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mardi 9 janvier 2018

Be yourself and fuck the rest : pourquoi l'authenticité paye, sur Twitter et ailleurs




Lors de ma veille sur les sujets de communication, je tombe très régulièrement sur des articles délivrant des conseils pour savoir comment se comporter en tant qu’individu sur les réseaux sociaux.

Et je suis toujours étonnée du nombre d’entre eux recommandant la neutralité voire la tiédeur. 

Dernier en date, celui posté sur l’excellent blog collaboratif « Les éclaireurs de la com » fondé par le non moins excellent Cyrille Frank.

Dans ce billet intitulé « Médias sociaux : cinq règles de vie pour animer la conversation », l’auteure nous conseille ainsi de « donner son point de vue sans tomber dans la polémique. On sait bien que lorsqu’on invite des amis à dîner, il est dangereux de s’aventurer sur le terrain de la politique ou des convictions religieuses. Chacun son opinion. » Puis, plus loin « Ne parlez pas beaucoup de vous. C’est tout ce que vous partagerez qui parlera de vous, de vos centres d’intérêt, de votre métier, de vos convictions, de votre tissu relationnel. Soyez inspirants dans vos partages et vous attirerez de nouveaux adeptes. » « Sur les réseaux sociaux comme dans la vraie vie, la polémique n’est guère payante. Vous aurez toujours ceux qui seront « pour » et ceux qui seront « contre ».

Ce discours appelant à la mesure, à l’absence de prise de position sur les réseaux sociaux est loin d’être minoritaire. Le journaliste Guy Birenbaum a d’ailleurs récemment publié un livre « Petit manuel pour dresser son smartphone » dans lequel il conseille aux lecteur.rice.s en forme de contrepied à Stéphane Hessel : « Ne vous indignez pas ! ». 

Si le « personal branding » c’est de faire de soi un produit comment peut-on alors conseiller à des individus d’aller à rebours d’une des grandes tendances de communication des marques, à savoir la transparence, l’authenticité et la prise de risque ? 

Dans son article « Les 5 grandes tendances de la communication en 2018 », le site Wearecom.fr place en première position le « parler vrai » : « Oser reconnaître ses erreurs, comme la SNCF, qui dans un magazine interne, décrypte les incidents graves des 2 derniers mois pour qu’ils ne se reproduisent plus (agence Babel). Oser parler des sujets qui fâchent, comme la RATP au sujet des longues semaines d’arrêt du RER A pour travaux (agence Datagif). ». Le site « Les Echos » va dans le même sens en conseillant de parler des sujets qui fâchent : « Les clients et les collaborateurs sont toujours plus avides de transparence. Les entreprises répondent désormais à cette demande en communiquant sur des sujets qui, auparavant, les gênaient ».

Certaines marques sont encore allées plus loin dans la transparence et la prise de risque en devenant de véritables activistes, à l’image de Ben and Jerry’s. Cet article du « Petit Web » énumère ainsi les nombreuses prises de position de la marque à travers les décennies passées : « pour le mariage gay, contre l'abstention lors des élections américaines, pour les réfugiés en Europe, contre le changement climatique... Le procédé est toujours le même : la marque s'associe à un mouvement déjà existant, pour l'amplifier. "Ce n'est pas à nous de définir une stratégie pour promouvoir le droit de vote : on va voir les activistes, on leur demande comment on peut les aider, et ensuite on construit notre campagne, avec nos propres indicateurs de performance. C'est comme cela que l'on créé le changement." ».  Alors que l’on enjoint les individus à la neutralité, Ben and Jerry’s nous enseigne que la prise de position est payante : « La campagne pour appuyer la signature des accords de Paris sur le climat a généré un retour de 10 dollars pour 1 dollar investi. Celle contre l'abstention, de 7. L'engagement pour le mariage pour tous s'est traduit par 5 millions de dollars de ventes incrémentales ».

A titre personnel, je n’ai jamais choisi la neutralité ou la tiédeur sur les réseaux sociaux et jusqu’ici ça ne m’a pas desservie. Je reçois très régulièrement des messages d’internautes me recommandant « de ne pas dire ça car je vais me griller professionnellement » (notamment lorsque j’ai récemment épinglé sur Linkedin un recruteur pour ses mauvaises pratiques). J’ai toujours porté des convictions fortes, aussi bien sur les réseaux sociaux que sur le blog, je me suis indignée, j’ai débattu, toujours en mon nom et jamais sous un pseudonyme. 

Pour moi, être mesuré est une ambition de verre doseur, pour reprendre le célèbre « Etre dans le vent c’est une ambition de feuille morte ».

Sur Twitter, suivre des gens qui se contentent de ne pas faire de vague et d’être lisses ne m’intéresse pas. Je pense qu’il en est de même pour un éventuel recruteur, qui préfèrera une vraie personnalité à un clone. Et si mon engagement lui est rédhibitoire, je me rassure en me disant que finalement nous n’étions pas faits pour travailler ensemble !

Ce sont justement mes positions face à l’antisémitisme qui m’ont offert une tribune dans le Monde. C’est également mon engagement féministe qui m’a permis d’être recrutée par Laurence Rossignol au sein du Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

A 44 ans, j’ai désormais décidé de mettre la congruence au cœur de toutes mes actions : à savoir, mettre en parfait accord ce que je suis avec ce que je fais. Je ne porte plus de masques, ni dans ma vie professionnelle ni dans ma vie personnelle, je ne cloisonne plus et je suis la même partout, IRL comme sur les réseaux sociaux.

Bien sûr il ne s’agit pas de parler de soi à longueur de tweets (les fils interminables du type « un j’aime = une chose sur moi ») ont le don de m’exaspérer) ou de s’indigner pour tout et n’importe quoi, de la frangipane dans la galette des rois au fromage dans le gratin dauphinois.

Mais l’indignation est souvent salutaire et parfois vitale. Elle a notamment permis une libération massive de la parole, du harcèlement de rue en passant par le harcèlement sexuel ou les violences faites aux femmes. Elle est vectrice de changement, même pour ceux qui la raillent.

Soyez donc vous-même, et si possible les mêmes sur les réseaux sociaux et IRL (In Real Life).
 
Sauf bien sûr, si vous tenez des propos homophobes, sexistes ou insultants. Dans ce cas-là, je ne peux plus rien pour vous.