On le sait, le sexe n’est pas épargné par la dictature de la beauté : chirurgie esthétique pour le rétrécir, épilation pour le rendre imberbe, tous les motifs sont bons pour jouer sur la carte de la culpabilité et créer de nouveaux besoins chez les femmes. Les marketeux, qui ne sont décidément jamais à court d’idée, ont crée de toute pièce un nouveau complexe à l’endroit le plus intime qui soit : et si votre sexe était trop foncé ?
Le magazine en ligne Jezebel a ainsi déniché une publicité indienne savoureuse pour un nettoyant intime censé blanchir le vagin et les lèvres : « Clean and Dry intimate wash ». Dans ce spot, on y voit un couple partageant une tasse de café matinale : Monsieur, la tête plongée dans son journal, n’a pas même un regard pour sa douce moitié, qui semble très attristée par la situation. Heureusement, elle a l’idée de génie d’aller prendre une douche avec le fameux produit blanchissant. Et là, miracle : à son retour dans le salon c’est une nouvelle femme, aguicheuse et sûre d’elle qui entraine son mari dans ce qu’on imagine être de torrides retrouvailles.
La publicité a fait grand bruit sur Twitter et dans la blogosphère car elle ravive la douloureuse question des hiérarchies de couleur de peaux en Inde. A l’heure où des actrices blanches étrangères sont embauchées pour jouer dans des films de Bollywood et où les produits blanchissants comme « Dark and Lovely » explosent, ce produit est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
D’autres, comme le comédien indien Alyque Padamsee, jugent malgré tout la polémique exagérée : « le rouge à lèvres rend les lèvres plus rouges, les crèmes blanchissantes rendent la peau plus blanche, quel est le problème ? » « Prenez 2 filles : l’une à la peau claire et l’autre à la peau foncée. Les traits de la fille à la peau claire apparaitront plus nettement car son teint renverra mieux la lumière ». A quand le maquillage intime phosphorescent dans ce cas ?
Dans « Beauté fatale » Mona Chollet rappelle que le désir d’avoir la peau aussi claire que possible s’observe au sein de toutes les populations non-blanches, notamment en Inde où un teint clair représente un atout de poids sur le marché matrimonial. Une valorisation très ancienne puisqu’ on la trouve souvent dans la mythologie, qui, chez les hindoux par exemple, « met aux prises des dieux à la peau claire et des démons à la peau sombre ». Elle s’explique, dit-on, par le fait qu’un teint pâle indiquait le rang social d’une femme n’ayant pas eu besoin de travailler aux champs.
Elle décrypte également comment la mondialisation a progressivement érigé en norme la femme blanche : dans le « Vogue » chinois par exemple, les blondes aux yeux clairs avaient raflé huit couverture sur 12 en 2010. Et quand L’Oréal a mis en scène l’actrice indienne Freida Pinto dans une de ses publicités, elle l’a dotée d’un « teint beigeasse ».
Entre l’ode à la diversité prônée par ces marques et la réalité, le fossé reste énorme…
Non mais zigounette, une véritable obsession !
RépondreSupprimer@BicycleRepairMan
Au XIXéme siècle, les femmes de la bourgeoisie et de l'aristocratie, prenaient également grand soin à ne pas bronzer, elle portaient ombrelles, chapeaux, gants lorsqu'elles sortaient, car effectivement le teint halé était propre à une catégorie sociale inférieure: les paysannes qui travaillent aux champs.
RépondreSupprimerJ'ai fait quelques cours en fac, sur l'histoire des couleurs, dans l'occident médiéval (donc fortement influencé par la religion catholique), le code couleur était très important, le jaune par exemple renvoie à la trahison, félonie, adultère. Le noir est ambigu à la fois austère, sobre mais aussi démoniaque. Le rouge symbolise le divin et le bleu l'humanité (c'est pourquoi souvent Jésus est représenté avec ces 2 couleurs manteau et robe). Et le blanc symbole de pureté.
Quant aux pub de magazine, nous avions étudié avec les élèves, l'image de la femme dans celles-ci (essentiellement des pubs pour cosmétiques, parfums, vêtements), en comparaison avec l'image de l'homme (pub pour des montres, voitures, costumes d'homme d'affaires): la femme apparaît toujours soumise, fragile, futile, dénudée alors que l'homme est fort, conquérant, vainqueur...
Et effectivement cette pub indienne c'est le pompon!!
Amandine
Absolument, l'idée qui sous-tend cette blancheur tant recherchée c'est indirectement la richesse et la pureté.
SupprimerJe viens de lire un livre qui décrypte très bien la mécanique des publicités: "contre les publicités sexistes", j'en ferai surement un billet prochainement. Le sujet est passionnant!
Ah! oui j'ai hâte de te lire! car je pourrais m'en servir pour mes cours! je trouve indispensable de sensibiliser les jeunes aux fonctionnements des médias et des pubs et ainsi d'exercer son esprit critique et d'exercer son libre arbitre! qui les manipulent.
SupprimerMerci Sophie!
Jusqu'où ira la bétise humaine on se le demande ... merci pour cet article, une fois de plus très instructif :)
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