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mardi 13 décembre 2011

Mon avis à froid sur la prestation de "La Barbe" au Petit Journal

Depuis vendredi dernier, la prestation du collectif « La Barbe » au Petit Journal de Canal + a fait couler beaucoup d’encre.

Pour ceux qui ne la connaissent pas, cette association féministe entend dénoncer la domination masculine dans les sphères professionnelles, politiques, culturelles et sociales au moyen d’ « happenings ». Son mode d’action : envahir les lieux traditionnellement dominés par les hommes en portant des barbes postiches (ses militantes se sont invitées dernièrement à la convention UMP avant de s’y faire éjecter manu militari.)

Ce n’est pourtant pas ce happening musclé qui a fait grand bruit dans les médias mais plutôt la piteuse prestation de 2 de ses militantes au Petit Journal de Yann Barthes (à voir ici, visionner l'émission du 9/12 à partir de la 12ème minute). Commençant l’interview en déroulant la liste des dirigeants masculins s’étant succédés sur Canal Plus, les 2 femmes ont fait pâle figure en éludant systématiquement les questions. Il y avait pourtant matière à discussion ! Ainsi, quand Yann Barthès leur a demandé ce qui changerait si le cabinet du Président de la République était à 83,3% féminin leur seule réponse a été « On verrait, c’est jamais arrivé, on ne sait pas » puis « la domination masculine c’est flagrant et c’est un problème ». Peu après, quand est arrivée l’épineuse question de Marine Le Pen, les 2 militantes ont purement et simplement éludé le problème en rétorquant « Le front national, c’est un non-sujet ». Un triste constat d’échec…

Une fois le buzz médiatique retombé, qu’en ai-je pensé ?

Comme beaucoup, je me suis sentie très embarrassée en visionnant l’interview, partagée entre empathie envers ces filles visiblement pas au fait du jeu médiatique et agacement face à ce fiasco. J’étais pourtant sympathisante du mouvement, que je trouvais drôle et décalé justement parce qu’il prenait à contre-pied l’idée que les féministes n’avaient pas d’humour. J’aimais leur façon de mettre les pieds dans le plat de manière inédite, à mi-chemin entre le happening artistique et la manifestation. Je n’ai pas du tout retrouvé cet humour dans leur prestation, pas plus que dans les interviews données après l’émission : « Nous ne sommes pas des amuseuses, on a un message à faire passer» a ainsi déclaré Aby, membre du collectif interviewée dans le journal Métro. « On n’est pas des communicantes et j’espère qu’on ne le sera jamais ». Et c’est là que le bât blesse. Réduire les communicants à des vendus ou à des menteurs est une grave erreur. On peut bien évidemment faire passer des messages efficaces sans vendre son âme au diable et l’humour a notamment un rôle crucial à jouer pour expliquer des thématiques parfois complexes. Etre pédagogue, clair, connaître le jeu médiatique n’est pas incompatible avec un engagement sincère, la preuve même Olivier Besancenot a suivi des cours de média training.

J’ai également était dérangée par l’absence de réponse officielle sur la page Facebook de la Barbe. En cas de « bad buzz » de ce genre, il est d’usage de rebondir en y expliquant les raison d’un fiasco, en essayant de le justifier. Dans ce cas précis, la réponse est faite par voie de presse ce qui est à la fois dommage et paradoxal pour un collectif qui conspue les communicants. : « Certains ont parlé d’un malaise, disant qu’on a été mauvaises, qu’on a desservi la cause du féminisme, mais qui est-ce qui donne les critères d’appréciation? Et eux, ils font quoi pour le féminisme? ».

On peut avoir été mauvaise télévisuellement parlant sans que cela ne remette en cause la pertinence du collectif, ce n’est pas parce que la prestation a été un fiasco qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain, je pense que beaucoup de gens partagent ce sentiment. En revanche, répondre « et eux ils font quoi pour le féminisme ?» c’est sous-entendre que si l’on ne passe pas à la télé, on ne fait rien pour le féminisme ! Alors qu’on peut être féministe à son petit niveau, sans être encartée (c’est mon cas), et avoir néanmoins le droit d’avoir un regard critique à l’encontre du collectif !

En résumé, la prestation a été un fiasco, on est tous plus ou moins d’accord à ce sujet. Ce qui m’a dérangée c’est que beaucoup ont profité de ce buzz pour taper sur les féministes (et les femmes) en toute bonne conscience. La page Facebook a été envahie de commentateurs machos et haineux et, sur Twitter, des gens habituellement pas sensibilisés à la cause féministe se sont mis à retweeter le lien vers l’interview à coup de commentaires graveleux. Pourtant, des mauvaises prestations, beaucoup d’hommes en ont faites et ils n’ont pourtant pas subi le même torrent d’insultes…Ne pas être télégénique ne mérite pour autant pas la lapidation publique...










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3 commentaires:

  1. Je suis encore + consternée par leur réponse dans 20 minutes. Effectivement, ce que "l'on fait pour le féminisme" est en l'occurrence un non sujet comme elles le disent, puisqu'il est ici question du mal qu'elles ont fait elles.

    Quant à renier le jeu médiatique quand on a développé son mode d'intervention sur le détournement d'évènements publics et donc potentiellement médiatiques, et que l'on a accepté de participer à une émission de grande audience, est pour le coup un non-sens ....

    Déçue je reste moi aussi.

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  2. Entièrement d'accord avec ton analyse, être féministe ne dédouane pas de pouvoir maîtriser les codes des médias, a fortiori si on accepter de passer en prime time sur un magazine tel que le Petit Journal. Ce qui m'a finalement le plus dérangée dans cette histoire n'est pas tant le fiasco télévisuel que l'incompréhensible silence qui a suivi.

    Communiquer, c'est aussi en maîtriser tous les outils, et le collectif de La Barbe ayant choisi de figurer notamment sur les réseaux sociaux, on aurait pu attendre d'elles qu'elles sachent au moins les utiliser correctement.

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  3. Je fais partie d'un mouvement associatif qui a eu l'occasion de passer à la télé dans ce type de configuration il y a quelques années. La prestation de la personne qui y est allée a été catastrophique. Pas préparé, pas communicant, sur des questions complexes : le même genre que pour la Barbe.

    Quelle a été notre réaction ? Refuser la TV tant qu'on n'a pas les moyens de faire une presta solide, accepter les conseils (bénévoles) de communicants, les digérer pour les faire entrer dans nos codes, travailler notre discours, faire intervenir pas forcément les dirigeants mais les personnes les mieux à même de faire passer correctement les messages. Résultat quelques années après : on passe à peu près où on veut dans les médias. On n'a pas perdu notre âme et on n'a même pas eu besoin de faire appel à des agences de com'.

    La réaction du collectif La Barbe est vraiment pitoyable et arrogante, tout comme l'a été leur prestation. C'est vraiment dommage, et en réagissant comme ça elles se ferment pour longtemps les portes des grands médias. Est-ce que c'est vraiment une bonne manière de servir la cause des femmes ?

    En terrain ennemi on se camoufle, on entre dans les codes de l'adversaire. Si elles considèrent qu'un plateau de TV est un terrain ennemi, soit elles n'y vont pas, soit elles rentrent dans les codes du lieu, il n'y a pas de milieu si elles veulent avoir l'occasion de s'exprimer un peu...

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