Pages

A propos

Une question? C'est dans la FAQ!

jeudi 20 octobre 2011

La solitude du coureur de fond (et du free-lance)

Ce matin, avant de faire ma prise de sang, j’ai été abordée dans la salle d’attente par une petite mamie très intriguée par mon Iphone « ah ben ça c’est drôle, y a pas de clavier ? » « Et comment vous faites pour téléphoner ? ». En temps normal, je me serais replongée dans mon bouquin ou j’aurais coupé court à la conversation mais pas cette fois-ci. Je me suis même lancée dans un mini-cours d’Iphone sous les regards mi- consternés mi- étonnés des autres patients! Désormais je ne peste plus contre les petits vieux qui attendent les heures de pointe pour faire leurs courses, je ne fuis plus ma concierge et ses histoires à rallonge et je donne même mon numéro de portable à ma voisine presque centenaire. Je suis en tel manque de lien social que j’en serais presque à ouvrir ma porte à un témoin de Jéhovah !

Il faut dire que la transition est brutale : passer de 15 ans de vie professionnelle ponctués d’open space, de cafés entre collègues, de coups de fils incessants, au quotidien quasi monacal du free-lance devant son PC n’est pas une mince affaire.

Pourtant, je ne me considère pas comme la sociabilité incarnée, loin de là : les discussions entre collègues au sujet de la dernière maladie du petit ou de la nouvelle voiture du mari m’ont toujours ennuyée profondément. J’ai détesté travailler en open-space non seulement à cause du volume sonore empêchant toute concentration au-delà de 5 minutes mais surtout à cause de la proximité forcée et intrusive qu’elle induisait. Vers la fin, je ne supportais plus le partage inter-collègues des humeurs et des miasmes, le manque d’intimité et surtout l’injustice criarde des jolis bureaux bien fermés qui ont fini par entourer notre enclos à bétail.

L’une des choses que j’ai profondément appréciée en quittant mon ancien job, c’était le calme. Poursuivre une tâche sans être interrompue par un appel, une discussion, un mail c’était inestimable. Puis progressivement, le silence s’est fait assourdissant. Ce que je percevais comme un luxe inimaginable s’est rapidement transformé en chape de plomb. Il y a même eu des journées où j’attendais avec impatience les cris et le désordre des enfants pour insuffler un peu de vie à ce quotidien trop calme.

Et puis, difficile de savoir ce que l’on vaut quand on est seule face à soi-même, compliqué de trouver la motivation quand on n’a personne au-dessus de soi pour exiger, planifier, valider.

Heureusement, la vie virtuelle est aussi là pour compenser ce manque d’échange : Il y a toujours quelqu’un sur Twitter ou sur Facebook pour m’encourager, m’aider à rebondir quand la motivation s’essouffle ou me réconforter quand la confiance en moi vacille.

Tous ces visages de proches ou d ‘inconnus forment une mosaïque bienveillante, une fenêtre sur le monde que je n’hésite pas à ouvrir d’un clic, un main tendue à laquelle je me raccroche en cas de doute. Ma toile, qui n’a de virtuel que le nom, je l’imagine tissée de ces milliers d’yeux et de doigts qui tapotent, chaleureuse et proche, enveloppante et réconfortante.

mardi 18 octobre 2011

La ligne éditoriale de ma vie


La première chose à laquelle j'ai pensée avant d’ouvrir ce blog était la ligne éditoriale. Pour pouvoir émerger, il fallait trouver un angle, une spécialité, un ton qui ferait la différence. Si on se penche sur les sites connus et reconnus, on a toujours affaire à des blogs dont la catégorie est facilement identifiable : blog de maman, blog beauté, blog bd, blog politique, blog high tech…

Mon problème, c’est que je n’arrive à m’enfermer dans aucune des catégories : je suis une mère ok mais une femme avant tout donc disserter à longueur de post sur ma descendance, même avec humour, ne me passionne pas. Je suis féministe mais pour autant je ne veux pas limiter mes écrits à cette thématique. Je suis passionnée d’internet mais pas au point d’axer ma ligne éditoriale sur ce sujet. Quant à la beauté, j’en ai mangé pendant 10 ans et j’ai vraiment envie de passer à autre chose.

L’autre problème, c’est que je ne suis spécialiste en rien. Je m’intéresse à de nombreux sujets, je papillonne, j’aime écrire sur tout et n’importe quoi mais sans vraiment trouver mon domaine de prédilection. Par peur de l’échec, je crois que je préfère être insaisissable, être là où on ne m’attend pas pour mieux en repartir, sur la pointe des pieds. Car se déclarer « expert » c’est se mettre en danger, être attendue au tournant, s’exposer. En cas d’erreur ou de raté, pas de possibilité de se cacher derrière le paravent de la polyvalence, de la non-spécialité. L’autre jour, à a piscine, j’ai réalisé que les moindres moments de mon existence transpiraient cette peur de l’échec et que les couloirs du bassin étaient en quelque sorte une métaphore de ma vie : je préférais m’ennuyer dans le bassin des nageurs lents plutôt que me mettre en danger dans celui des nageurs rapides. J’ai ainsi pesté durant des semaines contre ces postérieurs en maillots de bain moulants à quelques centimètres de mon visage sans trouver le courage de changer de couloir. Petit bras.

Il en est de même dans ma vie professionnelle et personnelle. Je pourrais écrire un guide sur l’orientation tant j’ai essayé de voies différentes : commerce international, DEUG d’allemand, concours de professeurs des écoles, 1ere année de langues étrangères appliquées… pour ensuite exercer des métiers très différents pour lesquels, je suis, à chaque fois repartie à zéro sans réellement trouver ma voie ou ma spécialité.

De même, ma vie sentimentale a longtemps été un ping pong entre des antipodes. Je suis ainsi passée d’un torturé à un extraverti, d’un intello à un superficiel, d’un coléreux à la main leste à un doux comme un agneau, d’un religieux à un antireligieux. Même ma ligne de cœur n’avait pas de ligne éditoriale !

Si ce blog s’appelle « Tout à l’ego, ma vie en vrac sans tri sélectif », c’est aussi une façon d’annoncer la couleur : mes écrits ne seront pas toujours cohérents, pointus, étayés mais je vous aurai prévenus ! Et si c’était ça ma ligne éditoriale finalement?

lundi 17 octobre 2011

L'ai-je bien descendu?




Avant on distribuait des bons points à l’école, désormais grâce à Luc Chatel, nos enfants auront le droit à de jolies étiquettes dès la maternelle : « RAS » (rien à signaler), « à risque » ou « à haut risque ». Alors que le projet suscite un tollé dans le milieu éducatif, essentiellement à cause de sa rhétorique militaire, peu de gens savent que ce type d’évaluation est déjà en place depuis 2008 dans le plus grand silence médiatique (voir mon article à ce sujet).



Depuis 3 ans, nos enfants sont testés et notés sur des items qui vont bien au-delà des connaissances théoriques puisque l’évaluation porte également sur le comportement. Et à ce sujet, on n’est pas si loin du projet qui avait fait polémique en 2005 et qui visait à détecter la graine de délinquance en maternelle)!: (L’élève) " agit de manière à respecter l’intégrité de toutes les personnes de son environnement […] ; il ne les agresse pas […], il a recours à la parole en cas de désaccord ou de conflit. Il attend son tour, ne bouscule pas pour passer avant les autres. Il porte attention aux enfants les plus vulnérables, adapte son comportement avec eux, sait les aider si c’est nécessaire ou demander de l’aide pour eux à un adulte. Il utilise spontanément les formules habituelles de salutations (bonjour, au revoir) ou de courtoisie ».



Plus étonnant, la confiance en soi et le contrôle des émotions sont également évalués ! "L’enfant peut se lancer dans une activité nouvelle sans appréhension majeure (il ne dit pas par avance qu’il n’y arrivera pas, qu’il ne saura pas ; il ne se réfugie pas dans l’inaction avec ou sans pleurs) [...]. Il ne questionne pas en permanence le maître (ou un autre adulte) pour se rassurer. Il sait exprimer ses émotions (plaisir, peur, joie…) par le langage et/ou par des comportements pondérés : il ne s’exprime pas par des débordements qui perturbent les autres et la classe (cris, agitation désordonnée, agressivité envers autrui ou envers soi même), il ne se replie pas sur lui-même comme bloqué par l’incapacité d’avancer et de parler de ce qui lui fait problème."



J’ai, pour ma part, pu expérimenter ce type d’évaluation dès la petite section de maternelle avec mon fils car les directives de l’éducation nationale encouragent les professeurs à les débuter dès la première année. Alors qu’à cet âge là, les différences de maturité sont parfois énormes d’un enfant à un autre, que beaucoup d’entre eux traînent encore une tétine et un doudou, on n’hésite pas à les soumettre à des batteries de tests impitoyables et parfois absurdes. Pour exemple, mon fils avait récolté lors de sa première évaluation un « C » en descente d’escalier (car oui, dans cette logique ubuesque, on note même la façon de descendre un escalier. A part pour devenir meneuse de revue, l’intérêt de la chose semble limité). En dépit d’un livret excellent (vous lisez bien, on parle bien de livret en petite section), mon fils n’avait évidemment retenu que cette note désastreuse et s’empressait de répondre « oui mais j’ai eu un « C » en descente d’escalier » dès que quelqu’un le félicitait à ce sujet. Pour le rassurer, j’ai fini par lui dire qu’il prendrait l’ascenseur quand il serait plus grand, comme sa mère.



En dernière année de maternelle, mon fils a de nouveau été évalué, avec cette fois-ci d’excellents résultats dans tous les domaines, même les plus sportifs. Cela n’a pas empêché sa maîtresse de l’inscrire à des cours de soutien. Etonnée, je suis allée la voir et celle-ci s’est empressée de me rassurer en me disant que tous les enfants de la classe y avaient droit d’office. Ces heures étaient dispensées par l’institutrice pendant le temps de la récréation car il n’y avait pas de personnel RASED dédié à cette tâche. Les enfants y faisaient des puzzles, des collages, des dessins, finalement rien qui ne soit vraiment en rapport avec les évaluations. Alors qu’on aurait pu penser que ces heures seraient consacrées à « corriger » les lacunes relevées de façon différenciée, il n’en était rien. Le dispositif est absurde jusqu’au bout.



En tombant par hasard sur un article dans le magazine « Causette » intitulé « Votre enfant est-il pervers ?» (2n degré je précise), je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un lien avec les évaluations du comportement des jeunes enfants. Pour ne pas être classés « à haut risque » ces derniers doivent, selon les directives de l’Education Nationale porter aide aux plus vulnérables, adapter leur comportement avec eux, en bref ressentir de l’empathie. Or, le psychiatre Boris Cyrulnik nous apprend dans cet article qu’avant 4 ans, un enfant découvre, joue sans réelle conscience de l’autre mais est incapable de compassion ou d’empathie. Ce laps de temps est un minimum nécessaire pour qu’il se décentre de lui-même et puisse se représenter le monde mental de l’autre, différent du sien, certes, mais tout aussi respectable. Quand on sait que dans certaines classes, des différences de plusieurs mois peuvent coexister entre les différents élèves et que tous n’ont pas un processus de maturité linéaire, il apparaît absurde de juger les enfants à l’aune de grilles de comportement formatées. Surtout quand les moyens destinés à corriger ces lacunes sont insuffisants voire inexistants.



Pied de nez du destin, mon fils ne peut s’empêcher de descendre les escaliers 4 à 4 tous les matins dans un fatras tonitruant. La plus belle preuve que ces évaluations sont des oracles menteurs.



jeudi 13 octobre 2011

Composition : 50% miel 50% raifort




Je suis un pur produit de la diaspora : ashkénaze par mon père, originaire de Roumanie, et sépharade par ma mère, originaire d’Algérie. Ce melting pot en dit beaucoup sur ma personnalité, construite sur 2 fondations antinomiques : le chaud et le froid, la légèreté et la gravité, l’extraversion et la retenue, le miel et le raifort. Quand je me remémore mon enfance auprès de mes grands-parents, c’est en premier lieu les odeurs et les goûts qui emplissent mon esprit.




Du côté maternel, je revois ma grand-mère penchée sur d’énormes marmites d’où s’évadaient de succulents fumets de coriandre, la pantagruélique table dressée impeccablement, les mets à profusion. Sa générosité s’exprimait de cette façon, en offrant à celui qui passe le couvert, en remplissant ses aimés de ce qu’elle avait patiemment concocté. Elle me disait souvent en pinçant mes joues « il faut que tu me grossisses » et avait pour cela des arguments imparables, dont de délicieux cigares aux amandes qui fleuraient bon la fleur d’oranger.




Du côté paternel, la cuisine était le reflet de l’histoire familiale. Ma grand-mère avait perdu les ¾ de sa famille dans les camps en même temps que son insouciance et sa légèreté. On retrouvait ces contradictions dans ses plats, mélange de réminiscence de souvenirs culinaires du passé et tentative de s’intégrer au moule français en oubliant ses racines. Ma petite Mamé conjuguait avec talent tarama, foie haché et Hamantaschen avec les classiques œuf mayonnaise, blanquette de veau et clafoutis. Contrairement à ma grand-mère maternelle, elle craignait le monde extérieur, échaudée par une histoire qui lui a fait perdre à tout jamais foi en la bonté humaine. Elle n’invitait jamais personne, à part mes parents, ma tante et ses enfants et quand je me traînais à 4 pattes, elle me disait de me relever car « ça fait venir les moussafirs ! », les invités en Roumain, d’après une vieille superstition.



J’ai pu goûter à de nombreuses reprises les saveurs orientales cuisinées par ma mère pour les fêtes, en revanche celles de ma grand-mère paternelle sont parties à tout jamais avec elle sans qu’elle ait pu me les transmettre.



C’est pour cela que quand Manuela nous a proposé, à Cécile et à moi-même, de nous donner un cours de cuisine ashkénaze, nous avons sauté sur l’occasion ! Le programme était ambitieux : Foie haché, Salade d'œufs, Rugelach, Salade de harengs, Strudel, Tarama, Tzemmetkuche. Nous avons un peu dépassé le timing imparti car nous sommes loin d’être des cordons bleus mais ça a été un réel moment de plaisir et de partage passé toutes les 3 ! Manuela a su se mettre à notre niveau, nous a appris des tours de main de pro avec une patience d’ange et nous a impressionnées par son savoir-faire ! C’était bien plus qu’un cours de cuisine : les mains dans le pétri, elle nous racontait l’histoire de chaque plat, la façon dont on le cuisinait dans sa famille, ses origines. J’ai retrouvé avec bonheur les saveurs et les fumets de mon enfance en préparant le strudel ou le foie haché et j’ai ravi mon père en apportant tous ces plats oubliés pour le soir de Kippour ! Grâce à Manuela, c’est un peu de l’histoire familiale qui retrouve vie et la transmission qui reprend ses droits. Beaucoup plus qu’un simple cours de cuisine !



Pour retrouver les recettes de Manuela : http://kitchenbazar.over-blog.com/
Pour la contacter pour des cours de cuisine : contact@kitchenbazar.fr
Informations pratiques : les cours ont lieu chez un des élèves volontaires pour accueillir 4 élèves maximum. Les prix sont transmis sur demande selon les menus choisis et le lieu du cours. Région Rhône-Alpes, Paris, PACA

mercredi 12 octobre 2011

"Les mères font des fils, les femmes font des hommes". Et les pères?






Pour beaucoup de mes congénères je suis une mère indigne : je n’ai pas allaité, je n’ai pas co-dodoté, j’ai souvent donné des petits pots à mes enfants, je me suis remise à travailler rapidement et la vision d’un bébé, loin de me faire fondre, me rappelle plutôt de ne pas oublier ma pilule.




Pourtant, il y a bien une chose à laquelle je n’échappe pas, c’est la culpabilité maternelle. Je la conjugue à tous les temps et sur tous les tons. Culpabilité de travailler alors que mes enfants étaient chez la nounou, culpabilité de m’être mise à mon compte et de devoir me retrouver devant mon ordi soir et week-end, culpabilité de m’ennuyer à mourir au jardin public, culpabilité de ne pas être à 100% avec mes enfants quand je joue avec eux, culpabilité de travailler de la maison et pourtant de les laisser à la cantine, culpabilité d’être trop laxiste quand, usée, je cède sur certains interdits, culpabilité d’être trop sévère quand, à bout de nerfs, je les punis pour une broutille…





Et l’air du temps n’est pas vraiment du côté des mères. Quand ma fille avait 2 ans (les « terrible two » comme les surnomment avec beaucoup de justesse les anglo-saxons), elle avait la fâcheuse habitude de se jeter par terre au milieu de la rue, à la caisse du supermarché ou encore de se mettre à hurler en tapant rageusement des pieds, de préférence dans un lieu public. Quand j’essayais de riposter par la douceur ou l’ignorance, j’avais le droit aux regards courroucés des bien-pensantes (« ouh la mère laxiste, de mon temps, on savait les tenir nos gosses »), quand je sévissais en haussant le ton j’avais cette fois-ci droit aux regards emplis de reproches (« ouh la mère tyran, faut pas faire de gosses si on n’est pas capable de garder son sang-froid »). Bref, pour les mères, faire des enfants c’est jouer à « qui perd perd ». Mon mari en revanche, a toujours suscité l’admiration des petites mamies au jardin quoi qu’il fasse : une petite fille qui mène son père par le bout du nez c’est attendrissant.



C’est pourquoi j’ai bondi en tombant sur cet article de Maryse Vaillant, « psychologue clinicienne ». Dans le genre théorie réac à tendance néo-sexiste on connaissait déjà Aldo Naouri. Pour exemple, dans son dernier opus, celui-ci n’hésitait pas à rendre les femmes responsables de la débâcle de la famille moderne. Leurs torts ? Prendre le pouvoir sur les pères « porte-sperme réduit au statut de colifichet » avec l’assentiment de la société « « Nos sociétés occidentales ont retiré leur soutien à l'instance paternelle pour voir le patriarcat annihilé avec l'installation d'une forme de matriarcat dégoulinant d'amour qui a obéré plus qu'on ne l'imagine la maturation des enfants. »



Maryse Vaillant reprend brillamment le flambeau en accablant les mères dès le titre de son article : « Les mères font des fils, les femmes font des hommes ».
Et les pères, ils font quoi ? Réponse de l’auteure : « A partir des années 70 (…) les pères étaient totalement pris par leur travail (aujourd'hui, avec la crise, ils le sont encore plus) ». Au moins la question est réglée et la responsabilité paternelle évincée. D’après Maryse Vaillant, les mères sont responsables du syndrome du « bon garçon relevé chez les hommes aujourd’hui » (jamais entendu pour ma part cette expression auparavant). Comme elles les transforment en « hommes de la maison » et les placent de facto en position de puissance phallique, elles en font « soit des machos, soit des falots » (nouvelle partie de « qui perd perd »). Autant l’expression « macho » est compréhensible pour tout le monde, autant l’adjectif « falot » est plus tendancieux. Pour l’auteure, il s’agit d’un « gentil garçon très tendre », ce qui semble être l’antinomie de la virilité fleurant bon la testostérone, une sorte de maladie honteuse qu’il convient de soigner au plus vite. Le traitement ? « Le corps à corps avec d'autres hommes dont ils ont tant besoin: la pratique du rugby par exemple est selon moi hautement formatrice en matière de masculinité. Vous imaginez le drame si votre enfant vous demande de l’inscrire à un cours de danse ?



Maryse Vaillant prodigue également de précieux conseils à Madame pour la sauvegarde de son couple « encourager son conjoint à réaliser les rêves de son adolescence par exemple: faire de l'escalade, se remettre au foot… » « Éviter comme des mères intrusives, de leur demander sans cesse des comptes ». Non, vous ne rêvez pas, nous sommes bien en 2011 !



Quand je regarde les chiffres issus d’une étude de l’OCDE comptabilisant le temps passé avec les enfants je suis dubitative : 1h40 par jour pour les mères contre 42 minutes pour les pères.



En ce qui me concerne, je ne suis pas vraiment sûre que la priorité soit d’envoyer nos maris jouer au foot…

mardi 11 octobre 2011

La jupe, un accessoire de mode pas comme les autres!


(Pas trop le temps de bloguer ces derniers jours alors je recycle!Voici l'article qui m'a permis de gagner le concours d'écriture l'année dernière sur l'e-magazine Suite 101!)

La jupe, c’est loin de n’être qu’une histoire de chiffons. Au fil des siècles, elle a été tout à tour symbole de soumission et de libération féminine. Aujourd’hui, les jeunes femmes des cités et d’ailleurs la brandissent comme l’étendard d’une féminité assumée et revendiquée. Certains économistes se fient même à la longueur de leur ourlet pour prévoir des crises économiques !

Retour sur l’épopée d’un vêtement pas comme les autres.

La jupe : une histoire pas cousue de fil blanc

La jupe (de l'arabe joubba pour long vêtement de laine) est un vêtement fixé au niveau des hanches ou de la taille pour couvrir tout ou une partie du bas du corps sans division pour chaque jambe et sans qu'en principe les bords inférieurs soient refermés. Même si dans l’Antiquité, les hommes portaient la tunique et la toge, le terme désigne en Europe un vêtement exclusivement féminin depuis 1672 : il constitue donc un élément premier de distinction de genre. « Dès le Moyen-âge, il est plus facile de montrer sa gorge que ses jambes. Car la poitrine (le sein maternel ?) appartient à la partie haute et « noble » du corps. Contrairement aux jambes, qui renvoient au bas « honteux », au sexe. » explique l’historienne Christine Bard . Cette différence sexuée établit une hiérarchie entre les genres : l’une des vocations du vêtement féminin est avant tout d’entraver le mouvement (robe fuselée resserrée dans le bas, harnachement des sous-vêtements, du corset au porte-jarretelle) et donc de maîtriser les femmes. Les hommes se sont toujours octroyés des vêtements plus faciles à porter comme le pantalon, devenu symbole de pouvoir. A cette volonté de contention, s’associe paradoxalement la symbolique de l’ouverture du sexe féminin. En effet, jusqu’au 20ème siècle, les femmes ne portaient pas de sous-vêtements mais des jupons superposés. Une évolution se produit à la fin du XIXème siècle avec l’essor du cyclisme, les progrès de l’hygiénisme et le désir de libération, traduit par la naissance du mouvement féministe. Les femmes se sont alors mises à porter des culottes fendues. Puis, dans les années 1920, la culotte fermée s’est généralisée et le pantalon a cessé d’être un symbole de masculinité dans les années 1960. Les femmes se sont alors libérées en ayant le choix de porter soit le pantalon, soit la minijupe. Aujourd'hui encore, ce choix n'est pas partout possible, puisque certaines professions exigent le port obligatoire de la jupe. Ainsi, c'est seulement en 2005 que les hôtesses d'Air France ont gagné le droit au pantalon, avec la collection de Christian Lacroix. De même, une ordonnance de 1800 qui n’a toujours pas été abrogée, interdit encore aujourd’hui aux femmes de s’habiller en homme.

Le paradoxe de la jupe : autrefois aliénation, aujourd’hui revendication

Ironie de l’histoire, alors que les femmes se sont battues au fil des siècles pour se libérer de l’entrave de la jupe et de sa symbolique de domination, les jeunes générations la brandissent aujourd’hui comme le symbole du droit à la féminité. Dès 2003, l’association « ni putes ni soumises » a mis en évidence la symbolique de la jupe, désormais interprétée comme un signal de disponibilité sexuelle et une provocation permanente. Par conséquent, beaucoup de jeunes filles ont renoncé à la porter et pas seulement dans les cités. L’initiative de la « journée de la jupe et du respect » a d’ailleurs vu le jour dans un lycée catholique d’Etrelles, à 40 kms de Rennes. Depuis, trente établissements en 2009 ont décidé d’en faire un moment d’expression et de création sous la forme de spectacles – rap, danse, photographie. En mars 2009, enfin, la fiction a rejoint la réalité avec le film de Jean-Louis Lilienfeld« La journée de la jupe ». Pour Isabelle Adjani, le personnage de la prof qui prend en otage sa classe « porte sa jupe comme un symbole de révolution, car le pantalon est devenu une armure, un voile pour les filles des cités ».

La théorie de l’ourlet ou comment les jupes sont les nouveaux oracles de l’économie

Véritable objet politique, la jupe serait également devenue un baromètre économique, si l’on s’en réfère à la « théorie de l’ourlet » ! Elaborée par le très sérieux économiste Georges Taylor dans les années 20, la « hemline theory » avance que la prospérité d’un pays se mesure à l’aune de la longueur de ses jupes : plus elles sont courtes, meilleure est la santé économique ! Etonnant quand le bon sens voudrait qu’en cas de crise, on économise le tissu et qu’on préfère la mini-jupe ! C’est justement l’inverse d’après Georges Taylor : ainsi dans les années 20, période prospère, les jupes se portent au-dessus du genou ce qui est très court pour l’époque. Après la crise de 29, elles rallongent considérablement et les jambes disparaissent sous de longues étoffes. Les années 60, quant à elles, voient naître la consommation de masse, l’explosion du prêt à porter et … de la mini-jupe! Nouveau revers dans les années 70 et dégringolade de l’économie : les hippies portent la robe longue et la mini-jupe n’est plus qu’un lointain souvenir. Harold Koda, conservateur en charge de l'Institut du Costume du Metropolitan Museum à New York, explique ainsi le phénomène : « Tout grand créateur a son doigt sur le pouls de la société. Et quand vous êtes en proie à l’abattement et au pessimisme, il ya une tendance à se couvrir - qu'il s'agisse de vêtements à manches longues, jupes longues ou des collants opaques." Quand on regarde les vitrines des magasins cet automne, regorgeant de jupes sous le genou et de tailleurs austères, on a du mal à se dire que la crise économique est derrière nous !

La jupe est loin d’être un simple accessoire futile : il questionne chacun sur les frontières entre le masculin et le féminin, jalonne l’histoire des femmes et donnent le pouls de notre société. Pas étonnant qu’un livre lui soit consacré (« ce que soulève la jupe » de Christine Bard) et qu’Alain Souchon, lui ai dédié une chanson (« Sous les jupes des filles »). Et si le monde tournait plus rond grâce à leur volants et leur froufrous, comme le disait poétiquement François Truffaut ? “Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie”.

jeudi 6 octobre 2011

Pomme pomme pomme pomme : marche funèbre




Ce matin j’ai appris la mort de Steve Jobs en écoutant la radio. Etrangement, ça faisait bien longtemps que je découvrais une nouvelle de cette envergure autrement que par Twitter.



En parcourant mes réseaux sociaux, j’ai pu mesurer à quel point cet homme a marqué l’histoire personnelle de chacun. Apple n’est plus une marque, un produit de consommation, c’est devenu une madeleine, un objet transitionnel, un doudou des temps modernes. Qui voit encore la machine ou la somme de composants électroniques derrière l’objet du désir qu’incarnent l’Iphone ou l’Ipad ? Comme l’écrivait ce matin l’actrice Mia Farrow sur Twitter : « I never loved a machine until my first Mac ».




Autre tour de force de l’homme à la pomme : réhabiliter l’image du « grand patron » et celle de la réussite. Par sa simplicité (on se souvient tous de son uniforme col roulé/jean/basket) mais aussi par sa mesure : alors qu’Apple est l’entreprise high tech la plus valorisée en bourse, Steve Jobs n’est que la 136ème fortune au monde, loin derrière Bill Gates ou Michael Dell. Symptomatique : les mots qui reviennent le plus souvent dans ses nécrologies sont « visionnaire » « génie » « créateur » « révolutionnaire », des qualificatifs qu’on attribuerait davantage à un artiste qu’à un chef d’entreprise.



Pour ma part, j’ai succombé à la marque à la pomme plutôt tardivement. Même si j’ai eu mon premier ordinateur assez précocement pour mon époque (11 ans), j’ai toujours été fidèle au PC.




Lui et moi on était sur la même longueur d’ondes : on ne faisait pas partie de la bande des branchés mais on était besogneux, c’était l’essentiel. Pas de fringues griffées, pas de maquillage, assise au 1er rang : mon mode de vie calait bien avec mon PC. Et puis, lui et moi, on en a passé de longues nuits sur mes exposés, mes rapports de stage, mes CV. Malgré tout ça, il ne m’a jamais plantée pour une autre. De mon côté, je le rassurais en lui disant que le Mac c’était le truc des artistes, des graphistes et des riches. Moi j’étais une littéraire boursière, le choc des cultures aurait été trop violent.



Le glissement s’est fait subrepticement, après mon mariage, quand j’ai décidé de me mettre à courir. Quel meilleur allié qu’un Ipod pour rendre les kms moins difficiles ? Puis ça s’est accéléré quand mon téléphone est tombé en panne et que j’ai réussi à avoir un très bon prix un Iphone 4. Très vite, mon PC s’est trouvé relégué dans mon bureau alors que mon Iphone me suivait partout : dans mon lit, en vacances et même jusque dans mes toilettes ! J’ai pourtant essayé de faire passer des messages à mon PC : je l’ai reformaté pour qu’il comprenne qu’il était trop lent, j’ai installé Itunes pour qu’il s’inspire de sa convivialité. J’ai même synchronisé mon Iphone toute la nuit avec lui pour qu’ils discutent: rien à faire ! Après un an de dialogue de sourds, j’ai enfin pris ma décision : je le quitte pour un Mac ! Heureusement, mon PC a plutôt bien pris la chose et pense que je reviendrai après ma crise de la quarantaine. En guise d’au-revoir il s’est contenté de me ressortir un de ses vieux slogans : « Jusqu’où irez-vous ? ». J’ai répondu par un évasif « Ctrl+Q ».

mardi 4 octobre 2011

Ma visite de l'exposition "Des jouets et des hommes" au Grand Palais

On se souvient tous de son premier jouet ou de celui qui garde une place particulière dans notre coeur. Pour ma part, il s’agit d’un pingouin range-pyjama dénommé « Nestor », star d’une émission pour enfants dans les années 70. Je me souviens avec précision de son bec orange, de son nœud papillon en acrylique et des bouffées d’amour que je ressentais en le serrant contre moi ! Au-delà des Barbies et autres poupons c’est à lui que je pense quand je me remémore mon enfance. Mais sort-on vraiment un jour du « vert paradis des amours enfantines » ? On peut légitimement se poser la question quand on visite la passionnante exposition « Des Jouets et des Hommes » qui se tient actuellement au Grand Palais. Organisée non pas chronologiquement mais par thématique (« les univers de l’enfance » « l’illusion de la vie » « jouets de filles, jouets de garçon »…), elle nous offre un fantastique voyage dans le temps à travers une galerie de plus de 1000 jouets. Convoquant successivement l’enfant et l’adulte en nous, elle nous émerveille avec des pièces d’orfèvre telle cette fantastique maison de poupée datant de 1800 mais nous fait aussi réfléchir sur la portée symbolique du jouet, à l’image de cette panoplie de prêtre avec tous ses accessoires.

Pas sérieux le jouet ? Détrompez-vous ! Poupées, robots, petites voitures, nounours figurines, trains : tous racontent notre histoire et sont un véritable concentré de culture. Comme l’explique Dorothée Charles, conservateur en charge du département des jouets, l’exposition met en lumière les rapports complexes que les enfants entretiennent avec l’univers des grands : comment s’emparent-ils de cette réalité à leur échelle, toujours imaginée par des adultes ? Quelle part de mimétisme dans les jouets, ou au contraire de décalage ou d’invention ? Les archétypes de la maîtresse ou du pompier ont-ils toujours existé ?

La portée symbolique du jouet et son pouvoir de conditionnement sont mis en évidence avec force dans la salle « jouets de filles, jouets de garçon ». Alors que les filles semblent moins sexistes car elles adoptent les jouets de garçon facilement, l’inverse n’est pas vrai. En parcourant les vitrines on saisit avec intensité le poids des conventions et comment, dès l’Antiquité, les stéréotypes sexués se transmettent. Les filles sont confinées à la maison en tant que mère ou enfermées dans des activités liées au service des autres (infirmière, nourrice, sage-femme). La cuisine miniature apparait dès le XVIIIème siècle, suivie ensuite au fil du temps par la ronde des appareils ménagers : lave-linge, aspirateur, fer à repasser…Les garçons, eux, sont poussés à l’extérieur du foyer et les jouets sollicitent l’agilité, l’esprit de compétition, le goût de l’action et le dépassement de soi. Il est étonnant de voir que les jeux d’action n’ont pas changé depuis l’antiquité : on est passé du cheval de bois à la calèche, de l’avion à la navette spatiale mais la quête de vitesse et de performance est restée la même. Présents aussi depuis la nuit des temps, les jeux guerriers ont pour vocation de divertir mais aussi de préparer à de futurs combats réels.

Cette exposition s’adresse aux petits comme aux grands : de nombreuses activités sont d’ailleurs proposées pour les enfants pendant les vacances de la Toussaint (visite-atelier, visite-guidée, films…).

Seul petit bémol : Alors que l’exposition dénonce la reproduction des stéréotypes sexués, le magasin de jouets qui la clôture ne propose que des objets très classiques (à part poupées ou dînette je n’ai rien trouvé d’innovant pour ma fille). Dommage pour un événement qui se veut éducatif !

Grand Palais, Paris VIIIe, jusqu'au 23 janvier 2012.

lundi 3 octobre 2011

Comment le burn-out m'a sauvé la vie




Tout au long de ma vie, l'écriture a été mon fil rouge et m'a sauvée de biens des situations : dernière en maths? Pas grave, première en français, sauvée du redoublement. Un petit ami qui se carapate? Une lettre écrite avec les tripes et le retour est assuré, plus efficace qu'un marabout. Une dispute qui signe la mort d'une amitié? Un mail sincère, comme une bouteille à la mer et l'on renoue le contact.

Jusqu'à il y a peu, l'écriture était un loisir en dilettante, une bouffée d'oxygène dans une vie professionnelle pas toujours palpitante. Le fait d'en vivre m'apparaissait comme une chimère, un rêve inaccessible et je me trouvais toutes les excuses possibles pour me soustraire à cette éventualité : trop de gens sur le marché, pas la formation adéquate, aucun réseau et puis surtout je travaillais dans LA World Company, cocon douillet ou prison dorée selon les jours, dont personne n'aurait envie de s'échapper. De plus, après 10 ans passés au sein d'un groupe de cette taille, le monde du travail nous paraît étranger et anxyogène tant on perd la réalité du monde extérieur. Envoyer une lettre de motivation ou passer un entretien demandait un courage et des ressources dont je pensais ne pas disposer.


Professionnellement, j'ai fait un chemin honorable : rentrée comme secrétaire dactylo, j'ai gravi (péniblement) les échelons pour accéder à des postes très variés : acheteuse, coordinatrice marketing, chef de projet internet. Cependant, je sentais bien qu'il manquait la petite étincelle qui fait la différence et qu'on ne manquait pas de me faire remarquer à chaque entretien de fin d'année : pas assez charismatique, pas assez politique, trop effacée, pas assez d'envergure. Je "faisais le job" mais sans briller ou me démarquer. Preuve en est, j'ai quitté la caste des "employés de maîtrise" pour rejoindre celle des "assimilés cadres" mais sans jamais atteindre celle tant convoitée des "cadres". Mon statut d'assimilé était un entre-deux théoriquement temporaire mais je suis restée empêtrée dans ce no man's land sans vraiment arriver à en sortir. De mon côté, je n'ai jamais vraiment pris beaucoup de plaisir à ce que je faisais, c'est d'ailleurs pour cela que mon CV peut paraître chaotique à un oeil extérieur. Dans ma vie professionnelle, j'ai essayé beaucoup de choses, suis repartie très régulièrement à zéro, espérant retrouver la même fougue qui m'habitait quand je prenais la plume. Sans succès.

J'aurais pu continuer ainsi toute ma vie professionnelle, mettant dans un coin de ma tête mes envies et baillonnant mes rêves si un événement n'était pas venu bouleverser cette routine confortable. A mon retour de congé maternité, j'ai vécu une année professionnelle très éprouvante, conjugaison désastreuse de suppression de postes, management tyrannique et pression grandissante sur les équipes. Petit à petit j'ai senti ma vie m'échapper : les choses quotidiennes les plus anodines comme m'habiller ou m'occuper des enfants devenaient des fardeaux, je fuyais les déjs à la cantine ou les pauses café avec les collègues, je me réveillais la nuit pour calculer et recalculer les formules rentrées dans mes tableaux Excel la veille. Fatalement, un jour, le corps affamé, épuisé, maltraité, ignoré craque. Et le diagnostic tombe : Syndrome d'épuisement professionnel.


Les jours qui ont suivi se ressemblaient tous : cloitrée à la maison, je les voyais défiler comme une vache verrait passer les voitures, mollement et sans émotion. L'estime de soi n'était qu'un souvenir lointain et je devenais une énigme pour mon entourage qui me conseillait "de me secouer, de voir du monde".



L' aiguillon qui m'a fait revenir à la vie dans ce long tunnel a été, une de fois de plus, l'écriture. Au début engourdie, ma plume s'est dérouillée et j'ai vu avec plaisir les mots affluer sur le clavier. L'estime de soi, pauvre pantin désarticulé, a repris corps progressivement et mes émotions ont reinvesti, à pas de loup, mon coeur anesthésié. LE PLAISIR, un mot que j'avais mis de côté dans ma vie professionnelle depuis si longtemps, revenait en fanfare au moment où je m'y attendais le moins! Elle était là ma voie, comment avais-je pu me cacher les choses si longtemps?




Voilà pourquoi à bientôt 40 ans, je recommence une fois de plus à zéro, partagée entre excitation et questionnement, guidée par mon envie et ma plume. Vais-je pouvoir en vivre? Vais-je arriver à travailler seule de la maison, moi qui ai toujours apprécié le travail d'équipe? Comment me faire connaître?



Les questions affluent, j'ai la peur au ventre mais au moins j'aurais été au bout de l'aventure. Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour mais le burn-out m'a sauvé la vie.

dimanche 2 octobre 2011

A-t-on le droit de se revendiquer "geek" quand on est une femme sur Twitter?


Le mois dernier j’écrivais un article sur le site Nouvel Obs + qui traitait de l’influence des femmes et de la façon dont elles s’auto-sabotaient sur le net. Le point de départ de cette étude à été mon étonnement en constatant que seules 14 femmes figuraient dans le top 100 Klout des personnes les plus influentes.

J’ai pris comme terrain d’investigation les bios de 539 followers (abonnés à mes tweets) et les résultats ont été à la hauteur de ce que je pressentais :

- Les femmes semblent donner davantage de détails personnels que les hommes et donc professionnalisent moins leurs bios : le pourcentage d’utilisateurs masculins mentionnant des détails de leur activité professionnelle (53%) est supérieur à celui des utilisateurs féminins (43%)

- Les utilisateurs qui se définissent comme « experts » sont à 85% des hommes

- Ce sont les femmes qui donnent le plus de détails concernant leur vie maritale (célibataire, mariée, divorcée, mère) (78% des utilisateurs mentionnant ces informations dans leur bio sont de sexe féminin)

- Quand les femmes utilisent des adjectifs positifs pour se définir (4% d’entre elles), c’est le qualificatif "curieuse" qui revient 6 fois sur 10 ! Vue l’ambivalence du terme, on ne sait définir avec précision s’il s’agit de l’acception "qui est avide de savoir" ou "qui cherche à savoir des choses qui ne la regardent pas", la curiosité étant, selon la sagesse populaire, un vilain défaut ! Par ailleurs, là où un homme se définira comme "bosseur", une femme se décrira comme "workaholic". Une nuance qui a son importance…

- Le pourcentage d’utilisateurs mentionnant un ou plusieurs adjectifs négatifs dans leurs bios sont à 96% des femmes

Alors que les femmes sont les « bonne élèves » du web (elles sont plus présentes et actives sur les réseaux sociaux que leurs homologues masculins) elles semblent intérioriser les stéréotypes et s’y conformer (médias sociaux = geek = technique = domaine de prédilection des hommes).

Cet article a très bien été accueilli et relayé par les 2 sexes et j’ai eu l’agréable surprise de voir les bios de mes homologues féminines se modifier de façon positive au fil du temps. Je reste persuadée que les mots ont un poids sur notre vision du monde et même si ces changements sont infimes, c’est aussi de cette façon que l’on contribue à faire évoluer les mentalités.

Qu’elle n’a donc pas été ma surprise en me connectant à Twitter hier soir de voir ma TL envahie de messages haineux provenant d’un groupe de 4 personnes. Aussi courageux que des mecs en bande attaquant une femme dans une rue sombre, ils estimaient que je méritais « le viol collectif » suivi d’un « bain d’acide ». L’objet du délit ? J’ai osé me déclarer « geek » dans ma bio (alors que selon eux je ne le suis pas. Je précise que ces individus ne me suivent pas sur Twitter donc je ne sais pas sur quoi se base leur appréciation. Facteur aggravant, j’y associe le qualificatif « féministe » (« les féministes c’est des cons »). Devant ce bel exposé transpirant l’intelligence, j’ai décidé de bloquer ces dégénérés, « don’t feed the trolls » comme dirait l’autre.

Certains vont me dire que ce sont des blagues de potaches sans importance, qu’ils ont voulu provoquer un clash pour passer le temps. Certes. Cependant, en regardant plus attentivement les bios de ces décérébrés, on peut se rendre compte qu’ils ne sont pas anonymes, qu’ils sont éduqués et jeunes (l’un d’entre eux est encore en stage). Et qu’ils lancent des attaques d’une violence disproportionnée dans un total sentiment d’impunité. Se seraient-ils permis de tels débordements si j’étais un homme ? J’en doute. Pourtant la gent masculine use (et parfois abuse) de qualificatifs valorisants, parfois à la limite de l’absurde (ex :« serial entrepreneur » pour un chef d’entreprise ayant essuyé des dépôts de bilan à la chaîne) sans subir de tels assauts.

Mon outrage suprême, au-delà du fait d’être féministe a été de m’auto-déclarer « geek ». Car il faut le savoir, dans cette caste ultra-testostéronée, on reste entre pairs (et paires). Raison pour laquelle, d’après cette étude, 87% des contributeurs sur Wikipédia sont des hommes.

Alors qu’on pourrait penser que le caractère participatif du site, ouvert à tous, encouragerait l’engagement des femmes, il n’en est rien. «A cause de ses premiers contributeurs, Wikipedia a beaucoup de points communs avec les geeks hackers hardcore, analyse Joseph Reagle, du Berkman Center for Internet and Society à Harvard. Ce qui inclut une idéologie réfractaire à tout effort d’imposer des règles ou des buts comme la diversité, voire une idéologie décourageant les femmes». Une ancienne contributrice du site témoigne dans les commentaires d’un article de Rue 89 : «Et puis il y a la communauté Wikipédia. Les censeurs de cette "encyclopédie" "libre". Ceux qui vont exercer une censure et expliquer pourquoi, d'une page à l'autre, ce sont les mêmes clichés qui reviennent, les mêmes voix qui s'expriment. On les a déjà décrits, ces censeurs. Blanc, jeune, souvent dans le secteur de l'informatique, quasi-toujours de sexe masculin.» «Et ce n'est pas parce qu'ils sont d'une nature particulièrement mauvaise, ou qu'ils mettent des barrières que les femmes n'intègrent pas cette communauté. C'est juste qu'une petite communauté homogène va naturellement se reproduire à l'identique


Cette sous-représentation des femmes sur Wikipédia vous choque ? Sachez qu’il n’est que le strict reflet de la réalité en dehors du net.
En effet, selon les chiffres de l’organisation OpEd Project, un taux de participation des femmes de 15% se retrouve aussi au Congrès ou dans les pages «Tribunes» du New York Times ou du Washington Post.

Alors, à vos claviers citoyennes !