j’ai entendu ce gros beauf sexiste, ça m’a fait penser à toi ».

Ce matin, à 6 heures pétantes, je suis donc tombée sur le tweet que m’avait adressé ma copine Frayer : cette magnifique vitrine de la Compagnie de Provence. 



Une marque, qui, selon ses propres termes "véhicule une vision moderne de la Provence, peu conventionnelle, avec une pointe d’humour et de légèreté".

"Quand le ménage devient tendance". Allons bon, après, Cif qui nous sacrait reine du balai à chiottes, voilà qu’une marque de produits d’entretien veut nous pousser à astiquer au prétexte que ce serait à la mode. A côté de cette accroche, "Moulinex libère la femme" paraîtrait presque féministe. Après le "it bag" à quand le "it plumeau" ou la "it serpillère" ?

Ben oui, manquerait plus que la FÂAAAMME néglige son apparence quand elle récure ses toilettes ou nettoie sa vaisselle : même au turbin elle se doit être élégante. D’où ses magnifiques gants, Vichy et rose bonbon forcément, qui pendouillent poétiquement dans la vitrine histoire de bien nous rappeler que le ménage est avant tout l’affaire des femmes. Comme Cif, la marque sous-entend ici qu’il s’agit d’une noble tâche : les mains dessinées en arrière-plan et qui semblent porter le flacon de liquide vaisselle comme un trophée précieux sont là pour nous le rappeler.

Parfaite illustration du concept de « soumission enchantée » dont parlait Bourdieu !

Tendance le ménage, vraiment ? Comme l’a judicieusement écrit @juliechabaud, une de mes followeuses : « Inutile de s’y mettre, ça sera vite dépassé ».




mercredi 23 avril 2014

Vers la fin des jouets genrés chez Mc Donald’s ?



Il n’est jamais trop tôt pour lutter contre les stéréotypes de genre.

Une petite fille de 11 ans, Antonia Ayres-Brown, vient de le prouver en faisant plier la chaîne de restauration rapide Mc Donald’s à force d’obstination. Elle raconte aujourd’hui son histoire, 6 ans plus tard, au sein du magazine en ligne Slate.

Lassée d’entendre « Jouet de fille ou jouet de garçon ? » au moment de la commande d’un Happy Meal, la petite fille s’est fendue en 2008 d’une lettre à la direction de la chaîne de fast-food, demandant s’ils proposaient également des jobs pour filles ou pour garçons !

Quelques semaines plus tard, elle reçoit alors une réponse polie mais sans effet de Mac Donald’s lui signifiant que ses employés n’étaient pas formés à proposer des jouets de fille ou de garçon.

Ne se laissant pas démonter par la tiédeur de la lettre, elle décide donc de contre-attaquer en menant une grande enquête auprès de15 McDonald's différents.
En envoyant des enfants de 7 à 12 ans au sein des restaurants, elle a ainsi réussi à prouver que dans 92,9% des cas, les employés donnaient bien aux garçons "les jouets garçons" et aux filles "les jouets filles" et ce sans leur demander leur avis ! Pire, dans 42,8% des cas, les employés du restaurant refusaient l’échange contre un jouet du sexe opposé.
Après avoir fait part des résultats de son enquête à la direction de Mc Donald’s au sein d’une seconde lettre, elle reçoit enfin une réponse satisfaisante de la part de la responsable de la diversité de la chaîne de fast-food : « C'est le but de notre entreprise de faire en sorte que chaque client qui désire un jouet avec notre menu enfant puisse le choisir librement, en fonction de ses préférences et non d'une quelconque classification du jouet comme « féminin » ou « masculin ». Nous avons récemment réexaminé notre politique et sommes en train de prendre les mesures nécessaires pour que nos jouets soient distribués de manière satisfaisante ».

Une nouvelle qui devrait faire plaisir à Papacube qui en parlait déjà l’année dernière sur son blog et à Benjamin Smadja qui se sentira moins seul dans sa croisade contre les jouets genrés ! 



vendredi 18 avril 2014

Quand un médecin nie la souffrance des femmes : "Le point du mari c'est dans la tête"



Décidément, le point du mari n’en finit pas de faire parler de lui.

Aujourd’hui c’est au tour de Jean Marty, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof) de s’exprimer dans le Monde.

Pour lui, « le point du mari, c'est surtout dans la tête des femmes que cela se passe ».

Allons bon, cette mutilation ne serait qu’une vue de l’esprit, une simple manifestation psychosomatique.  En effet, « selon ses recherches, le plus souvent, les douleurs ne viennent pas d'un problème anatomique – la flexibilité du vagin s'adapte au fur et à mesure de la reprise des relations sexuelles – mais sont liées à l'acceptation psychologique de sa vie sexuelle. »

Pourtant, le médecin affirme sans aucune logique une ligne plus loin : « Vous avez des femmes qui ont été victimes, incontestablement. La chirurgie est du domaine de l'art, on peut penser que certains médecins ont eu l'idée qu'en modifiant un peu leur façon de suturer, ils amélioreraient un peu la sexualité, et ça, ça ne nous choque pas ».

Donc Jean Marty affirme que tout se passe dans la tête des femmes mais en même temps, confirme l’existence de cette pratique. Etrange argumentation.

Il compare également sans ciller une mutilation intime à de l’art. Pour lui, recoudre un périnée façon Picasso ça n’est pas choquant. C’est juste artistique.

Pour Jean Marty, le véritable problème après tout ce n’est pas le point du mari mais les femmes, ces incorrigibles bavardes, qui s’excitent d’un rien : « On est dans l'absurde, le fantasme, c'est un sujet qui réveille l'excitation », et dont il ne faudrait pas trop parler – conseil d'accoucheur expérimenté – pour ne pas provoquer un peu plus la somatisation vaginale, ou l'expression physique d'un problème psychique, selon lui très fréquente chez les femmes. « Vous avez aussi des femmes qui sont bien dans la victimologie, qui se retrouvent dans une forme de souffrance parce qu'elles arrivent à susciter l'intérêt », estime-t-il. »

Quel mépris des femmes, quelle violente négation de leur douleur en ces quelques mots.

Et que dire de la « victimologie » ? Les femmes ne souffriraient (ou ne simuleraient la souffrance) que dans le but d’attirer l’attention ? Je plains les victimes qui ont dû être examinées par ce médecin après un viol. « Non, vous ne souffrez pas, tout est dans votre tête. De toutes façons, vous ne cherchez qu’à attirer l’attention. Un conseil de médecin : surtout n’en parlez pas, vous risqueriez une somatisation vaginale. »

Je proposerais bien à ce Monsieur une petite épisiotomie d’une dizaine de points pour qu’il vérifie par lui-même si la douleur n’est que la manifestation de l’égarement d’un esprit trop fragile. On verra de quelle manière il « acceptera psychologiquement sa vie sexuelle » avec sa balafre tout juste cicatrisée.

Tiens la sexualité des femmes, parlons-en. « Une sexualité épanouie, ce « n'est pas un cadeau que la nature donne à tout le monde », conclut-il, citant une vieille chanson de Georges Brassens, La Femme s'emmerde en baisant. ». Donc Mesdames, estimez-vous heureuse d’avoir eu une vie sexuelle avant votre grossesse et ne venez pas pleurnicher désormais. Après tout, une sexualité épanouie n’est pas donnée à tout le monde.

Puisque ce cher Jean Marty semble apprécier Brassens, à mon tour de conclure en chanson :

« Le temps ne fait rien à l´affaire
Quand on est con, on est con
Qu´on ait vingt ans, qu´on soit grand-père
Quand on est con, on est con ».

A bon entendeur…