Lassée de répéter toujours les mêmes choses dans mes commentaires, j'ai trouvé utile de rassembler ici mes réponses aux principales objections revenant de manière récurrente.
Cette rubrique est en cours de construction, elle s'enrichira au fil du temps et de mes échanges. N'hésitez pas à la compléter en commentaire.
1°) Vous voulez interdire le rose et les princesses, forcer les petits garçons à jouer à la poupée
L’idée n’est justement pas d’interdire mais au contraire
d’ouvrir le champ de possibles. Ma fille a des vêtements roses, joue à la
Barbie ou à la princesse et je ne lui interdis rien. Au contraire, j’essaye de
lui proposer d’autres alternatives : des livres non-sexistes, des jeux de
construction mixtes ou des jeux d’extérieurs. Ce que je reproche aux marques,
aux maisons d’éditions ou aux publicitaires c’est d’enfermer trop souvent les
enfants dans des stéréotypes de genre. De ne proposer aux petites filles que le
modèle unique de la princesse passive et superficielle et aux petits garçons le
cliché de l’enfant bagarreur et aventurier.
Des schémas figés qui ont des conséquences sur le choix des métiers
futurs notamment. L’idée n’est de forcer personne : juste de pouvoir
montrer aux enfants qu’il existe autre chose. Libre à eux de choisir ensuite en
toute connaissance de cause.
D’ailleurs, les enfants eux-mêmes réclament d’autres
alternatives : CharlotteBenjamin, une petite fille de 7 ans, avait fait le buzz récemment en
écrivant à Lego pour réclamer plus de figurines féminines. AntoniaAyres-Brown, une petite fille de 11 ans, avait, quant à elle demandé à Mc
Donald’s de cesser de classer ses jouets en « jouets de garçons » et
« jouets de filles ». Avec succès.
2°) Les petites
filles aiment le rose, c’est naturel et ça a toujours existé
Rose pour les filles, bleu pour les
garçons : ce code couleur est si puissant et universellement répandu qu’on
en oublierait presque qu’il est une invention récente. Ainsi, à l’époque
victorienne, filles et garçons étaient vêtus de robes blanches jusqu’à l’âge de
6 ans. Dans la première moitié du 20ème siècle, des règles ont commencé à
apparaître pour le rose et bleu, mais elles étaient peu rigides, certains
attribuant le bleu aux filles en raison de son rapport avec la Vierge Marie par
exemple. Un article de 1918 affirmait
quant à lui : « Le rose, qui est une couleur plus affirmée et forte, va
mieux aux garçons. Le bleu, en revanche, plus délicat et gracieux, va mieux aux
filles ». D’autres sources expliquaient que le bleu mettait en valeur
les blonds tandis que le rose allait mieux aux bruns. Le triomphe du bleu
et du rose s’explique notamment par l’apparition de l’échographie, au milieu
des années 80. Les futurs parents découvraient alors le sexe de leur bébé et se
précipitaient ensuite pour acheter tout le matériel nécessaire en « version
fille » ou « version garçon ». « Plus on individualise
les vêtements, mieux on vend » explique Jo B. Paoletti. Preuve que
l’attirance des petites filles vers le rose est plus une construction sociale
qu’une préférence innée.
3°) Vous feriez mieux
de parler de combats plus importants comme les femmes violées ou les femmes
afghanes (voire les femmes afghanes violées)
La dénonciation des stéréotypes de genre ou des publicités
sexistes n’est pas un petit combat. Il permet, à petits pas, de faire changer
les mentalités et de mettre les marques devant leurs responsabilités. Par
ailleurs, il existe une pluralité des luttes : on peut dénoncer le sexisme
d’une publicité tout en s’engageant pour la lutte contre les violences
conjugales par exemple. Critiquer cette
démarche reviendrait à dire « Je ne donne pas 1€ au SDF d’en bas car ça ne
résoudra pas la faim dans le monde ». Un combat n’annule pas l’autre. Par
ailleurs, renvoyer systématiquement vers « l’ailleurs » (la Syrie,
l’Afghanistan) permet de se dédouaner habilement. Le sexiste, le raciste, le
violeur c’est forcément l’autre, celui qui est loin. Fait amusant :
lorsque des féministes se sont mobilisées récemment après l’enlèvement des
lycéennes nigérianes, il leur a été
reproché de ne pas s’occuper des priorités, à savoir ce qu’il se passait en
France. Cherchez l’erreur.
4°) Il ne faut pas
parler des publicités sexistes, ça crée le buzz
Si une publicité m’a choquée, je revendique le droit de le
clamer haut et fort et de dénoncer la marque qui véhicule ces stéréotypes. Je
ne laisserai personne me silencier en me disant quoi faire. Par
ailleurs, pour avoir travaillé une dizaine d’années dans un grand groupe, je
peux assurer que les marques qui possèdent une forte notoriété (BN, Stabilo ou
Bic par exemple) craignent davantage le buzz qu’elles ne le cherchent. Leur
discours est très cadré, maîtrisé, les mots et actions sont en théorie choisis avec soin pour ne pas
sortir des rails en terme de racisme ou de sexisme. Ces grandes marques n’ont
d’ailleurs pas besoin de la clameur des internautes sur les réseaux sociaux
pour se faire connaître. Pourtant, malgré ces précautions, il arrive que
celles-ci véhiculent des messages sexistes sans réellement s’en rendre compte.
Quand j’ai appelé Bic, Sanogyl ou encore la Société Générale dans le cadre d’un
de mes articles pour leur demander des explications au sujet du stylo pour
femmes, de la brosse à dents pour femme ou de la carte bleue « Journée de
la femme » j’ai bien compris qu’il n’y avait rien de prémédité là-dedans,
aucune intention de faire le buzz mais plutôt une volonté d’étouffer l’affaire.
J’ai ressenti de l’incompréhension, de l’incrédulité face aux clichés
dénoncés : ces gens du marketing avaient tellement la tête dans leurs
produits, pensés en terme de micro-niches ultra segmentées, qu’ils n’avaient
même pas remarqué les stéréotypes qu’ils pouvaient véhiculer. Preuve que ceux-ci
sont profondément ancrés. Il faut bien garder en tête qu’une marque à forte
notoriété a beaucoup à perdre en risquant de s’aliéner une partie de sa
cible. Tout comme en laissant entendre
qu’elle véhicule des valeurs contraires à son image.
5°)
Tout ça, ça n’est que de la pub, y a pas mort d’homme
Nous sommes exposés chaque jour à
environ 1 200 à 2 200 publicités, des publicités dont nous n’avons souvent
parfois pas même le souvenir. Pourtant, comme nous l’explique cet article, la majorité
de ces stimuli publicitaires auxquels nous prêtons si peu d’attention et dont
nous sommes le plus souvent incapables de nous rappeler consciemment, vont
laisser des traces mémorielles « implicites », non conscientes, dans
notre cerveau. Femmes futiles, bavardes, idiotes ou naturellement douées pour
le ménage : les stéréotypes féminins égrenés au fil des spots sont donc
loin d’être anodins…Et la publicité agit ici comme une véritable propagande.
Pas étonnant dans ce contexte que 91% des femmes se disent incomprises par les
publicitaires...
6°) Ne vous énervez
pas, ne faites pas votre hystérique
Sur ce blog, je prends bien soin de ne pas céder à
l’invective, d’argumenter posément en sourçant systématiquement mes dires. Mes
billets sont souvent engagés, j’ouvre le débat en répondant aux commentaires
mais je n’hurle jamais après mes contradicteurs. Quand un homme débat, on dit
qu’il est un bon orateur et un polémiste de talent, quand une femme fait de
même c’est une hystérique énervée. Pire, quand 2 femmes débattent, on parle de
crêpage de chignon. Dans les milieux féministes, le fait de se focaliser sur la forme plutôt que le fond s'appelle le "tone argument" (argument du ton) comme l'explique le blog "Genre!" : "L’emploi de l’argument de ton empêche la (le) féministe accusé-e de
développer son propre argument et vise in fine à la (le) faire taire" "[C'est] un argument utilisé dans des discussions, [...] suggérant
que les féministes auraient plus de succès si elles (ils) s’exprimaient
sur un ton plus agréable. Il est aussi parfois décrit comme "on
n’attrape pas les mouches avec du vinaigre", une variante particulière
de l’argument de ton.
L’argument de ton est une forme de détournement de la conversation [derailment], ou un leurre, car le ton d’une affirmation est indépendant du contenu de l’affirmation en question, et le fait d’attirer l’attention sur le ton détourne du problème dont il est question."
L’argument de ton est une forme de détournement de la conversation [derailment], ou un leurre, car le ton d’une affirmation est indépendant du contenu de l’affirmation en question, et le fait d’attirer l’attention sur le ton détourne du problème dont il est question."
7°) Vous feriez mieux
d’aller manifester au lieu de vous planquer derrière un écran, c’est pas du
vrai militantisme ça
Opposer militantisme virtuel et militantisme de terrain
n’est pas pertinent. L’essentiel de ma culture féministe, je l’ai acquise au
fil de mes échanges sur les réseaux sociaux et de mes lectures de blogs.
Beaucoup de gens m’ont affirmé n’avoir rien lu de féministe avant d’atterrir
sur le blog, preuve que cela peut constituer une porte d’entrée vers autre
chose. Je ne me rends pas aux manifestations par peur de la foule, pour autant
j’ai le sentiment que chaque billet écrit ici est une sorte de tract. J’ai par
ailleurs remarqué que la plupart de ceux qui viennent me reprocher mon
« militantisme de canapé » ne militent pas par ailleurs. Si vous
souhaitez en savoir plus, Mrs Roots a
écrit 2billets très pertinents sur le sujet.
8°) C’est pas sexiste
c’est de l’humour, vous n’êtes qu’une féministe coincée
Scoop : l’humour peut être oppressif. A ce sujet, je
vous conseille la lecture du passionnant billet de Denis Colombi : « L’humourest une chose trop sérieuse… »
9°) Vous les Femen,
les chiennes de garde, vous détestez les hommes
Pour commencer, je précise que je ne suis encartée nulle
part et ne fais partie d’aucune association. Ensuite, les Femen et les chiennes
de garde sont des mouvements différents, aux opinions bien distinctes et ne
représentent aucunement à elles seules LE féminisme (à ce propos, il n’existe
pas UN féminisme mais DES féministes). Par ailleurs, les féministes ne
détestent pas les hommes, pas plus qu’elles ne veulent les castrer ou les
dominer. Le socle commun du féminisme c’est aspirer à l’égalité entre hommes et
femmes. Cela passe notamment par la déconstruction des stéréotypes de genre et
les hommes, en dépit de ce que certains pensent, auraient tout à gagner à être
féministes. En effet, ils sont eux aussi enfermés dans des modèles étouffants
de virilité et de réussite , ces mêmes modèles que les féministes aspirent à
déconstruire.
Bonjour ! Je voulais juste vous dire que je ne me sens pas particulièrement féministe et dans mon coin de campagne, j'ai l'impression que l'égalité des sexes est presque acquise, même si c'est sûr qu'il y a quelques stéréotypes qui persistent... Pour autant, je trouve que votre blog est très intéressant et permet de se rendre compte de certaines choses qu'on n'avait pas remarqué (maintenant, je fais à chaque fois attention à l'image de la femme dans les pubs ^^). Tout ça pour vous dire un grand bravo, ce que vous écrivez est très intéressant. Parfois on n'a pas les mots pour expliquer pourquoi telle ou telle chose est sexiste, ou tout simplement on n'a pas envie de se pencher sur la question... Vous nous offrez des pistes de réflexion sur le féminisme (qui n'a pas besoin d'être forcément radical pour bien fonctionner ^^).
RépondreSupprimerBonjour Saria, merci pour votre commentaire, ça fait chaud au coeur! A très vite!
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerje vous lis depuis plusieurs mois avec grand plaisir et intérêt puisque comme vous le soulignez, votre propos est argumenté, sourcé et donc pertinent. Et en plus c'est bien écrit ! A chaque billet, je me dis qu'il faudrait que je vous dise merci pour tout ça et ce très bon billet "mise au point" s'y prête, donc je me lance : merci !
Barbara, une lectrice fidèle
Bonjour Barbara, et bien, moi qui pensais attirer les commentaires haineux avec cette mise au point, je me suis trompée (pour l'instant). Merci beaucoup pour ce message qui me fait extrêmement plaisir, à très vite!
RépondreSupprimerBonjour, moi aussi je vous lis depuis un petit moment mais je ne commente pas. Ce récapitulatif très juste est donc une occasion de plussoyer les com précédents et de dire que oui, des blogs comme le vôtre sont utiles. Ils me permettent d'argumenter quand je suis assaillie des "mais enfin toi-même tu as du vernis à ongles rose, tu as fait de la danse classique, tu prône donc le faites comme je dis mais pas comme je fais" ou les "s'il n'y a pas plus grave dans ta vie que de te faire appeler Mademoiselle tu devrais voir un peu en Afghanistan". Toujours de la part de gens qui ne me connaissent pas et qui ne prennent pas la peine de me connaitre, parce que si, j'ai eu plus grave dans ma vie justement. De toutes façons on ne fera jamais boire un âne qui n'a pas soif. Il y a des gens qui ne veulent pas essayer de comprendre. Ceux-là je les laisse où ils/elles sont. Ce qui fait plaisir c'est de voir qu'on arrive parfois à débattre constructivement avec des gens qui ne s'étaient jamais vraiment penché sur la question. La folie du rose et rien que du rose pour les filles par exemple, j'ai un peu l'impression que ça change petit à petit.
RépondreSupprimerMerci Alice, ça fait plaisir!
Supprimerbonjour.
Supprimerj'ai découvert se site par hasard et je veut te dire que la création de ton site est une mine d'or pour moi .car je suis une féministe .et sa me réchauffe le cœur de savoir qu'il y ai des femmes comme toi qui trouve qu'il n'y a pas assez d'égalité entre homme femme ,je me sens contente lorsque je vois se genre de débats .
merci à toi
bonjour.
Supprimerje suis tombé sur ce site par hasard et je suis contente que tu l'es crée .je me sens contente sachant que se genre de site existe .là on peut parler ouvertement et faire des petit débat .
merci à toi
ps: je ne sais pas si j'ai déjà mis un commentaire mais je ne sais pas utiliser internet donc merci de comprendre ma petite gaffe
Merci, ça fait chaud au coeur des messages pareils <3
SupprimerMerci, ça fait être chouette de juste dire "Bingo" avec un lien vers ton billet :-)
RépondreSupprimerSuper. D'accord avec tout dans vos 9 FAQ.
RépondreSupprimerMatou