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mercredi 23 juillet 2014

Dictionnaire participatif du féminisme : "C comme childfree" par Funambuline


Aujourd'hui c'est Funambuline qui ajoute sa contribution au dictionnaire participatif du féminisme avec "C comme childfree". Un grand merci à elle!


 Depuis plusieurs années maintenant, je sais que je n'aurai pas d'enfant. Ce n'est pas que je ne puisse pas en avoir, biologiquement parlant, c'est que je n'en éprouve pas le désir. Ni hier, ni aujourd'hui, ni demain. De la même manière que certaines personnes ressentent viscéralement le désir de devenir parent, au fond de mes tripes, je ressens ce non-désir.
Il y a quelques décennies, il était pratiquement impossible d'en parler, aujourd'hui de plus en plus de personnes osent exprimer leur non-désir d'enfant. Ce qui a été mon cas, après en avoir discuté sur Internet avec des plus ou moins inconnus, j'ai enfin osé dire que non, je n'avais pas envie d'avoir d'enfant, à mon entourage. Pourquoi en parler ici ? Et bien parce que c'est ensuite que les problèmes commencent.

 
Quand j'ai enfin libéré ma parole, j'ai eu une période où j'avais besoin de le dire à tout le monde. Et je m'en suis pris plein la gueule. J'ai été insultée par des gens bien-pensant qui pensaient me "sauver", considérée comme une cruche écervelée par certaines personnes que je considérais comme proches, interrogée sur mes choix et convictions les plus intimes par de parfaits inconnus. C'était délicieux.

Petit florilège des remarques qui m'ont été faites


Tu es égoïste !
Pourquoi ? Parce que je ne veux pas surcharger la planète de ma progéniture ? Le fruit de MES entrailles risquerait de sauver le monde et sans lui donner vie je voue la planète entière à la déchéance ? Allons, allons, espérons que Kévin, le petit couvert de morve que je vois accroché à tes pantalons, jouera ce rôle.
La réflexion de l'égoïsme vient souvent de jeunes parents épuisés-mais-heureux-c'est-le-plus-beau-métier-du-monde. L'idée que je ne sacrifie pas mes futures grasses matinées à la mission fondamentale de l'humanité leur paraît abominable. C'est aussi l'argument qui me touche le moins, tellement je le trouve hors sujet.

Mais tu n'aimes pas les enfants ?
Et bien Ginette, détrompes-toi, j'adore certains enfants. D'autres me sont indifférents, d'autres me hérissent le poil. Comme beaucoup de parents d'ailleurs, qui ne supportent que leurs propres enfants et pas ceux des autres. Mes deux neveux et ma nièce sont parmi les gens que je préfère au monde, je tente de les voir dès que possible, je me réjouis de les voir grandir et, d'après leurs parents, je me comporte de manière très adéquate avec eux. D'ailleurs on me trouve plutôt douée avec les enfants en général.
Mais ce n'est pas parce que j'adore les rhinocéros que j'en ai adopté trois. Avoir de l'instinct sur la manière d'interagir avec les enfants n'implique pas d'avoir envie d'être parent.

Tu te rends compte que tu vas vieillir seule ?
Et bien bravo Gaston, tu détiens la palme. Donc toi, tu as fait/vas faire des enfants pour ne pas être seul quand tu seras vieux ? Bel esprit. On revient à l'égoïsme deux secondes ou tout le monde a saisi l'ironie ? Il faudrait aussi poser la question dans les EMS, pour voir si tout leurs habitants sont childfree...
Et non, je ne serai pas seule, mais entourée de ceux que j'aurai choisi et qui auront choisi de m'entourer. Une personne qui ose même imaginer une seconde que ce pourrait être un argument en faveur de faire des enfants devrait avoir son permis pour faire des enfants retiré immédiatement. Ah non, ce permis n'existe pas. Quel dommage !
Tu vas changer d'avis, tu verras !
Oui, tu sais certainement mieux que moi ce que je ressens. Cette affirmation, souvent prononcée par des jeunes mères comblées, ou futures-mères comblées, est une des plus blessante qui soit. D'abord elle est particulièrement infantilisante et elle insulte mon intelligence, ensuite elle pose un jugement de valeur qui implique que FORCEMENT toute femme DOIT être mère et que toute autre possibilité est une aberration. J'ai appris, au fil du temps, que je ne pourrai plus discuter avec ces personnes-là, c'est inutile.
Quand il s'agit de personnes que je suis dans l'obligation de côtoyer régulièrement, pour ne pas ramener le sujet à chaque fois qu'il y a une naissance dans le coin, je mens parfois en disant que je ne peux pas en avoir, ça leur cloue le bec et c'est réglé. (Après la publication de cet article, je ne pourrai plus, damned.)


Tu te rends compte de tout ce que tu vas rater ?
Non. Je ne pense pas que l'on puisse se rendre compte de ce qu'est être parent sans être parent. Tant mieux peut-être. Mais plus j'entends parler les jeunes parents de leur épuisement total, les parents d'adolescents des souffrances que cet âge douloureux peut engendrer, plus je me dis que si on pouvait s'imaginer ce que c'est vraiment, il y aurait peut-être plus de childfree.
Ce que je sais c'est que je ne me sentirai jamais à la hauteur de la responsabilité d'être parent, et je suis très admirative pour ceux qui font du mieux qu'ils peuvent, sans jamais lâcher, bravo à eux. Mais ça continue de ne pas m'attirer du tout comme expérience.
Je n'ai jamais sauté en parachute non plus. Et je ne me rends pas compte non plus de ce que je rate. Et on vit très bien sans.

Mais pourquoi ?

C'est ça la vraie question. Même si elle est intime, la seule et vraie question que vous pouvez poser légitimement à quelqu'un qui vous dit ne pas vouloir d'enfant est "pourquoi ?".

Dans mon cas, c'est une simple et très viscérale non-envie.
Couplée à des centaines de raisons accessoires qui n'ont que peu d'importance au final, comme pour le choix de faire des enfants j'imagine. Ce n'est pas compatible avec mes multiples vies parallèles, pas compatible avec mon budget, pas compatible avec mon style de vie en général, pas compatible avec mon idéal de vie. Pas compatible avec ma liberté d'être celle que je suis, pour résumer. Et je ne parle pas des raisons éthiques et de mon pessimisme pour l'état de notre petite planète dans quelques décennies.
Et, tout simplement, la maternité n'est pas indispensable à mon épanouissement.

"La non-parentalité n'est pas l'expression d'une névrose ou d'une immaturité ; au contraire, il s'agit d'une décision complexe dont les avantages sont sensés dépasser le coût de la non-conformité sociale." (Campbell E. Becoming voluntarily childless: an exploratory study in a Scottish city. Soc Biol. 1983 Fall;30(3):307-17)

Quand j'ai enfin libéré ma parole et fait mon coming out childfree, le plus intéressant a été de découvrir que nous sommes nombreux (en Suisse, entre 25 et 30% des femmes n'auront pas d'enfants). La parole est plus libérée dans certaines régions que d'autres (ce qui ne pose plus de problèmes en Allemagne amène encore des centaines de questions dérangeantes en France ou en Espagne, par exemple). Les mouvements childfree (par opposition à childless = ne peut pas avoir d'enfant) ou no kid sont de plus en plus visibles, à travers cette visibilité l'acceptation de ce choix -fondamentalement intime- par la société en général va s'améliorer. C'est aussi pour cette raison que j'en parle.

J'avoue que c'est aussi parce que c'est souvent un plaisir de parler avec d'autres non-parents par choix, et que j'espère qu'ils vont sortir du bois de plus en plus nombreux. Que vous soyez parent, non parent, curieux ou sympathisant, je me réjouis de lire votre commentaire et je vous offre ce Childfree Bullshit Bingo.

9 commentaires:

  1. Bonjour! C'est excellent, et merci, les childfree sont de plus en plus nombreuses à sortir du placard :)

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  2. Bravo,
    je trouve cet article très bien et je vais me servir de ces arguments pour clouer le bec à mon entourage. Cette pression existe au quotidien, que ça soit amis, famille ou bien même des connaissances.
    C'est dingue, même en restant évasive sur le sujet lorsqu'on me pose la question (j'ai pas encore décidé si je veux des enfants (à plus 30 ans ^^)),
    on me fait bien comprendre qu'il faut que j'en ai parce que c'est ce qu'il y de mieux au monde (hum hum).
    Ça me donne l'effet d'une barrière à surmonter et repousse le sujet sans arrêt..
    Bien à vous
    Anne

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  3. J'ai été très contente de te lire et j'approuve ton effort pour donner plus de visibilité à un "choix" de vie dont on entend encore trop peu parler.
    Mon compagnon et moi avons décidé de ne pas avoir d'enfant il y a 5 ans. Etant en couple, il était nécessaire que ce choix convienne à tous les deux.
    Je suis tout à fait d'accord avec toi : on a mille raisons de ne pas vouloir d'enfant, mais la vraie, la plus forte, c'est l'absence de désir d'enfant.
    Bien sûr, il y avait des raisons d'avoir un enfant, mais je les ai trouvées toutes mauvaises et peu éthiques, du genre : faire plaisir à mon entourage, ne pas vieillir seule (oui, c'est nul) et surtout ne pas être différente. Je suis quelqu'un d'assez conformiste, mais j'ai quand même dû assumer la marginalité qui découle de mon choix.
    J'ai entendu toute ma jeunesse des femmes critiquées parce qu'elles n'avaient pas eu d'enfants. Ce qui était frappant, c'était qu'on parlait d'elles comme des mineures, des femmes pas vraiment femmes et jamais passées à l'âge adulte. Pour les hommes, ce n'est pas toujours facile, non plus. Mon compagnon se prend parfois des remarques : genre "tu es dépressif" et des sous-entendus méprisants sur son manque de virilité.
    Quoi il en soit, je ne regrette pas mon choix, pas un instant. :-)
    Vanessa

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  4. Je me reconnais à fond dans ton témoignage, et les différents arguments "anti childfree" que tu cites sont effectivement irritants et de mauvaise foi.
    Je note cependant que tu en as oublié un qui aurait pu figurer dans le bingo : mais tu as pensé aux couples stériles ? :-)

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  5. ce que je relève dans ce témoignage, ce sont à la fois les réponses qui sont données à la personne concernée que ce par quoi est elle concernée.

    ce qui la concerne, c'est une attitude particulière la plaçant hors du champ de normalisation comportementale de son groupe social et local.

    les réponses qui lui sont faites, sont des stéréotypies de ces normalisations de comportements sociaux et donc d'incarnations, de réalisation, de l'identité de membre social local.

    quand on reprend la synthèse de ces stéréotypies présentée dans le carré bleu, ce qui me frappe, c'est qu'on retrouve les mêmes éléments fondateurs, que pour d'autres thèmes de normalisation d'identité sociale. ces réponses sont des variations sur des principes fondateurs, qui sont ceux de l'entretien d'une structure sociale, en commençant pas la pérénité du groupe, intergénérationnelle, la définition des genres et donc des prérogatives genrées, la héiarchie sociale inter-sexe et intergénérationnelle.

    derrière tout ça, il y a le rapport à la sexualité comme obligation première permettant ensuite l'obligation de reproduction.

    à ceux qui n'ont pas de relations sexuelles, on fait les mêmes réponses que celles indiquées dans le carré bleu, en leur faisant bien comprendre, que s'ils n'en ont pas, c'est de leur faute, ou c'est leur choix que l'on ne comprend pas, pour ne surtout pas admettre autre chose...

    parce qu'en plus, ce que je relève à chaque fois que je lis des témoignages de cette sorte, sur la sexualité, sur la famille, sur le désir de procréer, le mode alimentaire, la télévision, etc... c'est que les personnes sont en devoir, et elles l'ont intégré puisqu'elles proposent leur argumentaire, de montrer que c'est un "choix" ! donc une volonté personnelle...

    autrement, dire que c'est simplement par non-désir, ou tout simplement, par absence d'opportunité... ça ne passe pas du tout.
    c'est simple : dire que c'est par non-désir, l'environnement l'interprète comme un témoignage de sa non-désirabilité, donc de sa non-universalité au bien-fondé.
    dire l'absence d'opportunité, c'est dire que l'environnement ne vous a jamais désiré, et là encore, le renvoyer implicitement à sa non-universalité au bien fondé.
    non-universalité au bien-fondé : j'entends par là, que l'environnement, le social, les gens qui s'identifient, mêmes dans leurs oppositions, les uns aux autres, se considèrent universellement comme "bon", dans le "bien", parce que "normaux". c'est à dire, la norme, est le bien...

    euh...

    nan rien...

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  6. Bonjour,

    Je suis une jeune maman, j'adore ma fille et je suis totalement heureuse.
    Mais je comprends parfaitement le désir de ne pas avoir d'enfant, et les gens qui jugent une telle décision m'insupportent.

    Voilà un commentaire bien inutile...

    Bonne journée.

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  7. Mmmm si je puis me permettre :
    - chacun fait ce qu'il veut, ou justement ne fais pas ce qu'il veut, enfin bref, si tu veux pas d'enfants n'en fait pas comme dit mon proverbe
    - le 1er dessin qui compare le fait de s'occuper d'un chaton avec le fait d'élever un enfant est un poil... WTF ;) vu que bizarrement je n'élève pas mon gamin comme mon chat et vice-versa.

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  8. J'ai grandi avec l'idée que je serai une childfree. Puis la contraception a foiré. Pour des raisons personnelles je n'envisageais pas l'avortement. Mon fils a 6 ans, je vis en childfree une semaine sur deux puisqu'il est en garde alternée et je me sens un peu schizophrène parceque vraiment quand il n'est pas là j’oublie que je suis mère. (Bon, et même quand il est là,parce qu'en faites j'ai plutôt l'impression de me sentir une grande sœur). J'aime vraiment mon fils mais je me demande à quel point ce décalage va l'affecter, si il sent que sa mère est une childfree sous couverture.

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  9. J'adore!

    C'est un peu avec 2 ans de retard que je lis cet article, mais il est tellement vrai!

    Je suis un mec, et je suis childfree depuis environ 7 ans.
    En tant qu'homme j'en souffre certainement moins que vous mesdames, et je suis de tout cœur avec vous.

    Je trouve ton argumentation et tes illustrations très représentatives de la réalité. Notamment la première avec l'histoire du chaton ;)

    J'ai lu il y a quelques temps un livre intitulé "No Kid - 40 raisons de ne pas avoir d'enfant", de Corinne Maier, et je le conseil à tout les childfree.

    J'avoue que l'argument "Tu es trop jeune" (27 ans dans mon cas), ressort encore et encore, et est effectivement fatigant et insultant.

    Par contre, le point "Tu es égoïste", c'est un point que j'aime tout particulièrement.
    Oui, j'aime faire ce que je veux, quand je veux, j'aime ME faire plaisir, et sur un plan purement financier, effectivement, je préfère garder mon argent pour mes plaisirs plutôt que pour de la purée, des couches, et ainsi de suite pendant 20 ans.

    Mais au final, qui est le plus égoïste? Moi? Ou la personne qui décide de faire un enfant?
    L'enfant n'a rien demandé, et si une personne fait un enfant, c'est parce qu'ELLE le veut!
    ("ELLE"="la personne" hein? Pas la femme, qu'on soit bien d'accord)

    Un futur parent, veut un enfant, fait un enfant, et impose une vie à un être qui n'a jamais rien demandé, et ne sera peut être pas heureux de sa vie.
    Alors childfree, égoïste? Pfff... Laissez moi rire!

    Enfin bref, on pourrait en parler pendant des heures, le sujet est tellement vaste et prend tellement aux tripes!

    Je tiens juste à dire que je trouve ton article génial!


    Stan

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