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Une question? C'est dans la FAQ!

mardi 31 janvier 2012

Bilan de compétences : quand les rêves se heurtent à la réalité

Il y a 15 jours j’ai eu les résultats de mon bilan de compétences.

Pour la première fois, je rencontrais la conseillère qui allait me suivre pendant les 6 séances.

Après une brève présentation de mon parcours et une tentative d’explication de ma présence ici, celle-ci m’a demandé abruptement « Vous trouvez vraiment que c’était le bon moment pour quitter votre ancien travail ? ». Un peu estomaquée par la question, j’ai répondu qu’il était très difficile de résumer 11 ans de vie professionnelle en 1m30 et qui si j’étais ici c’est que j’avais de bonnes raisons (visiblement le module « psychologie » doit être en option dans le cursus « conseillère en bilan de compétences »!)

Il faut vraiment avoir le cœur bien accroché quand on décide de changer de voie ! Quand j’avais parlé de mon projet professionnel à ma DRH, celle-ci m’avait demandé ce qu’en pensait mon mari et s’il gagnait bien sa vie. Au cas où.

Est ce qu’elle aurait posé la même question à un homme ? J’en doute fortement. Quand un homme décide de repartir à zéro, on dit qu’il est courageux, qu’il a l’esprit d’entreprise. Quand c’est une femme, on lui demande combien gagne son mari et on la prend pour une irresponsable.

Après la question qui tue, j’ai eu le droit à un débrief de mon bilan en 10 minutes chrono par la consultante qui enchainait les rdv à la chaîne.

Elle m’a simplement tendu un document qui résumait les questionnaires remplis la semaine précédente avec pour toute explication « vous avez un profil à la fois artistique et social ».

« Profil artistique : Cette rubrique correspond au goût pour les arts et toutes les activités qui autorisent une libre expression de soi : jouer la comédie, créer, imaginer, écrire décorer…Les personnes ayant un score élevé dans cette rubrique n’aiment pas la routine et les environnements contraignants (horaires fixes, emploi du temps rigide, hiérarchie omniprésente). Elles peuvent s’épanouir dans des lieux de travail variés : théâtre, musée, librairie, agence publicitaire, galerie d’art. »

« Profil social : Cette rubrique correspond au goût pour les activités relationnelles avec l’objectif d’aider, d’informer, de conseiller, d’apprendre aux autres. Les personnes appartenant à cette rubrique peuvent s ‘épanouir dans des structures « humanitaires » : écoles ou centres de formation, associations d’aide au tiers-monde…les métiers correspondant au type social sont éducateur, travailleur social, orthopédiste, psychanalyste, conseiller d’orientation, instituteur, animateur de club de vacances…les personnes sociales sont souvent coopérantes, généreuses, altruistes, idéaliste et optimistes ».

Analyse plutôt juste (à part pour l’optimisme !) pas de grande révélation à la lecture de ces résultats.

Mes devoirs pour la prochaine séance : refaire mon CV en organisant mes expériences sous forme de compétences/aptitudes + identifier 4 pistes professionnelles réalistes cadrant avec mon profil.

Et là fini de jouer à « on dirait que je serais docteur/chef d’orchestre/journaliste », la réalité reprend ses droits. Je réalise en m’attelant à l’exercice qu’à Bac +3 il n’y a pas beaucoup de possibilités de reconversion si on ne souhaite pas reprendre des études longues. Repasser le concours de professeur des écoles ? Il faut désormais un Master 2. Devenir assistante sociale ? Concours + 3 années d’étude. Mon projet initial de reconversion en tant que rédactrice web semble finalement être le plus cohérent.

Prochaine étape : confronter ce projet au marché de l’emploi : compter les offres, lister les compétences nécessaires, faire une moyenne des salaires proposés…Remplir une grille qui ne servira pas à grand-chose compte tenu de la diversité des profils et du fait que la plupart des rédacteurs sont en free-lance. Mais c’est une façon de prouver à ma consultante que ma reconversion est réaliste. Et de justifier le coût du bilan auprès de Pôle Emploi.

Et si ma conseillère juge que ça ne tient pas la route, je compte sur Pole Emploi pour faire preuve de créativité ! Quand on ose proposer à une éducatrice un job de strip-teaseuse, il faut s’attendre à tout !

« Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît »…

dimanche 29 janvier 2012

L'article du Plus Nouvel Obs au sujet de la pub Castaluna : les grosses, dernier bastion des trolls?

Pour faire le buzz sur internet quand on n’a pas de talent, il n’y a pas 36 000 moyens. L’une des grosses ficelles c’est de faire du trolling, lancer des discussions polémiques sur un ton volontairement provocateur dans le seul but de faire réagir.

Comme l’antisémitisme et l’homophobie sont juridiquement punissables, le dernier bastion des trolls reste le lynchage de gros ou plus spécifiquement de grosses.

Dans le genre, le blogueur Emery avait publié sur son blog en avril dernier une lettre d’un lecteur intitulée sobrement « pourquoi il ne faut pas coucher avec une grosse ». Un torchon dont un seul extrait suffit à en apprécier la teneur : « La grosse prend de la place. Pas de légèreté. Et même parfois, on est en droit de se demander si la grosse ne le fait pas exprès. Et puis, la grosse a toujours chaud et est toujours essoufflée. Et à table ? Comment se fait-il qu’elle mange autant et qu’elle dise : « encore un petit peu, je n’ai presque rien pris ». Et les deux roues de secours qui servent de fesses, alors ? ».

L’article avait fait son petit bruit sur Twitter, puis un buzz en avait chassé un autre.

Jusqu’à celui de vendredi dernier, un article de Marie Sigaud, journaliste contributrice au Plus Nouvel Obs, intitulé « Cette grosse qui remue me révulse : je ne supporte pas la pub Castaluna" qui va encore plus loin dans la provoc de mauvais goût .

« En ces temps aseptisés, il convient d’aimer tout le monde et de respecter les différences. Mais là trop, c’est trop… de kilos. Je déteste la pub de Castaluna.
Si vous ne l’avez pas vue, vous ne connaissez pas votre bonheur. C’est un clip qui met en scène une femme trop grosse, pardon, bien en chair, ou mieux présentant une surcharge pondérale. Et elle danse.

A la limite, elle ne bougerait pas, ce serait encore tolérable. Mais non, elle remue. Et ses formes plus que plantureuses aussi. Bien que corsetées, contenues par tous les moyens textiles modernes, ses chairs flottent et le résultat me révulse.

Alors je comprends bien que durant des années, les femmes qui font plus que du 44 ont été rejetées, brimées, moquées, raillées, limite persécutées. Il était temps qu’elles prennent leur revanche, puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses. La faute à une alimentation excessive, mais ça chut, il ne faut pas le dire trop fort.

Toutefois, de là à imposer sur les écrans une femme qui se donne pratiquement en ridicule, il y a une marge. Certes, il est difficile pour une femme qui pèse plus de 100 kilos de se représenter comment serait, sur elle, une robe présentée par une femme de 40 kilos. Mais les « vraies » femmes, comme elles aiment se faire appeler, ne sont plus vraiment à plaindre.

En quelques années, les « rondes » ont réussi à faire passer dans le langage courant qu’une femme normale, mince donc, est une « anorexique ». Comme si faire attention à sa ligne était une maladie. Autre affirmation véhiculée par les défenseurs des autoproclamées « vraies » femmes : elles plairaient davantage aux hommes que ces brindilles qui les narguent.

Chacun le répète pour faire plaisir, mais il est battu en brèche chaque jour. Voyez-vous Brad Pitt ou David Beckham au bras de « rondes » ? Non. Dès qu’un homme a le choix, il préfère être vu en compagnie d’une femme mince.

Alors, je le sais, c’est très méchant. Mais voilà je n’aime pas cette pub. »

Ce qui paraît étonnant c’est que ce papier à la fois si discriminant et si pauvre intellectuellement ait été validé par la rédaction et mis à la une d’un site dont l’objectif est de « de mettre en valeur les talents et les richesses du web ». La journaliste Gaelle-Marie Zimmermann s’en explique sur Twitter « C'est moi qui l'ai éditée et passée en Une. Pour pouvoir faire lire ce truc. Et y réagir ensuite, à titre personnel. » « Je crois que je vais pondre une petite chronique cet aprem... Envie de parler des grosses qui remuent aux minces immobiles. ». Quand on lui demande si elle partage l’avis de la journaliste elle répond « Non. Et je suis grosse ».

Pour comprendre, il faut savoir que Gaelle-Marie Zimmermann est à la fois journaliste pour le Plus (elle édite, relit et corrige les articles) et chroniqueuse associée (elle y écrit régulièrement des billets d’humeur avec beaucoup de talent et de verve). Et l’exercice est, je trouve, assez schizophrénique car l’un exige neutralité et recul, l’autre subjectivité et parti-pris. Ce grand écart prouve d’ailleurs ces limites puisqu’ elle édite et met à la une un article en tant que journaliste mais compte y répondre en tant que chroniqueuse. N’importe qui y perdrait son latin.

Si Gaelle-Marie Zimmermann a mis ce papier en avant c’est parce que le sujet lui tient personnellement à cœur : c’est donc ici la chroniqueuse qui s’exprime et non la journaliste, un mélange des genres qui conduit dans ce cas précis à valoriser un type de contenu choquant et sans pertinence. Ce qui paraît plus étonnant c’est que la rédaction ait validé cette démarche, sans doute pour faire du buzz. Car sans recourir à la censure, il est très simple de ne pas valider un article simplement en raison de la pauvreté du fond. J’en ai fait l’expérience récemment au sujet d’un article sur Anne Sinclair jugé choquant par la journaliste et qui, de fait, n’a jamais été validé. Il a fini dans les oubliettes du site avec une vingtaine de visites. Pourquoi ne pas avoir fait de même pour ce papier ? La liberté d’expression ne permet pas tout : il aurait été tout à fait possible de traiter le sujet sous un angle différent, moins provocateur. Il y aurait beaucoup à dire sur la thématique de l’apparence, de la différence mais la discussion mérite des interlocuteurs de qualité, pas des caricatures provocantes. Remplacez un instant les qualificatifs « juif » ou « homosexuel » par l’adjectif « gros » et vous saisirez instantanément la violence intolérable du propos.

Quelques heures après sa publication, le Plus Nouvel Obs a rétropédalé en effaçant l’article jugé "maladroit" sur "un sujet de fond" et a annoncé la parution d’une réponse "très vite". De son côté, la journaliste Marie Sigaud a donné sa version de faits ici, qualifiant ses écrits de simple « piège à troll ». Depuis, Twitter est déjà passé à autre chose. Jusqu’à la prochaine fois.

jeudi 26 janvier 2012

L'amour dure 3 ans


La scolarité a tué mon envie de lire. Fille de libraire, j’ai toujours évolué parmi les livres. J’ai des souvenirs émus de mes premières bibliothèques roses, des contes de Perrault, des récits de Marcel Pagnol. Depuis toute petite la lecture a fait partie de mon ADN.

Puis est arrivé le collège, le lycée et sa section littéraire.

Comme pour l’enseignement des langues, notre système scolaire met de côté un ressort pourtant essentiel à l’apprentissage : le plaisir, comme si c’était un gros mot.

Le mot « travail » vient étymologiquement du mot « tripalium », un instrument de torture et on le retrouve bien dans la façon de transmettre le savoir à l’école. Il faut souffrir pour apprendre. Le lycée m’a fait avaler les grands classiques comme une oie qu’on gaverait, m’a demandé à chaque fois de les disséquer en long en large et en travers, sans jamais me demander si j’avais aimé ce que j’avais lu. Il a perverti ma façon de lire, sollicitant davantage mon cerveau gauche plutôt que mon cerveau droit. J’étais à tel point déformée que je n’arrivais plus à ouvrir un ouvrage sans avoir en tête le schéma formaté de ma fiche de lecture.

Après le lycée, j’ai mis de côté les livres pendant un certain temps, c’était ma façon à moi de faire ma crise d’adolescence, de faire le deuil symbolique du père libraire. Puis je suis tombée sur les livres de Beigbeder, dont « 99 francs », qui a été une véritable claque, puis "L’amour dure 3 ans".

Oui je sais, certains vont ricaner, c’est pas de la vraie littérature ça, j’aurais dû citer Proust ou un obscur auteur japonais pour être crédible. Pas grave, j’assume. J’ai adoré ses phrases choc, ciselées comme des slogans publicitaires, son regard cynique sur notre société, son ton désabusé, son écriture brillante. Enfin un livre qui parlait à mon cœur plutôt qu’à mon cerveau ! Et puis, pour avoir travaillé avec l’une des plus grosses agences de pub de France, je ne pouvais que jubiler à la lecture de ces descriptions au vitriol !

C’est cette impertinence teintée de noirceur que je comptais retrouver en allant voir « L’amour dure 3 ans » au cinéma. Ma déception a été à la hauteur de mes attentes, Beigbeder nous servant pendant une heure et demi une espèce de comédie romantique acidulée à des années lumière du cynisme du livre original. L’histoire perd toute sa saveur, réduite à sa plus simple expression : les déboires sentimentaux de Marc Marronnier, fraichement divorcé, qui s’éprend de la femme de sa cousine alors qu’il a une peur farouche de l’engagement. Pas franchement original. Pour que le spectateur en ait pour son argent, Beigbeder multiplie les clins d’œil lourdauds et use et abuse du name dropping, faisant se succéder à l’écran Michel Denisot, Finkelkraut et Michel Legrand. Pas de grande finesse non plus dans le traitement de l’intrigue, à croire que son cercle de connaissances ne va pas au delà de St Germain : les héros sont écrivains ou photographes, ont des duplex fabuleux avec piscine intégrée ou vue sur le tout-Paris et déambulent en tenue légère et décapotable à n’importe quelle période de l’année.

Question distribution, Gaspard Proust fait un Marc Marronnier honorable, Louise Bourgoin est plutôt juste, Nicolas Bedos est insipide, Frederique Bel joue la nymphomane excitée comme d’habitude, Jonathan Lambert est sans intérêt. Que dire de la prestation de Joey Starr qui a fait grand bruit ? Qu’il ne suffit pas de rouler une pelle à une personne du même sexe pour être un acteur underground.

Bref, à part de jolis paysages du pays Basque et la prestation décalée de Valérie Lemercier, pas grand chose pour sauver ce film . Même la caution intello des 30 secondes de Bukowski au début ne suffisent pas . Quand on convoque les morts, la moindre des choses c’est d’être à la hauteur.

mardi 24 janvier 2012

Bref, j'ai été chez Pole Emploi...


Ami lecteur en quête de sensations fortes, de montée d’adrénaline et de pic de tension nerveuse, oublie les montagnes russes, le saut à l’élastique ou le parapente.

Je te conseille simplement de te rendre à ton agence Pôle Emploi accompagné de ton enfant (si tu es nullipare, un de tes copains sera ravi de te le prêter pour quelques heures). Et je te promets le grand frisson, les nerfs en pelote et la tension à 120.

C’est ce que j’ai vécu hier. Après avoir reçu un énième courrier me demandant une pièce manquante, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes en me déplaçant à mon agence. C’était sans compter un impondérable de dernière minute : la gastro inopinée de ma fille, qui, la veille, s’est mise à vomir par jets tel l’exorciste. Incroyable le nombre de fois où mes enfants sont tombés malades le dimanche, je pense qu’il y aurait matière à une étude scientifique. Incroyable également leur faculté à récupérer : le lendemain, elle était en pleine forme (mais en bonne mère juive, j’ai préféré la garder).

Heureusement d’ailleurs car il lui fallait toutes ses facultés pour affronter ce qui allait suivre.

9h15 : Arrivée à l’agence. Déjà une dizaine de personnes fait la queue à l’accueil. Ma fille est calme dans la poussette. Jusqu’ici tout va bien.

9h25 : J’arrive à l’accueil pour déposer les documents manquants. J’explique que mon employeur ne délivre pas de solde de tout compte et que par conséquent j’ai fait une photocopie de ma dernière fiche de paye. « Ah oui mais je ne sais pas si ça va être accepté. Il faut que vous alliez au service clients, ma collègue vous dira si on accepte ce type de documents ».

9h30 : Je me range dans la file du « service clients ». Oui, clients, vous avez bien lu, sans doute car le mot usager doit être un gros mot dans notre société ultra-libérale. Pour moi un client c’est quelqu’un qui paye, et qui choisit délibérément de revenir en fonction de la qualité du service, de l’accueil. A-t-on vraiment le choix quand on vient chez Pôle Emploi ? Déjà 6 personnes devant moi pour un guichet. Je prévois des munitions : gâteaux, crayons et bloc de papier pour ma fille.

9h45 : Déjà plus de 15 mns et c’est toujours la même personne au guichet. Questions incessantes et inutiles « on va vous appeler pour vous donner rdv » « oui mais si je ne décroche pas ? » « on vous laissera un message ». On sent que la « cliente » a besoin de réassurance, de s’accrocher au dialogue avec la conseillère comme à un fil ténu, pour ne pas perdre pied. Elle met du temps à rassembler ces papiers épars et repart le dos courbé, puis revient pour une autre question. Je trépigne. Ma fille a déjà fait tomber 2 gâteaux et fichu des miettes partout.

9h50 : Une nouvelle « cliente » arrive au guichet. Eclats de voix avec la conseillère, part sans dire au revoir. « AU REVOIR ! » lui crie la conseillère. Ma fille s’attaque à son carnet de dessin « Maman je vais te dessiner avec tes gros tétés d’accord ? ». Euh oui d’accord on fait comme ça. Rire du monsieur derrière moi, c’est déjà ça de gagné.

10h00 : Ma fille brandit son dessin : « voilà maman c’est toi »:

Echevelée, avec des gros seins et un énorme nombril. Ma fille me voit donc comme une bimbo égocentrique, tout va bien. « Et maintenant on fait quoi ? ». On attend ma fille, on attend.

10h 15 : Ma fille descend de la poussette, écrase encore un gâteau puis se met a courir en cercles concentriques comme un derviche tourneur. Tombe puis se remet à tourner. Au bout de 5 minutes elle me dit « j’ai envie de vomir ». Et là paniquée, je l’imagine vomissant tel l’exorciste, sans tenue de rechange sous la main et moi perdant ma place dans la queue. Sueurs froides. « C était pour rigoler maman ». LOL.

10h20 : Plus qu’une personne devant moi. YES YES YES.

10h21 : Un type avec un pansement dans le cou passe devant tout le monde en brandissant une carte (de priorité sans doute). « Je passe devant, je suis prioritaire ».

Dire qu’enceinte je n’ai jamais osé passer devant qui que ce soit ou faire lever quelqu’un dans le bus…Prioritaire ok mais il y a des façons de demander non ? « Je vais faire une hémorragie donc je dois passer ». Le coup de l’hémorragie, je ne l’ai jamais entendue celle-là.

10H22 : Un autre type derrière moi surgit en hurlant « s’il passe, je passe aussi. Moi aussi je suis prioritaire ! ». Le type à l’hémorragie lui brandit sa carte devant les yeux, l’autre dit qu’il l’a oubliée mais qu’il a mal à la jambe. Il se plante devant tout le monde en me passant devant. Pendant ce temps là, ma fille chante « j’aime la galeeeette savez-vous comment ? quand elle est bien fait avec du beurre dedans ». Ca hurle dans tous les sens et personne ne réagit. Une conseillère sort enfin dans son bureau en criant « faites moins de bruit, je n’entends pas mon téléphone ».

10H23 : N’y tenant plus je vais voir l’éclopé N°2 sans carte et j’explose. « Dites donc vous croyez quand même pas que je vais faire passer tous les éclopés de la terre non ? Ca fait une heure que j’attends, vous êtes sans carte, vous retournez derrière ! c’est la cour des miracles ou quoi ici ? »

10h 25 : Le type devant moi qui n’a pas osé l’ouvrir se retourne pour me sourire d’un air soulagé. Ma fille répète en boucle « pourquoi tu t’énerves maman ? Qu’est ce qu’il t’a fait le monsieur ? ». L’éclopé sans carte retourne à sa place. En me retournant je constate qu’il y a 15 personnes derrière moi et toujours un seul guichet ouvert.

10h30 : Une conseillère sort de son bureau et se décide enfin à prendre le relais « Personne suivante ». C’est moi !

10h31 : Ma fille sur mes genoux continue à écraser consciencieusement son gâteau sur le bureau de la conseillère. Regards noirs. Je commence à expliquer mon cas plutôt complexe. ‘Tut tut tut, pas besoin de me dire, je sais lire ». Zen, restons zen.

« Ah mais pourquoi vos congés sont à zéro ? Et pourquoi 9 mois sans salaire ? ». « C’est justement ce que j’essayais de vous expliquer ».

10h32 : Elle regarde dans son ordinateur puis lance des commentaires sibyllins « ah mais pourquoi elle a rentré ce chiffre ? » puis me lance « donc vous avez repris votre dossier. Je vois dans l’ordinateur que nous n’avons plus PHYSIQUEMENT votre dossier ». Là je n’y tiens plus et lance « C’est quoi ces conneries encore ? Comment avez-vous pu rentrer vos chiffres sans dossier ? Il faut que je redépose un dossier c’est ça ? ». Pas de réponse.

10h33 : Elle feuillette vite fait les documents que j’ai apportés « pourquoi n’avez vous pas apporté de solde de tout compte ? C’est ce qu’on vous a demandé pour étudier votre indemnisation ». Rebelote

10h34 : Elle pose mes papiers sur un coin de bureau puis me dit qu’elle va transmettre à sa collègue qui dira si c’est accepté. Pourquoi dans ce cas ai-je attendu une heure ?? Je lui demande si je peux avoir un récépissé, une preuve de mon dépôt, elle me dit que ce n’est pas la peine. Quand je lui demande quand est ce que j’aurai des nouvelles de mon indemnisation (je n’ai plus de salaire depuis novembre), elle me dit que le papier manquant retarde encore la procédure de 3 semaines.

10h 35 : Je suis vidée. Je tiens la petite main chaude de ma fille et m’y raccroche comme à une bouée. J’espère que ce passage à Pole Emploi lui aura au moins fait comprendre qu’il faut bien travailler à l’école.

samedi 21 janvier 2012

Y a pas qu'au Huffington Post que les blogueurs bossent à l'oeil


Comme je l’avais écrit précédemment sur ce blog, le peuple de Twitter est connu pour son indignation collective. Dernier épisode en date : le lancement du Huffington Post dont la directrice éditoriale n’est autre qu’Anne Sinclair.

Outre le manque d’objectivité craint par la Twittosphère, ce qui fait grincer des dents c’est le modèle économique assumé par le site d’information qui se base sur le bénévolat de ses contributeurs. « Ces contributions ne seront pas rémunérées et seront l'équivalent de colonnes publiées dans d'autres médias. Mais nous leur donnerons la plus grande visibilité possible, grâce je l'espère, à la force de frappe du Huffington Post » écrivait ainsi Anne Sinclair dans son message adressé aux blogueurs. La riposte sur Twitter n’a pas tardé, comme le rapporte le site « Arrêt sur images » : On moque "cette vraie socialiste, qui considère que le travail, c'est pour la gloire", où on lui propose de venir bosser "gratos" chez soi, "genre compta, ménage, cuisine" et où l'on incite les blogueurs ne voulant "surtout pas monétiser" leur talent à la contacter. D'autres ricanent : "Au moins son mari payait ses prostituées."

Effectivement, ne pas payer ses contributeurs est un scandale mais une injustice très largement entretenue par la plupart des médias participatifs, comme nous l’apprend cet autre article d’ « Arrêt sur images ». On y découvre ainsi que seule une poignée de contributeurs est rémunérée de façon régulière : les « chroniqueurs associés ». Repérés par la rédaction des sites d’information, ils s’engagent à fournir régulièrement un contenu de qualité contre rémunération.

Mais les autres ?

Une chroniqueuse et journaliste pour le Plus Nouvel Obs s’insurge dans cet article contre "l'exploitation des contenus bénévoles", qui "lui soulève le cœur""Il y a trois modèles possibles, énumère-t-elle : soit on est sur un site totalement bénévole, où il n'est jamais question d'argent. Soit on travaille sur un site participatif, qui touche un peu d'argent, grâce à des contrats pub par exemple ; dans ce cas, les bénéfices doivent être partagés entre chaque rédacteur. Soit on participe à une entreprise commerciale, où, en dehors de toute considération de qualité éditoriale, un contenu produit constitue une valeur ajoutée. Et dans ce cas, on paye. On n'est plus en 2007, flatter l'égo des blogueurs ne suffit plus !"

Un discours auquel on ne peut qu’adhérer mais qui n’est pas cohérent avec la réalité, le Plus Nouvel Obs ne payant qu’une vingtaine de ses contributeurs. Où se situe donc le partage des bénéfices entre chaque rédacteur ?

Je peux parler en connaissance de cause, écrivant pour le Plus Nouvel Obs depuis ses débuts de façon bénévole. Certains articles ont très bien marché (l’un d’entre eux a fait plus de 15 000 pages vues et a été cité par Marie-Claire et sur Europe 1, un autre 12 000 pages vues et plus de 1000 tweets). Une visibilité que je n’aurais certainement pas eue sur mon blog.

Néanmoins, si j’ai renoncé à une rémunération c’est parce que je pensais naïvement que l’ensemble des participants étaient bénévoles, ce qui n’est pas le cas puisqu’une vingtaine d’entre eux est rémunérée. J’ai donc récemment postulé en tant que chroniqueuse associée.

On m’a alors répondu que Le Plus Nouvel Obs ne recherchait pas de chroniqueurs dans l’immédiat. Soit.

Ce qui m’a fait bondir ce sont les phrases qui suivaient et qui, à mon sens, n’étaient pas nécessaires : « Je comprends votre envie/besoin de rémunération mais nous ne pouvons rémunérer tout le monde pour des raisons économiques évidentes. Nous sommes très contents de valoriser de bons contenus, en revanche nous ne forçons personne à participer à cette belle aventure, qui rencontre chaque jour un succès grandissant. Chacun est libre de publier, de partager ses idées avec la communauté du Nouvel Obs. »

Un discours finalement pas très éloigné de celui d’Anne Sinclair : vous n’êtes pas payé mais nous vous offrons une belle visibilité. Et surtout vous participez à une « belle aventure ».

Est-il besoin de rappeler que le Nouvel Observateur est un journal de gauche ?

On est donc en droit de se demander pourquoi un même modèle économique suscite une telle différence de traitement de la part de la twittosphère. Est-ce dû à l’opacité entretenue par les médias participatifs quant au mode de rémunération qui sous-entend que tous les contributeurs sont logés à la même enseigne ? Où bien est-ce indirectement le personnage d’Anne Sinclair que l’on cherche à attaquer à travers cette indignation sélective ? Je penche pour la seconde hypothèse …

Edit : Aude Baron, rédactrice en chef du Plus Nouvel Obs, réagit dans les commentaires