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jeudi 19 janvier 2012

Run baby run

Série d'avant/après de joggers photographiés par Sacha Goldberger

Le sport et moi, c’est une longue histoire faite d’humiliations, de dispenses de gyms et d’appréciations désespérantes sur mon bulletin de notes (« Elève lymphatique » « manque de tonus » « trop inhibée »). Le genre de trucs qui sabote bien la confiance en soi. A l’image du moment de solitude où personne ne te choisit pour faire partie de son équipe et où tu attends, prostrée comme une tranche de jambon périmée sur son rayon, que quelqu’un ait la mansuétude de faire appel à toi pour te sauver de cette humiliation publique. Il faut dire qu’avoir des jambes gigantesques, faire 1m77 et ne pas savoir se servir de ces atouts c’est une provocation. Etre aussi nulle en basket qu’en saut en hauteur, se faire distancer par une fille d’1m55 à la course c’est contre-nature pour une grande carcasse comme la mienne.

Pour ma défense, je viens d’une famille où la culture du sport est un gros mot ou plutôt un oxymore. Une tête bien pleine d’accord, le corps bien fait c’est accessoire. Du coup j’ai facilement pu être dispensée de gym par la suite sans que cela ne pose de problèmes de conscience à mes parents. Passe ton bac d’abord, avec ou sans EPS.

Pourtant, à ma grande surprise, l’appel de la basket s’est fait urgemment sentir au moment où je m’y attendais le moins. Alors que j’étais en congé parental, coincée entre 2 couches et 3 biberons, sans aucune visibilité quant à mon retour à la vie active, je me suis dit qu’a défaut d’avoir des défis professionnels j’en aurai des personnels. Et la course en faisait partie.

Le choix de ce sport s’est fait par élimination : comme beaucoup de gens, j’ai essayé les abonnements en club de gym, ai tenté un cours collectif et 2 séances de musculation et ai abandonné. Me mettre en justaucorps et me faire distancer par des nanas au corps sculptural, pas pour moi, pas plus que les sports d’équipe, l’épisode du banc de touche ayant laissé des traces indélébiles sur ma confiance en moi ! Gratuit, sans contrainte de temps et solitaire, la course à pied s’est imposée naturellement ! Un sport parfait pour l’asociale que j’étais !

Bien sûr, les débuts n’ont pas été glorieux : points de côté, courbatures, découragement…mais très vite je suis devenue accro aux sensations de bien-être liées à la décharge d’endorphine que l’on ressent pendant et après l’effort. Au début, je guettais le passage de l’hormone du bonheur, comme une femme frigide attendrait désespérément l’orgasme salvateur, mais elle ne venait pas. Il faut savoir que l’endorphine se fait attendre comme une maîtresse insoumise, n’arrive pas avant une demi-heure d’effort et parfois ne vient pas du tout.

Pour lutter contre la lassitude des tours de parcs qui s’enchainaient, je me suis très vite inscrite à des courses : 5 puis 6 puis 10 kms. Un grand moment de communion collective, où, porté par la foule on dépasse ses propres limites physiques. Les applaudissements et les encouragements des passants sont de véritables boosters et j’ai ressenti étrangement la même émotion que sur scène lors de mon spectacle de théâtre de fin d’année. Une sacrée revanche sur mes années lycée !

Parfois en tournant autour du Parc Monceau et en dépassant certains pros en collant moulant, j’aime à penser que ce sont ceux là-même qui n’avaient pas voulu de moi dans leur équipe ! Et je repars de plus belle pour quelques kilomètres !

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