> Elles osent! Entreprendre au féminin : interview de Nina Astruc, co-fondatrice de la marque de jouets éthiques "encore!"

jeudi 22 octobre 2015

Elles osent! Entreprendre au féminin : interview de Nina Astruc, co-fondatrice de la marque de jouets éthiques "encore!"



Aujourd'hui je reçois sur le blog Nina Astruc, co-fondatrice de la marque "encore!". Un projet qui entre parfaitement dans la ligne éditoriale du blog puisqu'il associe une entreprise co-créee par une femme à des jouets produits de manière éthique, 2 sujets qui me tiennent particulièrement à coeur!



Bonjour Nina, peux-tu te présenter? Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ?
Après des études de lettres et de communication, j‘ai commencé à travailler en tant que journaliste et photographe.
Je réalisais des reportages en France et à l’étranger pour des magazines de tourisme, d’outdoor et de décoration intérieure.
C’est une période où j’ai beaucoup voyagé. Au bout de quelques années le constat était clair : je me voyais mal concilier cette vie de baroudeuse avec une vie de famille. J’avais également envie de profiter de mes enfants. C’est à cette époque que j’ai passé le concours de professeur des écoles. De plus l’enseignement a toujours été une autre de mes passions.

Comment est née ta marque de jouets « encore !» ?
Pendant 7 ans, j’ai adoré mon métier de professeur des écoles. On est face à des enfants et on a un rôle essentiel. Ce que j’aime c’est apprendre en s’amusant et en étant heureux. J’ai toujours essayé dans les classes dont j’étais en charge de mêler le ludique et les apprentissages. Malheureusement je ne pouvais pas enseigner comme je le souhaitais. Je passais à mon temps à faire des remplacements à changer sans cesse d’école. Au fur et à mesure, cette instabilité permanente, est devenue insupportable. Mais il m’a fallu du temps pour me faire à l’idée que je pouvais à nouveau me reconvertir. Une fois de plus ! Et surtout m’avouer et avouer aux autres que je voulais réaliser un rêve de petite fille : faire des jouets.

En quoi cette marque est-elle différente ? Quelle est sa philosophie ?
Nous avons voulu insuffler à nos jouets des valeurs qui nous tiennent à cœur : des valeurs écologiques, éthiques et pédagogiques.
D’un point de vu écologique, nous utilisons exclusivement du hêtre 100% massif issu de forêts européennes éco gérées (FSC), du coton bio, des peintures et vernis  à l’eau.  Nos jouets également ont une seconde vie ! Ils sont évolutifs et peuvent être complétés au fil du temps, au gré des anniversaires. De plus, nous avons imaginé un design qui évolue, ils  deviennent des meubles. La grande maison se transforme en bibliothèque, table de nuit, la petite, en niche de décoration.
Par ailleurs nos maisons et le mobilier sont fabriqués en Europe, dans une petite ébénisterie choisie pour sa fiabilité et le respect des ouvriers ; les personnages en coton dans un atelier de réinsertion en Inde.
Enfin d’un point de vue pédagogique nous voulions des jouets qui soient une source d’apprentissage des bonnes pratiques écologiques au quotidien.

En quoi « encore ! » permet-elle de sensibiliser les enfants à l’écologie ?
L’écoquartier est un jeu d’imitation. Les enfants imitent des comportements, se les approprient, les intégrent puis les détournent à leur manière. L'éolienne, le panneau solaire, le bac récupérateur d'eau de pluie et le potager initient aux grands principes de l'écologie.  Il nous paraît essentiel de sensiblier les enfants à cette dimension écologique et qu’ils comprennent ces gestes. C’est pourquoi nous avons également conçu une illustration qui accompagne les maisons et les éléments pour expliquer comment fonctionne un habitat écologique, la vie dans un écoquartier. 

Les personnages en coton bio sont cousus dans un atelier de réinsertion de femmes en Inde à Calcutta. Les revenus et les conditions de travail des couturières répondent aux normes internationales et elles bénéficient d'un  accompagnement. Pourquoi avoir tenu à apporter un soin particulier aux conditions de travail des femmes employées? Qu’as-tu pu constater sur place, quelles sont leurs conditions de travail ailleurs, pour d’autres marques ?
Intégrer des critères écologiques et éthiques était pour moi essentiels dans la creation de ma marque de jouets. Je ne voyais pas les choses autrement. Comment offrir à des enfants des jouets saturés de produits chimiques et produits dans des conditions indécentes ? Comment aurais-je pu me regarder le matin  dans la glace si j’avais produit moi même des jouets en exploitant des femmes ou des enfants ?  C’était in-envisageable.  Je suis vraiment heureuse aujourd’hui de travailler avec cet  atelier de confection et de réinsertion et mes petits lapins portent en eux une belle histoire.

Consommer de manière éthique est devenu une vraie préoccupation: 71% des Français souhaiteraient ainsi être mieux informés des conditions de production des produits qu'ils achètent : comment peut-on être informé de la traçabilité de tes produits ? Pourquoi ne pas avoir produit en France ?
Notre demarche est globale elle vise autant les matières que nous utilisons coton bio, hêtre FSC, peintures écologiques, que le respect des gens qui les fabriquent. Nous essayons de conserver au maximum une relation de proximité avec les artisans. D’ailleurs bientôt nous allons mettre en ligne une video que  nous avons tourné dans l’atelier bois qui fabrique nos jouets. Mais bien sûr nous sommes conscients de nos limites et nous ne les cachons pas. Nous aurions voulu faire mieux. L'importation de nos jouets depuis la Roumanie en camion est une source d'émissions de Gaz à Effets de Serre (GES). Une fabrication française aurait nécessité moins de transport et contribué à l'économie locale. Mais après avoir contacté une cinquantaine d'ateliers à travers la France (et particulièrement dans le Jura), aucun n'a souhaité produire nos jouets en bois (notamment les petites pièces) du fait du savoir-faire souvent disparu que nécessitent ces pièces uniques le plus souvent réalisées à la main. A l'heure où 80% des jouets vendus sur le marché français viennent de Chine, l'Europe reste à notre avis un bon compromis en attendant mieux. 

Les jouets que tu proposes ne sont pas genrés et mettent en scène indifféremment filles et garçons. A l’heure de l’hyper-segmentation des jouets, s’agit-il d’une volonté délibérée de ta part ?
C’est une volonté et cela s’est fait aussi naturellement. J’ai un petit garcon et une petite fille et j’ai imaginé des jeux avec lesquels indifféremment l’un et l’autre pouraient jouer. Garcon ou fille peut importe ! Ils ont toujours envie avec leurs lapins de planter les carrottes, récolter les salades ou mettre des bûches dans le poële.

Comment les parents et les enfants ont-ils perçu ta gamme de jouets?  
Je suis profondément touchée car les retours sont très positifs. Les gens sont sensibles à l’esthétique à la demarche globale . Mais ce qui me fait encore plus plaisir c’est de savoir combien les enfants jouent avec les maisons des lapins. Et le retour est unanyme ! Les enfants ne les lâchent pas.

Quels conseils donnerais-tu à une femme qui souhaiterait se lancer ou se reconvertir aujourd’hui ?
Y aller, foncer mais …pas à pas. Les choses ne se font pas en un jour, il faut du temps… et de la perseverance. Il faut se mettre des objectifs réalistes et savoir estimer pour chaque jour le travail accompli et s’en féliciter. Personnellement j’ai travaillé 2 ans pour le lancement d’encore!

As-tu un exemple de femme qui a pu t’inspirer ou avoir valeur d’exemple ?
J’ai toujours été passionné par les récits des premières aventurières. J’ai d’ailleurs effectué un travail de mémoire à ce sujet. J’aime l’idée de ces femmes qui au début du siècle bravaient les convenances et l’ordre établi pour partir découvrir le monde sans renier leur féminité. J’aime la fougue de ces aventurières en crinoline…

Quels sont tes projets pour le futur ?
Je fourmille d’idées… je voudrais ajouter quelques éléments à notre écoquartier pourquoi pas lancer une nouvelle gamme pour plus petits. Mais on va faire les choses pas à pas… essayer de continuer sereinement et être heureuse chaque jour du chemin parcouru.

6 commentaires:

  1. Le projet est intéressant mais, malheureusement, les prix sont complètement hallucinants, peu de gens peuvent se permettre d'acheter ça, je n'aime pas du tout l'idée de sensibiliser les gosses de riches uniquement. Et à ce prix-là, on s'attendrait à ce que rien ne soit produit en Asie, c'est un comble, ça n'est pas très éthique vis-à-vis de l'environnement (l'empreinte carbone toussa....), et d'un point de vue social non plus. Je connais quelques marques de jouets allemandes qui produisent tout en Allemagne et qui sont abordables, financièrement, donc je ne comprends pas qu'on puisse produire en Inde et demander des sommes pareilles?!

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  2. Et le site dit que le reste est produit en Roumanie, soit le pays qui a le salaire minimal le plus bas de l'UE. Ça sent un peu le greenwashing, cette marque, c'est dommage.

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  3. Alors je te rejoins sur les prix très élevés (seuls les lapins restent abordables), en revanche on ne peut pas les accuser de green-washing car ils sont tous 2 engagés à côté dans l'éthique et le développement durable et surtout ils sont transparents.

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    1. Oui c'est vrai, la transparence est une bonne chose (c'est tellement rare). Je suis actuellement en pleine recherche de marques de jouets écologiques, abordables et entièrement fabriqués en UE, ça n'est pas une sinécure, pour l'instant je n'ai trouvé que quelques marques allemandes, c'est vraiment triste.

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  4. Chère Elle, vous êtes un peu sévère mais merci quand même de cette contribution. Nous faisons notre maximum et avons réduit nos marges autant que c'est possible de le faire. Nos lapins sont fabriqués dans un atelier de réinsertion et en coton bio et tout cela a un coût. Quant à notre atelier de Roumanie, les conditions sociales, salariales et économiques et de sécurité y sont non seulement conformes aux normes internationales mais bien plus élevées que ce qui ce fait ailleurs dans ce pays de l'UE. Les prix cassés des jouets classiques sont tellement bas que je comprends votre remarque. Mais il vaut parfois mieux acheter un bon jouet durable un peu plus cher que trois jouets bas de gamme et fabriqués dans de mauvaises conditions. Voilà, nous essayons de tout faire au mieux et vous avez raison de dire que d'autres font sans doute mieux que nous. Il faut les faire connaître et les encourager. Bien à vous.

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  5. Bonjour, je vous remercie pour votre réponse. Je suis totalement d'accord avec vous sur l'idée de dépenser plus et d'acheter moins, c'est ce que nous faisons. Néanmoins, il ne s'agit pas là de "un peu plus cher" mais bien de "exorbitant" : prenons un smicard (ou même quelqu'un qui gagne plus en fait), le fait est qu'il ne pourra jamais dépenser une somme pareille et c'est l'insulter que de dire qu'il s'agit là simplement de son choix de consommateur éthique. Et ce qui me surprend, aussi, c'est que si ces jouets avaient pu être fabriqués en France, on se demande combien ils auraient coûté au final. Vous n'avez pas "compris [ma] remarque" car, encore une fois, je fais très attention à tout ça, je ne m'intéresse pas aux "prix cassés des jouets classiques". Je n'achète que des jouets en bois made in Germany et la seule exception que je fais, c'est pour les jouets en sciure de bois Plantoys, durables eux aussi mais il s'agit d'une marque thaïlandaise (j'achète leurs jouets d'occasion pour limiter mon empreinte carbone). Les prix sont élevés pour toutes ces marques, et c'est évident, oui, car tout cela a un coût, mais ils restent quand même abordables, parents richissimes ou pas.

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