Il y a quelques jours, j’ai vu passer sur Facebook un film
réalisé par Dove, qui surfe de nouveau sur le créneau de la beauté naturelle.
On peut y voir Gil Zamora, spécialiste des portraits
robots, brosser le portrait de 7 femmes cachées derrière un rideau, uniquement
d’après les indications qu’elles lui ont données. Dans un second temps, le
dessinateur réalise le même dessin, cette fois-ci d’après les descriptions
d’une tierce personne. Le résultat est sans appel : le portrait des femmes
réalisé d’après leur description ressemble à une caricature accentuant tous les
défauts alors que celui réalisé d’après la description d’un tiers est bien plus
fidèle et flatteur. « Vous êtes plus belles que vous ne le pensez »
nous assène Dove en guise de conclusion.
Le film est plutôt bien réalisé : la musique montant
crescendo sur fond de portraits crayonnés est un véritable tire-larmes et n’est
pas sans rappeler l’horripilant
spot sur les jeux olympiques réalisé par son concurrent Procter,
« sponsor des mamans ». Là encore, on retrouve l’avalanche de bons
sentiments, tentative déguisée pour s’attirer le capital sympathie des femmes
(et leur porte-monnaie) à travers un film dont on devine le potentiel de
viralité.
Mais la démarche de Dove, si l’on prend 5 minutes pour y
réfléchir est d’un cynisme incroyable. Elle ajoute aux femmes une culpabilité
supplémentaire sans jamais se remettre en question ou chercher un responsable.
« Vous êtes plus belles que vous ne le pensez ». Certes, mais la
faute à qui ? Faut-il rappeler que l’année
dernière, Dove surfait allégrement sur le marketing de la honte en créant
un déodorant dont la promesse était d’obtenir de jolies aisselles ? Comme
si les injonctions envers les femmes (sois
belle/mince/épilée/blanche/lisse/jeune) n’étaient pas suffisantes et qu’il
était nécessaire de rajouter à cette longue liste un nouveau complexe :
ai-je de belles aisselles ?
La démarche de Dove paraît schizophrénique quand on réalise
que cette marque appartient au groupe Unilever qui commercialise le produit
blanchissant « Fair and Lovely » en Inde. La campagne TV vantant les
effets positifs d’une peau plus blanche, tant au niveau esthétique que
professionnel (une jeune fille parvient enfin à être recrutée grâce à son teint
plus « blanc ») s’était d’ailleurs attiré les foudres des féministes
indiennes. Elles avaient dénoncé le caractère impérialiste de la marque, qui
cherchait à imposer un modèle de beauté unique.
Et que dire d’Axe, marque de déodorant appartenant à
Unilever et qui a fait du sexisme son fond de commerce ? (« Axe, plus
t’en mets, plus t’en as ? »).
A la lumière de ces éléments, difficile de croire en la
sincérité et l’authenticité de Dove, dont le fond de commerce reste les
complexes des femmes.
La marque, à travers cette posture, est aussi crédible à mes yeux qu’un dealer qui mettrait en
garde ses consommateurs contre les méfaits de la drogue.
Ce n'est donc pas la campagne en tant que telle mais l'hypocrisie de la marque derrière... Il est certain qu'ils doivent être un peu schizophrènes à enjoindre les clientes de dévoiler leur "vraie" beauté une heure et d'ensuite les encourager à se métamorphoser la suivante...
RépondreSupprimerMerci pour cet article. Personnellement, je trouve l'idée de fond assez bonne, dans le sens où oui, chacun a tendance à se dévaloriser ; et l'expérience aurait tout aussi bien pu être menée avec des hommes. Une conclusion aurait alors non pas été "Vous êtes plus belles que vous le pensez" mais "Voyez-vous tels que vous êtes".
RépondreSupprimerPar contre, oui, venant de Dove c'est plus difficile à admettre... Et les pubs Axe comptent parmi les plus sexistes pour moi (quoi que... Cif est un sacré concurrent!!)
Justement, je voulais parler des hommes dans l'article et j'ai oublié! Pas sûr que les résultats aient été les mêmes, cf cette étude :-) http://www.lexpress.fr/tendances/soin-homme/les-hommes-se-voient-plus-minces-qu-ils-ne-sont-selon-une-enquete-du-guardian_1236051.html
SupprimerAh oui, intéressant tiens !! Enfin, de là à dire que "un surpoids est perçu comme une force" , c'est un constat sur lequel je serais curieuse d'en savoir plus ^^
SupprimerEn tous cas, l'image que nous avons de nous est erronée et j'avais lu quelque part, y'a longtemps, que la plupart des gens qui croisaient leur reflet dans le miroir sans s'y attendre mettaient un petit laps de temps à se reconnaître. Et pire, en cours de Management, la prof avait un jour demandé : "Aimez-vous l'image que vous renvoyez ?" Et à une exception près, tout le monde avait répondu non. M'enfin, c'est triste comme tout!!
J'arrête de flooder :) Bonne soirée!
Petit aparté concernant le phénomène de blanchissement de la peau des Indiennes. Je suis assez étonnée des mentions "impérialiste" et "modèle de beauté unique" dénoncée par les féministes indiennes. Ce phénomène est propre à l'Inde depuis des centaines d'années, être "clair" de peau est sensé montrer qu'ils descendent des Aryens qui ont conquis les Dravidiens beaucoup plus foncés de peau.
RépondreSupprimerC'est différent du désir d'éclaircissement de la peau en Afrique, chez les Afro-américains ou les sud-américains (certaines vont jusqu'à ne pas s'épiler les jambes juste pour montrer qu'elles ont plus d'origine espagnol qu'indienne), qui est bien pour se conformer au type ethnique occidental blanc, perçu encore comme plus dominant dans l'inconscient collectif malgré la fin des colonisations.
En Chine et au Japon, cela reste encore le vieux schéma pour montrer son appartenance aux classes les plus favorisés qui était en cours en Occident jusqu'au 20 siècle, une peau claire = une femme qui n'a pas besoin de travailler dans les champs = riche. (et ça vient de loin, rien qu'à regarder les statuts de l'antiquité égyptienne, les femmes nobles étaient peintes beaucoup plus pâles que leurs époux).
En Occident, c'est maintenant le bronzage qui "marque" le statut de celui qui peut partir en vacances au soleil.
Ce qui m'agace dans les pubs Dove, c'est qu'elles généralisent les soi-disant complexes des femmes... Inconsciemment, est-ce que cela ne les valide pas, d'une certaine façon ? J'ai l'impression qu'on veut nous inculquer l'idée que toutes les femmes sont critiques de leur physique, donc c'est normal de l'être, anormal de ne pas l'être. Donc, moi, si je m'en fous de mon corps et de ma face et que je n'y changerais rien pour tout l'or du monde, est-ce que j'ai encore le droit de revendiquer mon appartenance au sexe féminin ? Dire "Vous êtes plus belle que vous ne le pensez", n'est-ce pas une façon insidieuse de nous rappeler à quel point la beauté doit continuer à être importante pour une femme ? Si ce n'était pas le cas, qu'est-ce que ça pourrait nous faire ? À quand une pub qui dit, par exemple, "votre main gauche est plus adroite que vous ne le pensez" ? (Ça, ça m'intéresserait. Je déteste la gaucherie de ma main gauche.) Est-ce qu'on pourra un jour parler des femmes sans focaliser comme des fous sur leur apparence ? Venant de Dove, sans doute pas, vu que c'est là-dessus qu'ils se font leur blé... Je déteste les cosmétiques.
RépondreSupprimerÇa me fait penser à la vidéo des vlogbrothers : http://www.youtube.com/watch?v=yowHM6nqu60 (Il parle de Dove à partir de 1:35)
RépondreSupprimerJe n'arrive pas à être aussi critique que toi sur cette vidéo qui fait tout de même passer un message intéressant, en invitant clairement les femmes, si promptes à l'auto-critique, à poser sur elles un regard plus bienveillant.
RépondreSupprimerLa marque Dove est certes critiquable — oui, c'est du marketing cosmétique — mais je préfère encourager cette initiative. D'autant plus que ce n'est pas la première campagne en ce sens. Contrairement ce que tu dis, il me semble que Dove critique le diktat de la beauté unique, en dénonçant les retouches Photoshop et invitant à s'aimer dans son âge et ses rondeurs. Ce marketing prend prend orientation atypique et audacieuse. Très intéressant, non ?
L'idée de fond est bonne, mettre en avant l'auto-critique des femmes. Mais venant d'une marque de cosmétique qui a fait des complexes des femmes sont fond de commerce c'est un peu hypocrite. En gros, Dove responsabilise les femmes "vous vous voyez moins belles que vous n'êtes" sans jamais remettre en question le matraquage publicitaire dont elles sont victimes. Et puis dénoncer l'usage de Photoshop pour Dove tout en l'utilisant pour les autres marques d'Unilever, dont Axe, bonjour la cohérence...
RépondreSupprimerEn suivant votre logique, on peut certes dire qu'Unilever est mysogine car Axe en fait partie mais on peut aussi dire que le groupe est progressiste puisque Dove en fait partie.. Il ne faut pas confondre la marque et le groupe : le groupe n'a pas d'identité (ou presque), une marque EST une identité.
SupprimerDove est progressiste et Axe est mysogine. Il y a d'ailleurs fort à parier que les collaborateurs de Dove et ceux d'Axe se détestent donc évitons les arguments faciles du type "oui mais il fait partie de tel groupe !"
Du reste, il ne faut pas oublier que trouver son corps beau est un moteur essentiel de l'estime de soi et que le besoin de cosmétiques est au soin de chacun, comme le laisse justement supposer cette campagne :)