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vendredi 22 février 2013

Jeu d'écriture



Voici la consigne du jour : écrire un texte à partir de cette photo en 20 mns chrono.

Comme d'habitude, vous pouvez participer dans les commentaires.


Crédit : undergroundmess

Voici mon texte ci-dessous (à ne pas lire si vous souhaitez participer!)

Ca ne se voit pas au premier coup d’œil mais je ne suis plus tout jeune vous savez. Ses parents m’ont acheté il y a une vingtaine d’années sans se douter que tant de filles poseraient leur séant gracieux sur mes ressorts accueillants. Dunlopillo frisson, tel est mon nom, tout un programme. J’ai connu les nuits solitaires de mon propriétaire, ses premiers émois, ses premières déceptions. J’ai vu se succéder des blondes squelettiques, des brunes exubérantes, des rousses bavardes. Des timides, des intellectuelles, des inhibées, des artistes. Beaucoup d’artistes, sans doute attirées par la tenture indienne façon woodstock au-dessus de ma tête.
La brune, ça fait plusieurs fois qu’elle vient, ça à l’air d’être sérieux. Ils parlent beaucoup, se taisent parfois longtemps, se tiennent dans les bras mais ça en reste là. Une première pour mon propriétaire qui, habituellement, saute sur tout ce qui bouge, mes ressorts en gardent d’ailleurs de douloureux souvenirs. A vue d’œil je dirais 55 kgs, heureusement pour moi, elle ne déformera pas ma carcasse qui a déjà bien vécu.
Il ne me demandera pas mon avis mais je l’aime déjà beaucoup. Elle me touche avec sa culotte du dimanche, à la fois innocente et un peu surannée, et qui ressemble aux bonnets de bain fleuris en caoutchouc des mamies. Son soutien-gorge virginal et désassorti, qui montre avec désinvolture et naturel que tout cela n’est pas calculé. Ca change des autres, celles qui voulaient tout maitriser, du moindre poil parfaitement épilé à la lingerie symétriquement coordonnée.
J’entends son souffle calmement battre la mesure, puis ralentir, son corps s’enfoncer progressivement dans mes entrailles. Mon propriétaire n’ose pas bouger, de peur de la réveiller et la regarde amoureusement sombrer dans le sommeil. Ca ne sera encore pas pour ce soir.

dimanche 17 février 2013

Quand la Comédie Française fait dans le sexisme beauf avec l'argent du contribuable

 


Parfois, j’apprécie de poser mes lunettes de blogueuse féministe pour profiter des moments simples sans tout analyser ou disséquer. C’est justement ce que je pensais faire cette après-midi en allant au cinéma avec les enfants voir « Hôtel Transilvanya ».

Manque de bol, je suis tombée, juste avant le dessin animé, sur une publicité qui m’a fait bondir de mon siège tellement elle transpirait le sexisme et le mauvais goût.

Pour une fois, et c’est sans doute le plus grave, elle n’émanait pas d’une marque de bière ou de déodorant mais de l’illustre Comédie Française. Celle-ci vient en effet de rouvrir après un an de travaux et a choisi de communiquer autour des nouvelles qualités acoustiques de la salle. Décidée à marquer le coup, elle a donc fait appel au célèbre Etienne Chatiliez pour signer le spot (vous pouvez le voir ici)

Le réalisateur a choisi de mettre en scène la directrice des lieux, Muriel Mayette, première femme à occuper cette fonction au sein de ce lieu mythique. Bonne initiative, ai-je immédiatement pensé en la voyant arriver à l’écran alors que son titre s’affichait en surimpression. Mon enthousiasme a été rapidement douché quand j’ai réalisé que la directrice, juchée sur talons et dotée d’un vertigineux décolleté, allait être assignée au ménage.



Pendant les quelques secondes du spot, on la voit ainsi passer l’aspirateur, faire la poussière des sièges et astiquer les lustres (ce qui nous donne l’occasion de profiter de son généreux décolleté par la même occasion). A la fin de la publicité, satisfaite du travail accompli, elle lance un « et voilà » un peu niais, puis semble étonnée de l’acoustique de la salle. Elle repart ensuite son matériel sous le bras.


Bien entendu, on va me dire que c’est de l’humooour et que je ne suis qu’une féministe frustrée. Mais est-ce que ce spot aurait existé si le directeur était un homme ? Absolument pas. Ici, sous couvert d’humour et de décalage, on remet symboliquement à sa place la directrice en lui assignant une tâche peu noble habituellement dévolue aux femmes, le ménage. Imaginons que la directrice eut été portugaise et qu’on lui ait fait faire le ménage, toujours sous prétexte d’humour (car nombre de femmes de ménage sont portugaises). Auriez-vous trouvé ça drôle ? Sans doute pas, vous auriez, à juste titre, trouvé cela raciste. Alors pourquoi accepter le sexisme?

Muriel Mayette, je m’adresse à vous aujourd’hui : comment avez-vous pu accepter de tourner un spot pareil, dans lequel vous êtes tour à tour réduite à une femme objet et à une femme de ménage ? En tant que première administratrice d’un lieu mythique, vous avez un devoir d’exemplarité, une valeur d’exemple. Cette publicité est une insulte à l’égard de toutes les femmes et de leur réussite, quelle qu’elle soit. Dans une interview à l’Express, vous affirmez « le fait que je sois une femme n’a rien changé ici » alors que vous prouvez exactement le contraire à travers ce spot.

Quant à Etienne Chatiliez, on l’a connu plus inspiré : on touche ici au degré zéro de la créativité. Je n’ose pas imaginer combien a coûté cette vaste blague, bien évidemment financée par l’argent du contribuable.

 Le pire, c’est que cette publicité était diffusée juste avant un dessin animé alors que le public enfantin n’est pas encore outillé pour comprendre le second degré et le décalage. Ils n’auront retenu qu’une chose : une directrice fait aussi le ménage. Et ça n’a rien d’anodin.

vendredi 15 février 2013

Cerise


Pas de jeu d'écriture aujourd'hui, je n'ai pas eu le temps de m'en occuper. Il faut dire qu'en plus de mon boulot de rédactrice, de mon blog et du blog collectif d'écriture que j'anime, je me suis inscrite à un atelier d'écriture en ligne avec mes comparses Isabelle et Dom. Je n'ai donc pas pu trouver un peu de temps pour créer un jeu et y participer. En revanche, je vous propose de lire un texte que j'ai crée dans le cadre de cet atelier d'écriture en ligne. Je n'ai pas le droit de vous donner la consigne mais si ça vous inspire, libre à vous d'écrire un texte à partir du mien. Bonne lecture!

"Cerise attend son train dans une obscure gare de banlieue. Ses pieds dépassent un peu du bord du quai, moitié dans le vide, moitié sur la terre ferme. Elle les regarde sans vraiment les voir, les yeux dans le vague. Des chaussures informes, molles mais confortables, qui se laissent un peu aller. A l’image de sa vie.


Comme elle avait changé en un an seulement. Elle se revoit encore le premier jour de son nouveau boulot, ses escarpins carmins aux pieds, le rose aux joues et le cœur vaillant.  « C’est une provocation des chaussures pareilles » avait-il lancé. Elle ne savait si elle devait en rire ou en pleurer. Dans le doute, elle les avait rangées.

Son N+1. Ca lui faisait moins mal de l’appeler comme ça plutôt que par son prénom, ça mettait une distance chirurgicale et salutaire entre eux. Elle ne sait pas quand est ce que tout ça a basculé. Le jour où on lui a annoncé que ses 2 autres collègues étaient licenciés ? Quand on lui a progressivement retiré ses dossiers ? Elle ne s’en souvient plus, son cœur et son esprit, fatigués par tant de montagnes russes émotionnelles ont déclaré forfait.

Depuis, les jours ont filé, cotonneux, entre une indifférence insupportable et une proximité désarmante. Certains matins, elle avait des hauts le cœur et une boule dans la gorge rien qu’en sentant son after-shave bon marché en entrant dans le bureau. Les tempes qui cognaient et les dents serrées en devinant sa respiration derrière elle. Mais elle chassait alors tout cela d’un revers de la main, comme on éloignerait une mouche trop collante.

Il y a des signes qui auraient dû l’alerter pourtant. Son nez qui s’était mis à saigner, inopinément. Comme si son animalité avait pris le dessus et que son corps parlait à sa place. Mais même à cela elle s’y était faite et finissait presque par être fascinée par ce flot d’énergie vitale qui jaillissait d’elle. Elle était donc vivante.

Parfois, assise sur les toilettes, elle observait pendant de longues minutes ces taches grenat éparses sur un mouchoir en papier, comme on tenterait d’analyser un énigmatique test de Rorschach. En se relevant, elle croisait alors sa silhouette fantôme dans le miroir, flottant dans des vêtements trop amples.

Elle n’avait plus rien à voir avec la Cerise des débuts, ce fruit charnu et écarlate qui sent bon le printemps et les lendemains qui chantent. Desséchée, délavée, comme tabassée de l’intérieur, elle ressemblait plutôt  à une figue flétrie, soldée sur l’étal d’un primeur.

Sur le quai, les pieds à moitié dans le vide, elle ferme les yeux. Même l’intérieur de ses paupières est vermeil, comme si son corps tout entier lui envoyait un message. Tu es vivante.

« Attention Madame, ne vous penchez pas trop ». Une petite fille habillée de pied en cap comme le chaperon monochrome, l’observe, un panier à la main. Elle lui fait un signe de la main pour lui demander de reculer.

Une seconde après, le train arrive alors en trombe, dans un larsen tonitruant de rails qui crissent.

Dans le reflet de la vitre,  elle aperçoit le visage d’une autre Cerise, qui l’a échappé belle.
Mais plus aucune trace du petit Chaperon.

Il va falloir combattre ses mauvais démons seule désormais."




jeudi 14 février 2013

La "chick lit" est-elle à jeter à la poubelle?




Hier, l’auteur du blog « caracteresep », m’a demandé mon avis au sujet de la « chick lit » (littéralement « lecture de poulette »), ce genre littéraire écrit par des femmes pour des femmes. Les parfaits représentants de cette tendance née aux Etats-Unis sont « Le diable s’habille en Prada » ou encore « Le journal de Bridget Jones ».

En me promenant à la Fnac dernièrement, j’ai pu constater l’importance du phénomène, un rayon entier lui étant consacré. Les couvertures, comme les intrigues, sont un concentré de stéréotypes : des talons hauts, des rouges à lèvres et des héroïnes dont le but ultime dans la vie est de rencontrer un mari riche, entre 2 séances de shopping.

Cependant, j’ai beaucoup plus de mal à critiquer ce genre littéraire plutôt qu’une publicité sexiste. La première raison, c’est que je n’en ai pas lu un seul. La deuxième, c’est que je suis très mal à l’aise avec l’élitisme intellectuel qui balance d’un revers de main dédaigneux Levy, Musso et la chick lit dans la grande poubelle de la littérature. En tant que fille de libraire, je me dis que lire un livre, quel qu’il soit, c’est déjà une bonne chose en soi. Naïvement, j’imagine que ce genre d’ouvrages accessibles redonnera peut être à certains le goût de la lecture et leur mettra le pied à l’étrier vers d’autres genres. Je ne jugerai donc ni n’accablerai les lecteurs, d’ailleurs qui suis-je pour m’ériger en grande prêtresse du bon goût littéraire ?

En revanche, je suis plus critique à l’égard des éditeurs, qui, attirés par le profit que représente cette audience féminine, manquent cruellement d’imagination. C’est tristement flagrant dans le monde de la bande-dessinée : pour une Pénélope Bagieu, combien de sous-illustratrices, plus ou moins douées ? Combien d’ouvrages débordant de fifilles en Louboutins bouffeuses de macaron ? La « BD girly » a désormais envahi les rayons et les éditeurs se frottent les mains quitte à faire fi de l’exigence de qualité dont ils devraient être garants. Et à laisser de côté des projets moins rose bonbons mais pourtant intéressants.


Tanxxx, auteure de bande dessinée, l’explique très bien sur son blog dans ce billet de 2011 mais toujours d’actualité : « Je suis furieuse de voir tous les jours, TOUS LES JOURS, une nouvelle nana qui gribouille sortir un bouquin. Un livre : un éditeur, un maquettiste, avec un peu de chance un correcteur, avec beaucoup un chef de fab, du papier, de l’encre, un imprimeur, un distributeur, un libraire, un client, tout ça pour un machin strictement dénué d’intérêt. Ho bien sûr, si ce genre de truc permet d’éditer à  côté des bouquins ambitieux, plein d’invention, beaux, intéressants, drôles, fins, OK, pas de problème ! Mais non. Non. On cherche encore la nouvelle Margaux Motin à  publier, on en a rien à  foutre des bouquins. Strictement rien à  foutre. On est là  pour vendre un produit bas de gamme à  des clients bas de gamme. Toujours, toujours, ad nauseam. et de vrais auteurs crèvent la dalle à  côté, crèvent de faire des trucs intéressants, parce que c’est “pas assez linéaires”, ou “pas assez joyeux”, ou “trop tordu”, ou que sais-je encore ».


Cette « girlysation » de l’édition est assez symptomatique : il y a 2 semaines, une réédition anniversaire de « The bell jar » (« La cloche de la détresse ») a elle aussi fait les frais de cette ripolinisation rose bonbon. L’ouvrage n’a pourtant rien de « Sex and the city », entre troubles mentaux et tentatives de suicide, avec, en fond l’Amérique des années 50. L’éditeur américain a néanmoins jugé bon de relooker la couverture façon chick lit sans doute pour attirer de nouvelles lectrices : on peut y voir une jeune femme aux ongles rouges et à la bouche écarlate se repoudrer le nez, très loin de la couverture d’origine. Et surtout du contenu du livre. Les réactions n’ont pas tardé à pleuvoir sur Twitter : « Hideux » « Une insulte envers toutes les femmes » «  Mon Dieu. Comment est ce qu’ils ont pu faire ça ? Est ce qu’au moins ils l’ont lu ? » .

Le site Jezebel est tout aussi cinglant « Si Sylvia Plath ne s'était pas déjà tuée, elle l’aurait probablement fait si elle avait vu la nouvelle couverture de son seul roman. Pour un livre traitant de la dépression clinique d'une femme, exacerbée par les stéréotypes de genre auxquels on lui demande d’adhérer et ses choix de vie limités en tant que femme, il est stupide de représenter une pin-up prétendue rétro en train de se maquiller ».


Cette « girlysation » de l’édition s’étend désormais à tous les domaines, même les super-héroïnes en font les frais ! Marvel vient ainsi de sortir « Le journal de She-Hulk », façon chick lit! L’éditrice affirme «qu’il est temps d’explorer ce qui arrive aux super-héroïnes quand on les transpose dans des romans féminins traditionnels ». Ce qui donne des récits pour le moins surréalistes : « She-Hulk grimpe les échelons professionnels le jour, combat les méchants et sauve le monde la nuit, tout en cherchant l’homme idéal qui ne se formalisera d’une petite amie très grande et verte ». Même les super-héroïnes sont soumises à des injonctions irréalisables !

Que de défis pèsent sur les frêles épaules de nos super-héroïnes de chick lit (et indirectement de leurs lectrices) : sauver le monde, gravir les échelons professionnels, se marier…et rester mince. Une récente étude a en effet démontré que la chick lit pouvait déformer l’image de soi et créer des complexes. Les chercheurs de Virginia Tech ont mis en évidence que la lecture de livres où l'héroïne se préoccupe constamment de son poids avait des incidences sur l’estime de soi. Ils se sont basés sur « Something borrowed » d'Emily Griffin, et « Dreaming in black and white » de Laura Jensen Walker, pour arriver à leur conclusion dans leur étude intitulée "Ce livre me rend-il grosse ?" 

La chick-lit est-elle donc à jeter à la poubelle ?  Dans une interview, Kathy Lette, auto-proclamée inventeuse de ce genre littéraire, estime que les éditeurs vendent tout, n’importe quoi et n’importe comment sous l’étiquette chick-lit. « Ces dernières années, le marché a été inondé par des romans de seconde catégorie, où des héroïnes en Wonderbras se contentent d’attendre désespérément leur chevalier en costume trois-pièces Armani ».

Mais les lectrices ne semblent pas dupes : selon « The Bookseller », la chik lit a connu au Royaume Unis une baisse notable des ventes de 10% en moyenne, avec des chutes vertigineuses pour certaines auteures (entre -40 et -70%). 

Et si on faisait confiance aux lectrices pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie?