> Femme : un inévitable destin de plante verte?

jeudi 4 juillet 2013

Femme : un inévitable destin de plante verte?



« En toutes circonstances, même les plus officielles, les hommes on les écoute; les femmes, on les regarde ».
Cet amer constat dressé par Brigitte Grésy résonne tout particulièrement alors qu’elle a elle-même été interviewée récemment par le très sérieux journal « Les Echos ».
Dès le titre, le ton est donné « Brigitte Grésy, une amazone au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle ». On a échappé de peu aux cinq clichés en vigueur pour décrire les femmes : l'Egérie, la Muse, la Mère, la Madone et enfin, la plus fréquente, la Pasionaria mais on n’en est pas loin.
Puis, plus loin, et à deux reprises, l’inévitable allusion au physique de l’interviewée : « cette femme de soixante-cinq ans aux allures de danseuse » « cette amazone, élégante ». Et pourtant la journaliste est une femme, preuve de la force de l’intériorisation des clichés !
Très régulièrement, la plupart des articles au sujet de femmes influentes tombent dans ce même travers. Autre exemple en date, l’interview de Virginie Calmels, à la tête du conseil de surveillance d'Euro Disney (toujours dans « Les Echos », toujours une journaliste). Là encore, description détaillée de son physique « cette blonde hitchcockienne, pull rouge, jupe marine, escarpins façon Kim Novak » « Cette blonde aux faux airs de Renée Zellweger » sans oublier l’abondante description de sa vie privée « Il y a six mois, elle s'est séparée de son compagnon, François-David Cravenne, père de ses deux enfants. Quelques années plus tôt n'avait-elle pas annulé ses noces avec Christian Blanc, l'ex-président d'Air France, trois semaines avant la cérémonie ? ». Imaginerait-on de tels détails dans l’interview d’un homme influent ?
Le recours à la description physique est très fréquent, notamment dans le domaine politique. Le blog « Le mauvais genre » avait d’ailleurs recensé l’année dernière quelques exemples éloquents :
- Najat Vallaud – Belkacem, baptisée la “gazelle”, “est jolie, accroche la lumière, éveille des jalousies chez les militants.”
- Fleur Pellerin, Ministre, “est brune aux cheveux lâches, traits jeunes et asiatiques, robe de soie légère sur longues bottes de cuir noir, talons acérés”.
-  A propos de Marisol Touraine : “Dans ses habits, tout est rouge ou presque, dont une bague en forme de gros pétale. «J’aime bien cette couleur.»” On y convoque même “sa meilleure amie” pour décortiquer son style : “ «C’est sa façon cocasse de s’habiller, raconte sa meilleure amie, Françoise Benhamou, une économiste. Un mélange de rétro et de moderne, mais avec toujours une foule de couleurs. ».
Anodin ce perpétuel rappel au physique féminin ? Pas vraiment. Une récente étude a prouvé à ce sujet que la couverture médiatique de l’apparence physique d’une femme politique avait une influence négative sur le vote des électeurs. En revanche, les commentaires sur l’apparence physique des hommes n’ont pas autant d’effet sur l’opinion des électeurs. De toute façon, comme les auteurs le précisent, les médias s’intéressent moins à l’apparence physique des hommes politiques qu’à celle des femmes.

Edit : @valeriecg du blog "Crêpe Georgette" me fait part de cet excellent article en rapport avec ce billet : "Le top 10 des moments les plus sexistes en politique" (en anglais)



12 commentaires:

  1. Ailleurs qu'en politique, la bande-annonce du magazine Faut pas rêver de cette semaine nous propose de découvrir l'Afrique "en compagnie du plus séduisant des guides". Devinez le genre de ce "guide". Gagné, c'est une femme. Pour une émission de type documentaire, c'est vraiment énervant.

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  2. Je pense que ce travers est aggravé avec les femmes mais ne leur ait pas réservé. C'est la manie du story-telling et autres fadaises. Je me rappelle une interview d'une personne très proche où pareillement ils parlaient de ses yeux bleus, de sa passion pour le ski, de ses 3 enfants etc.
    Mais pour les femmes on se référera plus à des comparatifs gazelle/biche et les hommes taureaux/lion.
    Dans tous les cas ça me hérisse le poil.

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  3. Bonjour,
    je ne voudrais pas taquiner, mais que lit-on dans la présentation de l'auteur de ce blog?
    "brune" " à talons" "1m77" ;-)

    Plaisanterie à part, oui c'est très désagréable ce décalage qui consiste à toujours évoquer le physique des femmes qui sont interviewées pour leur fonction.
    Ceci dit, ça se fait aussi pour les hommes maintenant: cf les commentaires journalistiques sur le régime / perte / reprise de poids de F. Hollande pendant la campagne électorale. C'est moins fatiguant que de faire de l'analyse politique pour un journaliste.

    Donc sexisme, mais aussi tendance générale à l'abêtissement et au story-telling.

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  4. Bonjour,
    Je pense que ça viens en partie de ce que les hommes portent le costume sombre + cravate comme un uniforme. Dès qu'ils changent il y a le même genre de remarques (costume blanc de Manuel Valls, barbe de 3 jours pour Sarkozy, cravate de Hollande...).

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  5. @ragnagna : même s'il arrive de parler du physique des hommes, ça reste beaucoup moins systématique
    @Anonyme : bien vu pour la bio :-)
    @petitepomme : en effet, le costume-uniforme peut jouer...mais pas pour la blondeur des cheveux qui est très souvent remarquée dans les interviews de femmes d'influence (2 fois par ex dans l'article des Echos cité)

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  6. N'y a-t-il pas aussi (en plus, hein, pas à la place) une explication plus pragmatique sur la description des vêtements ? Un homme de pouvoir porte un uniforme : le costume-cravate. Gris, bleu nuit ou noir, cravate sombre ou bleu ciel aujourd'hui. Aucune originalité. Et je ne m'en plains pas, ça facilite les courses pendant les soldes.
    Les femmes au contraire ont droit à une plus large fantaisie vestimentaire, et leur façon de s'habiller peut être révélateur de leur personnalité (ou de celle de leur conseiller en comm) et en tout cas peut faire passer un message.
    Décrire un homme de pouvoir n'aurait guère de sens.
    Imaginons la scène :
    "Dans la cour de l'Elysée, le président Nicolas Sarkozy, costume noir, chemise blanche, cravate noire, attend son successeur, qui se présente vêtu pour l'occasion d'un costume bleu nuit, avec une chemise blanche et une cravate noire. Ses chaussures à lacet sont noires, comme celles de son prédécesseur."

    Après, la diversité vestimentaire des femmes est-elle un autre impératif social qui leur est imposé (soit belle ET originale, manifeste-toi par ton plumage car ton ramage ne sera pas écouté), on en revient au débat original.

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  7. En effet cela peut jouer en partie. Mais en partie seulement, surtout que d'autres attributs physiques comme la couleur des yeux, des cheveux ("une blonde hitchcockienne" "une brune aux cheveux lâches" "la guerre des blondes") est très souvent évoquée chez les femmes et pas chez les hommes.

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  8. Argggggh...
    Bon, ok, nous ne sommes pas pur esprit ! Mais zut, quoi !
    Sous nos bigoudis, y'a aussi une cervelle (très belle aussi parfois, enfin, très belles les idées qui y sont, surtout !)

    (petite parenthèse : c'est marrant, je viens juste d'être contactée par une chouette bibliothécaire qui veut que je crée un tapis de lecture pour les tout-petits sur la question des images Fille/gars, Homme/femme dans la litté jeunesse : Happy, je suis !)

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  9. Waouh quelle chance! je serais curieuse de voir le résultat, n'hésite pas à venir poster une petite photo après!

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    1. Pas avant le mois de Mars... Je tâcherai d'y penser ! :-)

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  10. Anonyme, c'est bien vu, mais pour Hollande, je me demande dans quelle mesure ce ne serait pas parce qu'il est largement dévirilisé dans la presse (après tout il ne sait pas "tenir ses femmes").

    En parlant de l'image hyper genrée des représentations féminines, je suis tombée sur cet article: http://www.thegloss.com/2013/07/05/beauty/baby-wigs/ qui m'a immédiatement fait penser à ce blog

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