Ce matin, j’étais convoquée à un atelier « création
d’entreprise » à l’initiative de mon conseiller Pole Emploi. N’ayant su
répondre qu’évasivement à une de mes questions lors de notre dernier entretien,
il avait botté en touche en me sortant de son chapeau cette formation de 2
heures. Je l’avais senti soulagé : quelques minutes avant, il m’avait
avoué l’absurdité d’un système qui me convoquait alors que je n’en n’avais pas
besoin alors que ceux qui insistaient pour le rencontrer trouvaient lettre morte.
J’ai bien senti que cette formation qui allait m’occuper 2h lui permettait de
justifier à la fois de son efficacité et
de ma volonté de ne pas être une charge financière trop longtemps aux
yeux des ASSEDICS.
En arrivant ce matin à 8h50, je n’ai pas été étonnée de trouver comme d’habitude une dizaine de personnes devant la porte close, essayant de se protéger tant bien que mal de ce crachin incongru d’avril. A quelques mètres de l’agence, la porte de l’Hôtel Ibis s’ouvrait et se fermait en cadence, recrachant des nuées de touristes à sac à dos. Le décalage entre ces étrangers, frais, dispos et prêts à découvrir la capitale et ceux qui, le dos vouté, se préparaient à un tout autre voyage dans cette contrée exotique que l’on nomme la bureaucratie était sacrément iconoclaste.
J’aime observer ces touristes et essayer de me remplir de
leur énergie, j’aime détailler leurs yeux rivés sur l’horizon et leurs foulées
déterminées pour me donner du courage.
A 9h, nous rentrons enfin. Tous les participants aux
ateliers sont regroupés au sous-sol. Je les observe du coin de l’œil :
beaucoup d’hommes en costume, les yeux rivés sur leur Iphone ou le nez plongé
dans leur journal. Je réalise après-coup que je dénote avec ma tenue :
Jean, t-shirt « Barbès Business School » et UGG fatiguées. Pas
vraiment l’uniforme d’une « créatrice d’entreprise ». Finalement, la
foule d’hommes est orientée vers un autre atelier. On nous invite dans une
petite salle.
Je suis rassurée par le public qui m’entoure : 6 femmes pour
2 hommes, plutôt de mon âge et qui n’ont pas fait non plus d’effort
vestimentaire particulier. La formatrice nous demande de nous présenter à tour
de rôle : ceux qui commencent sont évidemment les bons élèves ! Une
psychologue clinicienne qui a ouvert son cabinet, une esthéticienne qui cherche
un local pour monter un « bar à dents », un homme qui se lance dans
la création d’ateliers floraux. Les business plans sont ficelés, les
financements trouvés… et moi, je me demande tétanisée ce que je fais là. Je
n’ai pas fait de business plan et je compte naïvement sur ma matière grise, mon
ordinateur et ma bonne fortune pour y arriver. La formatrice s’étonne
« Pourquoi assistez-vous à cet atelier si vous avez déjà monté votre
cabinet ? ». La psychologue répond qu’elle a mis 2 mois à avoir une
date pour cette formation, qu’entretemps elle a avancé et qu’elle n’a eu aucune
réponse de son conseiller quand elle l’a joint à plusieurs reprises pour
annuler. « Il faut savoir qu’un conseiller gère ici plus de 200 dossiers,
c’est donc normal qu’il n’ait pas eu le temps de vous rappeler » explique
l’animatrice sans se démonter.
Le tour de table continue : un médecin qui
veut ouvrir un cabinet médical, une coiffeuse qui veut travailler à domicile,
une architecte qui veut se mettre à son compte, un chef de projet en
informatique…et moi. Je passe en dernier, me justifie 3 fois, explique que je
n’en suis qu’au début de ma réflexion, que ça ne m’a pas empêchée de travailler
et que jusque là je me suis fait payer en droits d’auteur. On ne peut pas
vraiment dire que j’ai brillé par ma confiance en moi. Ni par mes talents
d’orateur. Pas sûr qu’un banquier aurait misé sur moi…
La formatrice débute ensuite sa présentation : l’âge
moyen d’un créateur d’entreprise est de 39 ans (je suis pile dans la moyenne
pour une fois !), 29% sont des femmes, la moitié à un niveau inférieur au
bac. Et surtout, une entreprise sur 2 met la clé sous la porte avant le cap des
5 ans. Elle enchaîne ensuite avec les démarches, les formalités,
l’indemnisation, les projets, le business plan, les chiffres, les chiffres et
encore les chiffres.
Une des participantes lève alors le doigt pour remettre en
cause un des montants avancé dans la présentation : l’animatrice lui répond
alors que ces slides dataient de 2011 et que les choses avaient peut-être changé
depuis. Il faut voir avec son conseiller pour en savoir plus (autant dire,
jeter une bouteille à la mer). Idem en ce qui concerne les couveuses
d’entreprises : « tapez sur Google « couveuses Paris » et
vous en saurez plus ». Bien la peine de nous faire venir pour ça. Quand
l’une des participantes demande à récupérer la présentation, l’animatrice lui
répond qu’elle n’a pas le droit de nous la communiquer. La confiance règne…
Au bout de 2 heures, l’esprit rempli de chiffres et
d’abréviations, nous repartons avec nos espoirs, nos désillusions et nos
photocopies sous le bras. « Surtout bon courage » nous lance la
formatrice avant de partir. Il va nous en falloir je crois…
Dans la vie, il y a des endroits où il faut être super faux jeton (difficile, j'en sais qqch). C'est à dire : sourire, et aller dans le sens de...
RépondreSupprimerSi j'ai tout bien compris, l'une était trop en avance sur son projet et toi tu te trouvais trop en retard.
Et la formatrice, elle, elle se classe où ?
Disons que j'étais moins avancée! mais normal car ce projet est tout neuf! Ma formatrice est à la base conseillère en indemnisation, d'après ce qu'elle nous a dit...
SupprimerTu est vraiment tombée sur une session pourrie! moi je l'ai mieux vécue il n'y a pas longtemps, avec visiblement des personnes plus compétentes pour l'encadrement... en tout cas, j'espère que ton projet va prendre forme et va marcher ^^
RépondreSupprimerMerci beaucoup! En effet, je pense que ça dépend beaucoup de la formatrice. En même temps, c'est une conseillère en indemnisation, c'est complètement différent de faire de la formation, pas étonnant!
SupprimerHeureusement que tu as l'énergie et l'allant pour avancer malgré ce genre d'atelier...j'imagine que ce genre de formation et le bénéfice que chacun peut en retirer varie en fonction du formateur...Le courage, tu l'as! Je ne doute pas que ton projet aboutisse ;-)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ta manière de décrire ce que tu as vécu aujourd'hui :-)
Merci beaucoup! oui, comme tu dis, heureusement que je n'attends pas après eux...malheureusement, d'autres gens n'ont pas cette chance
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