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lundi 16 avril 2012

Quand Ogilvy transforme les SDF en homme-sandwichs (ou comment faire du neuf avec du vieux)

Les SDF seraient-ils devenus la façon la plus rentable de faire du buzz à bas prix ?
En mars dernier, une agence de communication britannique avait fait grand bruit en équipant des sans-abris de bornes wifi lors d’un festival. Repartis dans la ville pour donner un accès au réseau internet 4G aux participants, ces volontaires étaient identifiables grâce à leur t-shirt ("Je suis Clarence, borne 4G") et localisables sur Google maps. Chacun pouvait donc avoir accès à une connexion d’excellente qualité pour un prix dérisoire et l’ensemble des profits était reversé aux "SDF-antenne". Pour Bartle Bogle Hegarty, il s’agissait simplement de moderniser le concept du SDF vendeur de journaux rédigés par les sans-abris:
« Combien de fois voit-on quelqu’un acheter un journal, pour finalement le laisser au sans-abri? (…) Pourtant, le modèle n’est pas cassé en soi. C’est seulement le produit qui est archaïque », pouvait-on lire sur le blog de l’agence. Une opération qui a suscité de nombreuses réactions négatives. John Bird, co-fondateur de The Big issue, publication d’origine britannique rédigée par des journalistes professionnels mais vendue par des sans abris, a ainsi déclaré à la BBC:
« Si tout ce que Bartle Bogle Hegarty fait est de transformer ces personnes en antenne en leur demandant de rester immobile, alors ils sont simplement en train de traiter les sans-abri de la même manière que les Victoriens l’ont fait quand ils leur ont demandé de tenir des affiches. »
Mais après les SDF utilisés comme vulgaire objets de consommation, l’agence Ogilvy va encore plus loin en les utilisant comme panneau publicitaire.
Dans une vidéo trouvée ce jour sur Twitter, l’agence s’achète une bonne conscience à peu de frais sur le dos des SDF : le spot commence par de jolies images de Paris suivies par un portrait d’un SDF déclarant « les rêves, j’en ai plus, les rêves je laisse ça aux autres ». La voix off explique ensuite que certaines agences aident les associations de SDF mais qu’aucune d’entre elles ne les aide directement. Mais ça, c’était avant Ogilvy : « we are proud to announce 18 new clients ». Les 18 « clients en question » sont 18 SDF dont les visages défilent façon mosaïque. Changement de décor et de musique, on quitte les violons pour une ambiance plus rythmée : gros plan sur les créatifs de l’agence qui jouent du stylo et manipulent des bouts de carton pour pondre des affiches originales pour leurs nouveaux amis SDF. Et les résultats ne se font pas attendre : les pièces tombent à gogo et les sans-abris ont retrouvé le sourire. Conclusion « sans dépenser un euro, nous avons permis à Michel de s’acheter une part de pizza, à Bernard de s’offrir un café, à Robert de se doucher » (et à l’agence de s’offrir un bon coup de buzz). Les SDF sont retournés à la rue mais ils auront eu une belle leçon de marketing, qui nourrit l’esprit, à défaut de remplir le ventre.
Les créatifs d’Ogilvy, quant à eux, ont retrouvé leur bureau, l’esprit apaisé et le cœur léger.
Comble du cynisme…
On va me répondre que les agences ne sont pas des philanthropes et que l’initiative est intéressante car elle est créative. Créative vraiment ? L’année dernière, une vidéo développée par l’agence Purple Feather intitulée « power of words » reprenait la même thématique : une jeune femme change la pancarte d’un aveugle qui n’arrive pas à récolter un euro et écrit « C’est le printemps et je ne le verrai jamais ». Succès assuré pour le sans-abri : les pièces pleuvent. La vidéo a été vue plus de 13 800 000 fois ! Sauf que cette vidéo était elle-même la copie d’un court métrage espagnol primé à Cannes en 2008 « The Story of a sign » ! Scénario identique à part le sexe de la personne qui change la pancarte.
Plus récemment, un groupe de créatifs espagnols a développé un projet intitulé « dreaming the same ». Le concept : réecrire les pancartes des SDF afin d’attirer l’attention du public.
En faisant quelques recherches, j’ai trouvé que l’histoire du SDF et de la pancarte était initialement une histoire racontée par David Ogilvy, fondateur de l’agence du même nom…celle-là même qui la récupère aujourd’hui pour faire le buzz en suivant à la lettre les préceptes de son créateur « Si vous avez la chance d'écrire une bonne annonce, répétez-la jusqu’à ce qu'elle cesse de vendre ». Dont acte.

4 commentaires:

  1. J'ajouterais simplement un court métrage nominé aux Césars et Oscars traitant exactement du même sujet. Comme quoi, les SDF sont une sources d'inspiration ( et financière ) pour beaucoup.
    Joli article au passage :)

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    1. Merci!:-) Vous avez tout à fait raison, on m'a parlé de ce court-métrage une fois que j'avais écrit l'article, un de plus à rajouter à cette liste!

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  2. ça leur donne bonne conscience ou plutôt, ça leur permet de justifier l'injustifiable.
    Exploitation de l'humain pour un profit maximum avec une maigre contrepartie...C'est pas très loin de l'esclavage ça non? En tout cas, c'est abject.
    Merci pour cet article. Il est nécessaire!

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