> La grande brune avec une chaussure noire

vendredi 4 novembre 2011

La grande brune avec une chaussure noire

J’ai vraiment un problème avec les compliments.

Quand on me complimente sur ma tenue par exemple, je ne peux pas m’empêcher de répondre du tac au tac « oh ça c’est pas cher 15€ chez Monop ». Quand on me dit « j’aime bien ce que tu écris » je rétorque immédiatement « oui mais pour l’instant ça ne paye pas le loyer ». Il m’est tout simplement impossible de répondre sereinement et avec bienveillance « merci beaucoup, ton compliment me touche énormément ».

Si je ne m’attribue pas facilement des qualités, il y en a bien une que je me targue d’avoir sans hésitation : celle de me mettre dans des situations improbables (et souvent humiliantes). A l’heure où je vous écris, j’ai la mâchoire déboitée par exemple. Pourtant je ne fais pas de boxe française, j’ai juste reçu un coup de tête de ma fille alors qu’elle sautait sur le lit hier. Cet été, je me suis cassée un orteil contre le canapé. Rien de très original, sauf quand on se pête un autre orteil du même pied en shootant dans un rocher la semaine d’après. La liste est longue : il y a quelques années, j’ai fait une réaction bizarre à une angine et me suis retrouvée avec des boules sur les 2 jambes avec l’obligation de rester allongée pendant un mois. Une autre fois, la laisse de mon chien est restée coincée dans l’ascenseur et j’ai dû la casser avec les mains sous peine de le voir broyé : résultat : 4 points de suture. Adolescente, j’ai réussi à combiner un corset pour cause de scoliose à un plâtre à la jambe n’ayant rien trouvé de mieux que de me fouler la cheville. Je vous laisse imaginer les gentils surnoms attribués par mes chers camarades de classe.

Dans mes relations avec les gens c’est un peu pareil : tous mes amis vous le diront, la phrase qui me poursuit depuis toujours c’est « y a qu’à toi que ça arrive ! ». Pourtant je les sens venir de loin les humiliations, les cas sociaux qui ne me lâcheront pas, les cinglés qui se prennent d’affection pour moi. J’ai même développé un sixième sens assez aiguisé pour les reconnaître. Mais ça ne m’empêche pas d’y replonger. Il y a quelques années, j’étais même devenue l’attraction au boulot avec mes histoires tordues que mes collègues suivaient à la manière d’une sitcom. La plus drôle c’était quand même celle-ci : nous l’appellerons « le type du parc ». Tous les matins, je passais par le jardin des Batignolles pour accompagner mon fils chez sa nounou. J’avais remarqué un type étrange, grosse tignasse et short en satin qui faisait de la gymnastique et des mouvements de karaté (à y regarder de plus près, il faisait semblant de faire du sport et effectuait juste de grands mouvements désordonnés). Un jour il s’est mis à me faire coucou de la main de loin et je répondais à son salut d’un vague signe de la tête. C’était devenu un rituel amusant et même mon fils attendait son bonjour avec impatience. Puis, sans que je m’en rende compte les choses, ont progressivement dérivé : le bonjour de loin est devenu un bonjour face à face, puis il s’est mis à me faire la bise sans que je réalise comment. Il attendait mon passage avec impatience et m’apportait même des revues tous les matins (« femme actuelle » entre autre, ce qui devait correspondre à la vision qu’il avait de moi). Evidemment un jour, il m’a proposé de sortir avec lui.

J’ai répondu un « non non » poli et embarrassé en me demandant comment une fois de plus j’en étais arrivée là ! Une personne normale aurait sans doute mis les limites physiques et psychologiques et n’aurait pas eu à se torturer tous les matins à l’idée de passer par le jardin ! Mais bien sûr cela n’arrive qu’à moi.

Plus récemment, j’ai été confrontée à de grands moments de solitude avec l’ouvrier qui refait les peintures à la maison. Comme toujours dans ces cas-là j’imagine que la personne en face me prend pour une idiote (dans le cas présent car je suis une femme) et évidemment je fais inconsciemment tout ce qu’il faut pour la conforter dans cette idée ! Ainsi lorsque le peintre m’appelle pour me demander « Vous voulez la peignez (peindre) comment la chambre », je comprends « payer » et réponds « euh en chèque ça va ? ». Solitude.

Plus tard quand il me demande de choisir la couleur de la chambre, je réponds triomphale, fière d’avoir enfin réponse à une de ses questions « Blanc !». Il me répond alors d’un air mi-dépité mi-agacé « oui bien sûr mais quel blanc ?». Misère…

Il y aurait de quoi faire un livre de toutes ces petites humiliations du quotidien…comme cette fois où j’ai essayé le serre-tête de ma fille avec étoiles en fourrures à ressort collées dessus…et que je suis sortie avec sans m’en rendre compte. J’ai eu une longue discussion avec ma gardienne et ai bien remarqué qu’elle me regardait étrangement…mais j’ai mis ça sur le compte de mon récit captivant !

Et depuis que j’ai des enfants c’est encore pire…car ils ont malheureusement hérité de mon côté Pierre Richard, démultipliant ainsi les possibilités d’humiliations et de gaffes au quotidien. Appelez moi « la grande brune avec une chaussure noire » !

1 commentaire:

  1. Je compatis, tellement je me reconnais Sophie ! Si ça peut te consoler, tu n'es pas un cas isolé, moi aussi j'attire les cas sociaux et les phénomènes, la guigne à répétition et tutti quanti. Ma grand-mère disait "pardon madame" quand elle se cognait dans une porte, j'ai dû hériter de sa confiance en elle. Et puis... quand quelqu'un rentre dans la rame du métro pour faire la manche, ou dans la rue, évalue son périmètre en cherchant à qui il va bien pouvoir demander, et bien devine sur qui ça tombe ??? et le pire, c'est que je le sais, avant même qu'il regarde autour de lui ! ;-)

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