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jeudi 17 octobre 2013

#Tweet2Rue : quand Twitter confisque la parole des SDF



L’année dernière, j’avais épinglé ici 2 opérations racoleuses utilisant des SDF pour faire le buzz : la première équipait des sans-abris pour devenir des bornes wifi ambulantes, la seconde se servait d’eux comme hommes sandwichs pour vanter les mérites de l’agence Ogilvy.

Aujourd’hui, je découvre grâce à Twitter une opération mettant de nouveau en scène des SDF intitulée « Tweet2Rue ». En voici le principe, tel que décrit sur France Inter : « C'est aujourd'hui la journée mondiale du refus de la misère. A cette occasion, la Fondation Abbé Pierre lance l'opération "Tweets 2 rue" en partenariat avec France Inter.

Jusqu’au 15 mars, des personnes en grande précarité, équipés d'un téléphone portable et d'une connexion Internet vont partager leur quotidien sur le réseau social Twitter. Et leurs messages seront repris sur l'antenne de France Inter.

Ils sont cinq à se lancer dans cette aventure inédite. Des sans abris, des exclus qui, pour la plupart, ont déjà passé de longues années dans la rue, à Paris, Metz et Bourges. Pendant cinq mois, ils seront accompagnés par des journalistes de France Inter. Patricia Martin, Claire Servajean, Guillaume Erner, Eric Valmir et Thomas Legrand se feront l'écho de ces tweets de rue.

L'objectif est simple: il s'agit de recréer un peu de lien social. Et surtout de donner la parole à ceux que l’on n’entend presque jamais… ».

Une initiative plutôt originale et qui, cette fois-ci, ne sert pas à vendre un produit mais soutenir La Fondation Abbé Pierre. En utilisant Twitter, cette opération permet à la fois de donner la parole aux sans-abri et de toucher une cible différente.

Pourtant, jugée à tort racoleuse, elle a très vite été mal comprise alors que l’idée n’est pas ici «  de faire le buzz » pour vendre un produit mais sensibiliser à une cause. 






Comment juger une opération « honteuse » sans parler à la place des sans-abris ? Est-ce vraiment la vision des intéressés ? 

D’ailleurs, certains ne se gênent pas pour traiter les 5 twittos de « manipulés », comme s’ils n’avaient pas leur libre arbitre (tout en insinuant qu’à leur place, ils auraient revendu les téléphones). 



D’autres en profitent pour déverser leurs blagues grasses.





Certains estiment que les associations feraient mieux de trouver un logement plutôt que d’offrir des Iphones (il n’a d’ailleurs jamais été spécifié qu’il s’agissait d’Iphones). 


Cette rhétorique me fait penser à cette phrase que l’on m’oppose dès que je parle de publicité sexiste ou  de tout autre sujet féministe jugé non prioritaire « Vous feriez mieux de parler des femmes afghanes/du viol/des femmes battues ». Un grand classique du militantisme. Comme si il était incompatible de proposer des téléphones à des SDF tout en essayant de leur trouver des logements convenables. Comme s’il était incompatible de dénoncer des publicités sexistes tout en soutenant les victimes du viol.

C’est également oublier qu’un téléphone n’est pas un gadget réservé aux nantis mais une aide extrêmement utile aux sans abri : il leur permet de chercher un emploi, trouver un endroit où dormir, d’être en contact avec les services sociaux.

Entre indignation sélective et blagues de mauvais goût, force est de constater que la parole des SDF a littéralement été confisquée, noyée parmi les tweets contestataires ou pseudo-humoristiques. Il fallait se donner la peine d’aller sur leur profil pour pouvoir lire leur prose et découvrir leur quotidien.

On me répondra que le but de tout opération de comm’ « faire parler de soi, en mal ou en bien » a été ici atteint. En effet. Cependant, le manque de préparation et une certaine méconnaissance des spécificités de Twitter ont conduit ici à la confiscation de la parole des SDF, qui était le but initial de l’opération. Ce qui est bien dommage.

Un véritable hold-up en bande organisée mené de main de maître par les indignés à la petite semaine. Etrangement,  on ne les a pas beaucoup entendus au sujet de cette information pour le moins révoltante : hier un SDF a été battu et brûlé en plein centre ville. 

Vous avez dit indignation sélective ?

Pour suivre les sans-abris sur Twitter :
Nicolas : @nickopompons, 36 ans, 10 ans de rue à Bourges
Sébastien : @DjamaikaPtiseb, 33 ans, 10 ans de rue à Bourges
Ryan : @usher226, 24 ans, 4 mois de rue à Metz
Patrick : @kanter57640, 47 ans, 3 ans de rue à Metz
et @Tweets2Rue











2 commentaires:

  1. Je trouve les tweets "humoristiques" extrêmement choquants. C'est insultant et blessant pour le SDF qui va cliquer sur le hashtag que de se retrouver moqué de cette manière.
    Et effectivement, ceux qui parlent de "malaise" sont totalement à côté de la plaque : leur malaise c'est de se retrouver nez à nez avec le quotidien des SDF, pas leur supposée manipulation...

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    1. Bien dit, Morgane. Les gens s'insurgent, mais sont les premiers à détourner le regard lorsqu'ils croisent un SDF... C'est vrai, quoi, ça pourrait être contagieux, le malheur !

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