> Composition : 50% miel 50% raifort

jeudi 13 octobre 2011

Composition : 50% miel 50% raifort




Je suis un pur produit de la diaspora : ashkénaze par mon père, originaire de Roumanie, et sépharade par ma mère, originaire d’Algérie. Ce melting pot en dit beaucoup sur ma personnalité, construite sur 2 fondations antinomiques : le chaud et le froid, la légèreté et la gravité, l’extraversion et la retenue, le miel et le raifort. Quand je me remémore mon enfance auprès de mes grands-parents, c’est en premier lieu les odeurs et les goûts qui emplissent mon esprit.




Du côté maternel, je revois ma grand-mère penchée sur d’énormes marmites d’où s’évadaient de succulents fumets de coriandre, la pantagruélique table dressée impeccablement, les mets à profusion. Sa générosité s’exprimait de cette façon, en offrant à celui qui passe le couvert, en remplissant ses aimés de ce qu’elle avait patiemment concocté. Elle me disait souvent en pinçant mes joues « il faut que tu me grossisses » et avait pour cela des arguments imparables, dont de délicieux cigares aux amandes qui fleuraient bon la fleur d’oranger.




Du côté paternel, la cuisine était le reflet de l’histoire familiale. Ma grand-mère avait perdu les ¾ de sa famille dans les camps en même temps que son insouciance et sa légèreté. On retrouvait ces contradictions dans ses plats, mélange de réminiscence de souvenirs culinaires du passé et tentative de s’intégrer au moule français en oubliant ses racines. Ma petite Mamé conjuguait avec talent tarama, foie haché et Hamantaschen avec les classiques œuf mayonnaise, blanquette de veau et clafoutis. Contrairement à ma grand-mère maternelle, elle craignait le monde extérieur, échaudée par une histoire qui lui a fait perdre à tout jamais foi en la bonté humaine. Elle n’invitait jamais personne, à part mes parents, ma tante et ses enfants et quand je me traînais à 4 pattes, elle me disait de me relever car « ça fait venir les moussafirs ! », les invités en Roumain, d’après une vieille superstition.



J’ai pu goûter à de nombreuses reprises les saveurs orientales cuisinées par ma mère pour les fêtes, en revanche celles de ma grand-mère paternelle sont parties à tout jamais avec elle sans qu’elle ait pu me les transmettre.



C’est pour cela que quand Manuela nous a proposé, à Cécile et à moi-même, de nous donner un cours de cuisine ashkénaze, nous avons sauté sur l’occasion ! Le programme était ambitieux : Foie haché, Salade d'œufs, Rugelach, Salade de harengs, Strudel, Tarama, Tzemmetkuche. Nous avons un peu dépassé le timing imparti car nous sommes loin d’être des cordons bleus mais ça a été un réel moment de plaisir et de partage passé toutes les 3 ! Manuela a su se mettre à notre niveau, nous a appris des tours de main de pro avec une patience d’ange et nous a impressionnées par son savoir-faire ! C’était bien plus qu’un cours de cuisine : les mains dans le pétri, elle nous racontait l’histoire de chaque plat, la façon dont on le cuisinait dans sa famille, ses origines. J’ai retrouvé avec bonheur les saveurs et les fumets de mon enfance en préparant le strudel ou le foie haché et j’ai ravi mon père en apportant tous ces plats oubliés pour le soir de Kippour ! Grâce à Manuela, c’est un peu de l’histoire familiale qui retrouve vie et la transmission qui reprend ses droits. Beaucoup plus qu’un simple cours de cuisine !



Pour retrouver les recettes de Manuela : http://kitchenbazar.over-blog.com/
Pour la contacter pour des cours de cuisine : contact@kitchenbazar.fr
Informations pratiques : les cours ont lieu chez un des élèves volontaires pour accueillir 4 élèves maximum. Les prix sont transmis sur demande selon les menus choisis et le lieu du cours. Région Rhône-Alpes, Paris, PACA

4 commentaires:

  1. Y aurait-il eu une conquête de l'Algérie par les "Moussafirs" (je mets un M majuscule, car je trouve que ce terme est évocateur, pour moi, des envahisseurs d'Asie Centrale, un peu Cosaques, non?...)car enfant , me traînant sur les genoux, ton arrière grand-mère maternelle me houspillait de la même façon" Lève-toi, les invités vont venir!..."et nous étions à Alger...Félicitations pour cet article lucide et émouvant.Guinod

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  2. Je me reconnais pas mal dans cet article, ashké par mon père et élevée jusqu'à l'âge de 16 ans par des séfs! Ma grand mère n'est plus de ce monde mais je me souviens avec délice de ses strudels, matse gebra, boulettes etc... Le foie haché par contre, jamais aimé, le hareng non plus ! j'ai un ou deux livres de cuisine yiddish, mon prochain défi est de faire les kreplers (je ne sais pas si tu connais, ceux de Finkelsztein rue des rosiers sont trop bons !)

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  3. Ah non je ne connais pas : c'est sucre ou sale ?

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  4. C'est salé ! un genre de ravioli à la viande hachée !

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