> Interview fromage et féminisme : Manuela Wyler

vendredi 20 novembre 2015

Interview fromage et féminisme : Manuela Wyler



Parce que le fromage c’est la vie.
Parce que les féministes ont de l’humour.
Parce que militantisme et fromage ne sont pas incompatibles.
Parce qu’il n’y a pas un féminisme mais des féministes.

J’ai crée cette série d’interviews décalées « Fromage et féminisme » #FF.

Aujourd’hui c’est Manuela Wyler qui répond à mes questions.

NB : Cette série d'interviews a été menée au mois d'octobre donc bien avant la série d'attentats du 13 novembre

Bonjour Manuela, peux-tu te présenter en quelques mots : es-tu plutôt coulante comme un brie de Melun ou forte comme un Munster ?

Bonjour Sophie, 

Je ne mange pas de fromage à quelques exceptions italiennes près ou alors dissimulé dans la cuisine. Disons que sous une croute épaisse et rugueuse, bien affinée par les années et le séchage ma pâte s’effrite en copeaux  sous une lame forte. Je dirais que je suis un Parmesan de bonne maison, bien entendu, et d’appellation contrôlée. D’ailleurs ils ont arrêté la fabrication. Bref je suis une antiquité.

Parce que née au pays du Munster puant j’ai des nausées  fréquentes quand le fromage coule et sent fort. Enfant je changeais de trottoir pour éviter l’affineur de Munster dont les caves exhalaient jusque dans la rue qui me menait au collège.

Plus sérieusement, j’ai 55 ans, je ne travaille plus depuis deux ans parce que je suis malade, j’ai écrit un livre sur mon expérience il s’intitule Fuck mycancer.

Je ne vais pas vous embêter avec une biographie, disons que j’ai quelques heures au compteur et que côté féminisme je ne suis pas lassée du combat.

D’après toi, le féminisme on en fait tout un fromage ?

J’étais bien jeune lorsque les combats féministes du XXe siècle ont porté leurs fruits. Contraception, droit à l’avortement, libération sexuelle ma génération  doit beaucoup à ces femmes.  Je fais partie de la génération qui a connu la ségrégation puis a découvert la mixité scolaire. Pour moi le combat féministe s’inscrit dans une lutte globale contre les discriminations. Je ne peux pas envisager mon féminisme coupé de mes combats contre l’homophobie, le racisme ou l’antisémitisme.
Il y a une cohérence  à tendre vers une société égalitaire. Complètement égalitaire.
Je me réjouis de voir une nouvelle génération de femmes continuer à se battre et ne rien lâcher.  Après je me rends bien compte des différents mouvements du féminisme contemporain et tous ne me correspondent pas. Comme le fromage il en faut pour tous les goûts. L’essentiel est d’essayer de faire changer nos sociétés.

La dernière actualité (pub sexiste, bad buzz, déclaration de people…) qui sent le roquefort ?

J’ai été atterrée par le débat parlementaire dit de la taxe tampon.
Je ne sais ce qui est le plus débile dans cette histoire, devoir passer par une loi pour baisser le taux de TVA d’un produit d’hygiène indispensable ou les arguments du secrétaire d’état au Budget.

Comment couper le fromage de façon féministe (et donc égalitaire) ?

Je passe sur la découpe, mais pour ce qui est de notre société il n’y a rien à concéder, la notion d’égalité en mathématique me convient
« L’égalité est une relation binaire entre objets (souvent appartenant à un même ensemble) signifiant que ces objets sont équivalents, c’est-à-dire que le remplacement de l’un par l’autre dans une expression ne change jamais la valeur de cette dernière. » Une femme = un homme  les deux appartiennent à l’humain, mêmes droits, mêmes devoirs, mêmes valeurs.
Ça c’est l’objectif et pour le moment nous n’y sommes pas. Hélas !

Ton plateau de fromage idéal ? Avec qui aimerais-tu le partager ?

Là, hélas, je reviens à mes dégouts, merci de poser le plateau de fromage loin de moi.  Pour la discussion je suis ouverte  à tout ce qui est respectueux de la parole et de l’identité de l’autre.  De préférence autour d’une grande table et en journée, le soir je suis trop fatiguée. Je peux même fournir le repas.

Le one pot pasta a crée la polémique : et toi, c’est quoi ta recette de la honte avec du fromage ?

La honte du fromage ce sont les sticks et autres pâtes tranchées dont on ne sait quelle est la composition. Il ne s’agit pas de fromage, un ersatz tout au plus.
La recette de la honte, hum  je dirais la fondue dite Suisse en sachet ou pour rester dans un registre chère à Flonot l’emmental français sur la pizza.

Comme moi, tu fais partie de la team #veilletwitta : qu’est ce qui te fait sentir parfois comme une vieille croûte, sur Twitter ou ailleurs ?

Pour la veille croute, se reporter à ma première réponse. Plein de choses me font mesurer mon âge, mon intolérance aux fautes de syntaxe c’est un peu comme une allergie au gluten mais avec 140 caractères.  Parfois je me surprends à me traiter de vieille bique et puis ça passe.

Pour toi le féminisme c’est plutôt à -0% de matière grasse comme le Bridelight ou à plus de 35% comme le Brillat Savarin?

Ici on donne dans le sérieux Madame, alors quitte à choisir on va éviter le 0% et les industries laitières et garder le Brillat Savarin pour le nom qu’il porte et la personne qu’il symbolise.  La crème du féminisme dosée à 35% ne me semble pas suffisante , l’égalité c’est 50%.

Es-tu favorable à une AOC pour le féminisme ?

Définitivement non, les labels, étiquettes et tampons (pas hygiéniques)  je n’aime pas. Je n’aime pas non plus les origines contrôlées lorsqu’on traite de l’humain. Trop de mauvaises expériences historiques.
On peut être féministe sans être encartée dans un mouvement. J’aime cette définition large qui répond à une seule et simple question « Es-tu pour une société égalitaire » si la réponse est oui, bienvenue dans le mouvement et dans l’action.

Si on devait remplacer « Belle des champs » par une femme que tu admires, qui serait-elle ?

Pour commencer on devrait interdire « Belle des champs » c’est une saleté industrielle déguisée en fromage. Quant aux femmes que j’admire je pense que leur place n’est pas sur une boite de fromage. Je ne vais pas esquiver ta question. La première femme que j’ai admirée était un drôle de morceau, une femme premier ministre. Je vous laisse deviner. Non pas Maggy Thatcher ( là ma copine Cécile reprend son souffle), pas Indira Gandhi bien qu’elle soit sur mon podium, je dirai Golda Meir qui a répondu à une interview d’Oriana Fallaci :

« Ca n’est pas un  hasard si beaucoup me reprochent de conduire des affaires publiques avec mon coeur à la place de ma tête. Et alors, si je le fais? . . . Ceux qui ne savent pas comment pleurer avec tout leur cœur ne savent pas rire non plus. »

Son humour à propos du féminisme  était sans limite.
« La libération des femmes est juste une folie. Ce sont les hommes qui sont victimes de discrimination. Ils ne peuvent pas avoir d'enfants. Et personne n’est susceptible de faire quelque chose à ce sujet. »

Il faut remettre cette phrase dans un contexte Golda était née en 1898 elle a prononcé ces mots en 1971. Toutes les femmes admirables ont des travers, Golda comme les autres, mais c’est ça l’humanité, non ? Un monde égalitaire devrait permettre d’admirer des femmes imparfaites.

Merci à Manuela pour cette interview!

Tu es féministe, tu aimes le fromage et tu souhaites être interviewée ? (tu as le droit de répondre même si tu le détestes, le fromage, pas le féminisme). Ecris-moi un petit mail à sophiegourion(at)hotmail.fr et je t’enverrai les questions !








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