Les initiatives au sujet du harcèlement de rue ne manquent pas (avec parfois un certain problème de transparence, j'en avais parlé dans un précédent billet).
Une d'entre elles a aujourd'hui particulièrement retenu mon attention, le projet photographique de Juliette Lancel, qui vient de lancer le Tumblr "Harcèlement de rue".
Elle a accepté de répondre à mes questions.
Bonjour Juliette, peux-tu te
présenter ?
Je suis doctorante à l'EHESS, en pleine
rédaction d'une thèse sur l'histoire du rêve aux XVIIe et XVIIIe siècles. A
côté, je pratique la photographie depuis une dizaine d'année maintenant, en
développant des thématiques liées au portrait, au corps et aux mythes. Le fait
que la photographie ne soit pas mon métier me permet de rester libre d'en faire
absolument ce que je veux... dont ce projet.
Quel a été ton parcours avant de créer le
tumblr « Harcèlement de rue » ?
Depuis le lycée, je me suis impliquée -
parfois de près, parfois de loin – dans les luttes pour l'égalité. L'une
d'entre elles est le féminisme, en particulier depuis quelques années, ma
réflexion ayant été abondamment nourrie par les études de genre et
l'intersectionnalité.
Comment est né ce projet ?
Dans un bar ! Plus précisément, autour
d'une table où échangeaient des militant-e-s et sympathisant-e-s du collectif
Même pas Mâle. Plusieurs hommes témoignaient de leur ignorance totale du sujet
avant qu'une femme leur en parle. Comme souvent, cela fait partie du privilège
de ne pas être conscient de l'oppression subie par les non-privilégié-e-s.
Que souhaites-tu véhiculer à travers ce
projet ?
J'aimerais que ce projet soit aussi bien
à destination des hommes que des femmes.
Des femmes, parce qu'il est essentiel de
dire et répéter que leur ressenti est légitime, qu'elles ne sont pas seules,
que ce n'est pas contre elles qu'elles doivent être en colère et surtout que ce
n'est pas une fatalité.
Des hommes, parce qu'avant que le sujet
ne soit abordé, cela m'est déjà arrivé, plusieurs fois, quand je me risquait à
en parler à un ami, de me voir répondre que c'était un compliment, que si je ne
le prenais pas comme tel c'était que je ne m'assumais pas, que la tenue
vestimentaire était un appel, que je surréagissais, qu'ils auraient bien aimé
que cela leur arrive, et caetera.
Ces remarques, habituelles, sont très
révélatrices d'une incompréhension du poids constitué par le harcèlement de rue
et de la souffrance qu'il entraine au quotidien.
Si ce tumblr peut aider à faire en sorte
que des hommes deviennent une part de la solution et non une part du problème,
il aura accompli sa tâche.
En quoi se différencie-t-il des autres
projets lancés récemment ? (Le projet crocodile par exemple).
C'est un projet centré sur le témoignage
dans ce qu'il a d'intime, une plongée dans le partage d'un moment vécu, dans
laquelle le regard est un support au texte, et le texte un support au regard.
Il m'a semblé important que les participantes viennent avec leurs habits de
tous les jours, sans préparation particulière, et surtout qu'elles utilisent
leurs propres mots, à la différence du projet crocodile qui est plutôt une
reconstruction et qui par ailleurs ne traite pas spécifiquement du harcèlement
de rue.
Pourquoi avoir crée une version française
et anglaise ?
L'image est un medium universel, je
trouvais dommage que le texte en limite la portée. Les pays dans lesquels le
harcèlement de rue n'est pas toléré socialement sont une exception, pas la
norme. L'anglais est une bouteille à la mer.
Pourquoi parle-t-on davantage de cette
thématique ces derniers temps ?
En quoi les réseaux sociaux ont-ils
changé la perception du harcèlement de rue d’après toi?
J'ai l'impression qu'il y a eu plusieurs
étapes, à commencer par le documentaire de Sofie Peeters, qui a entrainé une
libération de la parole, y compris chez des femmes qui ne sont pas des
militantes. Plusieurs nouveaux projets d'action et d'information ont vu le jour
ces derniers mois et ont fait boule de neige.
Les réseaux sociaux ont aussi joué un
grand rôle à la fois par leur capacité de diffusion et surtout par leur
capacité à combattre l'isolement. Prendre conscience du fait qu'on n'est pas la
seule à le vivre, qu'on peut témoigner, échanger, qu'il existe des analyses
politiques et qu'il est possible de se
battre est extrêmement jouissif et libérateur.
Comment peut-on t’aider concrètement pour
faire avancer ce projet ? Souhaites-tu récolter de nouveaux
témoignages ? Comment souhaiterais-tu le faire évoluer dans le
futur ?
La phase de récolte de témoignage et de
prises de vue s'est faite en amont - j'avais lancé un appel il y a quelques
mois. On pourrait continuer presque à l'infini, puisque ce ne sont hélas pas
les témoignages qui manquent, mais la quantité n'est pas forcément ce qui prime
dans ce projet.
En revanche, vous pouvez aider en
relayant, surtout en direction d'autres pays où ce genre de démarche existe
peut-être moins. Aider ces images à continuer leur chemin par elles-mêmes, pour
arriver jusqu'à des gens n'en auraient pas entendu parler autrement, et
peut-être semer quelques graines.
Pour en savoir plus:
oui les bads boys de Marseille sont dans les rues!on te vois sans que tu les voient au détour d'une rue ils sont là !! ils t'attende belsunce reprézente !! la nuit dans l'obscurité les rues sont a nous!! tu as eu tord de venir chez nous toi le petit bourgeois ici on découpe a la machette !! Mars sauvage ! dobro lino
RépondreSupprimerEncore un commentaire intelligent et instructif, qui prouve à quel point Mme Lancel a eu raison de faire ce projet.
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